jeudi 28 juillet 2016

« Mo » Farah (5), Pékin 2015, l’année du doute

L
orsque Mo Farah arrive à Pékin où se disputent les championnats d’athlétisme 2015, il manque de cette sérénité qui lui fut coutumière. Beaucoup de choses ont été dites à propos de dopage. Bien qu’il ne soit pas visé directement par les journalistes, les agences américaines et britanniques de lutte contre le dopage, le coureur de 5 000 et 10 000, favori numéro un de ces deux courses devant ses rivaux d’Afrique de l’Ouest (Kenya, Ethiopie, Erythrée), est compromis par les accusations à peine voilées qui sont portées contre son entraîneur (Alberto Salazar) et son camarade d’entraînement (Galen Rupp).

Le 26 août, après une qualification qui ne fut pour lui qu’une formalité, il apparait (selon les journalistes présents sur place) détendu, souriant et un brin plaisantin. Le journaliste du quotidien « Le Monde » note que « dans les travées du stade olympique de Pékin, Mo Farah, lunettes de soleil remontées sur le front, s’amuse avec les médias anglophones » et qu’il « affiche ostensiblement sa décontraction ».

Les journalistes britanniques sont encore plus surpris que le journaliste français. L’un d’eux, journaliste au « Telegraph », assure qu’il ne l’avait jamais vu « aussi heureux cette année qu’aujourd’hui ». Après avoir exprimé sa surprise et indiqué que Mo Farah « était comme ça les années précédentes, il rigolait tout le temps », il note que la médaille d’or  remportée quatre jours plus tôt sur le 10 000 m « a changé son attitude ».

Le journaliste britannique estima alors qu’au cours des mois ayant précédé la compétition, Mo Farah ne savait pas qu’elle devait être son attitude vis-à-vis des représentants des médias. L’explication est peut être simpliste mais lisons-là : « il ne savait pas trop quoi dire, il ne savait pas comment ça serait interprété. Comme il a réalisé qu’il était à nouveau sur les “unes” pour de bonnes raisons, après l’avoir été pour de mauvaises, il est heureux à nouveau». Les « mauvaises raisons » étaient celles qui étaient liées aux soupçons de dopage.

En finale du 10 000 m, Mo Farah s’est imposé dans le dernier tour sans grande difficulté. Malgré les trois Kenyans engagés dans une course d’équipe, faisant tout pour maintenir un train d’enfer, il a placé une de ses accélérations dont il a le secret, obligeant ses adversaires à céder.

En zone mixte, après un tour d’honneur enroulé dans l’ « Union Jack », devant des tribunes presque désertées, Mo Farah évoque sa sixième médaille d’or consécutive dans une des grandes compétitions (Jeux olympiques et championnats du  monde) en déclarant que « cette victoire veut dire beaucoup pour moi, ces dernières semaines n’ont pas été faciles » avant de poursuivre « J’ai laissé ma course parler pour moi». Le double champion olympique ne se sentait pas plus stressé que d’habitude. Aux journalistes recueillant ses impressions, il déclara, comme pour ôter les doutes pouvant leur venir à l’esprit,  « de toute façon, je n’aurai jamais autant de pression que pour les Jeux de Londres, où toute une nation m’attendait». Comprendre que cela fut plus dur à Londres qu’à Pékin. Malgré les péripéties du semestre qui a précédé la compétition chinoise.

Héros au Royaume-Uni, après son double sacre aux JO de 2012, son image auprès du public avait connu une dégradation certaine depuis six mois. Le journaliste du Telegraph  remarque, alors qu’une seconde médaille d’or est sérieusement engagée, « le grand public ne croit plus en Mo Farah, à cause de ce qui a été écrit dans la presse. Il n’y a pas de preuves contre lui, mais les gens n’y croient plus. C’est triste».

Depuis le début de l’année 2015, Mo Farah est confronté à une succession d’affaires embarrassantes. En février, les journaux britanniques ont révélé qu’il avait effectué un stage d’entraînement à Sulthula (la base d’entrainement d’entraînement d’Aden Jama en Ethiopie) aux côtés d’Hamza Driouch. Nous avons vu que cet  athlète qatari d’origine marocaine a été convaincu de dopage (sur la base d’anomalies sur son PBA) et suspendu au moment du stage. Les explications de la fédération britannique, de l’agent de Mo Farah et de Hamza Driouch, confuses et contradictoires, n’ont pas dissipé ce premier malaise.


En juin 2015, à quelques semaines des championnats du monde de Pékin, la BBC a révélé qu’Alberto Salazar (que Farah a rejoint en 2011) était au cœur d’une enquête de l’agence antidopage américaine. Quelques jours plus tard, le Daily Mail a fait ses gros titres sur le fait que Mo Farah ait raté deux contrôles antidopage (passés inaperçus) en 2010 et 2011.

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