mardi 16 janvier 2018

Retour aux principes originels (6), Les informateurs, acteurs de théâtre antique

Celui que nous considérons comme un « informateur » est un leader d’opinion en puissance. Il n’est pas « un indicateur » des services de sécurité ni « un lanceur d’alerte ». Pourtant, bien souvent, il pourrait se confondre avec le second dans ses actions de dévoilement d’actes néfastes (de son point de vue) à la discipline qui lui tient à cœur.

Bien que se présentant sous un déguisement, il bénéficie, dans la sphère où il intervient, d’une aura et d’une autorité morale qui lui sont accordées au vu de ses références et performances dans la discipline (ou le thème) en question. Elles permettraient (si besoin en était) de le faire reconnaitre en tant que tel (leader d’opinion) à la condition expresse d’accepter toutefois de se laisser ôter le masque derrière lequel il se dérobe aux regards.

Ce masque virtuel (dans la réalité, l’informateur n’en porte pas et il lui est confectionné par le représentant des médias) n’a rien à envier à celui que portèrent les acteurs grecs antiques jouant Eschyle ou Sophocle. Comme le masque théâtral athénien, il favorise la distanciation. Il autorise ainsi la distinction entre l’information et le porteur de l’information.

Dans cette situation par bien d’aspects mélodramatique, c’est le message qui est important pas le messager où la forme revêtu par les porte-paroles des dieux olympiens. L’information, aussi objective soit-elle, prend place aux premiers rangs de ce qui est, nous devons l’intégrer à notre pensée, une expression de la comédie humaine qui se joue au quotidien sur une scène éclairée a giorno par les projecteurs.

Nous mettrons ce masque dissimulateur sur le même plan que ces acteurs qui, dans le théâtre occidental de la période classique (Molière, Corneille, Racine) ou du théâtre algérien naissant, celui de la première moitié du XXème siècle (celui où Mahiedinne Bachtarzi occupa un rôle pivot) jouèrent des rôles féminins.

Pour ce qui nous concerne, dans la forme journalistique pratiquée, le recours à la rumeur, en tant que source d’informations, n’est pas un exercice aussi redoutable qu’elle pourrait l’être dans les autres formes journalistiques.

Celles-ci, par ces subtilités sémantiques et lexicales se prétendant apurées de toutes immixtions dont voudraient se débarrasser vainement les techniques d’écritures enseignées dans les écoles de formation de journalistes et confirmées par l’impérialisme de l’idéologie dominante, sont quant à elles forcées de « sourcer » les arguments. Elles se sont mises elles-mêmes en condition pour reproduire une opinion émise par un locuteur identifié devenant une source visible d’informations et de sens à décrypter rattachables à un mode de pensée.

Les rumeurs que nous reproduisons, en dépit de leurs positions dans une chronologie ou dans un enchaînement, ont, dans la chronique, dans le récit proposé à la lecture, un statut d’informations secondaires. Elles accompagnent l’information principale et essentielle. Elles se situent le plus souvent en arrière-plan. Elles décrivent le décor (lorsqu’elles n’en font pas partie). Elles font aussi partie intégrante du contexte dans lequel le fait est apparu et quelque fois se développe. Diffusées en leurs temps, quand elles auraient pu faire l’actualité, elles auraient été essentielles.

La différence essentielle entre les informations contenues dans les « rumeurs » (au sens que nous avons précédemment défini) et les informations « sourcées» (celles reprises dans la presse quotidienne et périodiques) se constate dans la visibilité des énonciateurs.

La qualité intrinsèque, la pertinence de l’information, rapportée par un informateur ou par un leader d’opinion, sont identiques. A qualité informationnelle égale, la différenciation se fait compte tenu du statut de l’énonciateur. Celui que l’on voit, que l’’on entend, même par l’intermédiation d’un tiers (le journaliste), est évidemment socialement plus crédible.


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