jeudi 31 mars 2016

Des entraîneurs (4), Explications au repli sur soi

D
es entraîneurs nous ont interpellés au sujet du transfert de compétences et nous ont communiqué ce qui, selon eux, seraient des éléments de réponse à nos interrogations. Il semblerait qu’il existe un déficit de confiance important envers les structures (et leurs représentants) dont la première caractéristique serait l’absence de crédibilité et le plus souvent de moralité. Ce qui n’était que questionnement a été confirmé.
Pour ces entraîneurs (malheureusement nombreux) la communauté de l’athlétisme, le milieu dans lequel ils sont immergés, est perçue comme un univers de rivalités multiples dans lequel seraient étroitement associés dénigrements, dévalorisation de l’autre, valorisation exacerbée de soi en vue de s’approprier, d’attirer dans son club de jeunes talents révélés dans d’autres structures dont celles (ce serait un phénomène qui prendrait de l’ampleur et viendrait tenter de contrecarrer, par la surenchère, l’algérocentrisme ambiant) existant dans des wilayas périphériques.
Ces pratiques auraient pour objectif d’obtenir une augmentation substantielle de la subvention versée par les collectivités locales (dont on oublie souvent qu’elle est liée aux résultats de l’exercice antérieur et que l’amélioration ne sera perceptible que deux saisons après l’intégration des nouveaux athlètes à condition qu’ils se soient maintenus au même niveau de performance et que les athlètes du club n’aient pas fait l’objet d’un détournement par un club mieux doté financièrement) et des bénéfices personnels prenant la forme de primes indûment améliorées qui pour certains entraîneurs pourrait atteindre (voire dépasser) le salaire d’un entraîneur débutant. Dans une telle ambiance, il est évident que le transfert de connaissances n’est qu’un mot vide de sens.
L’implication dans cette dénaturation des rapports n’est pas à négliger. Dès 1991, les titres de Hassiba Boulmerka et Noureddine Morceli, les autres médailles et les accessits des championnats du monde d’athlétisme de Tokyo ont valorisé les « pirates des pistes » et ont fissuré un édifice déjà sérieusement ébranlé. Les primes et autres avantages accordés à ces entraîneurs ont instauré (avec la bénédiction des autorités sportives encore dépassées par les événements) le « mercenariat » perçu comme une formule de motivation dont une des versions extrêmement pervertie est visible dans l’univers du football où l’inflation des salaires et des primes, au nom de la loi du marché, est perceptible.
Il semblerait même que les pratiques d’antan (accords des deux entraîneurs et de l’athlète ainsi que, beaucoup d’entraîneurs s’en souviennent, la sollicitation d’un entraîneur par son confrère pour prendre en charge un athlète que l’on ne peut mener, pour différentes raisons, à un niveau de performance supérieur) soient complètement obsolètes.
On en serait arrivé aujourd’hui à des mutations qui ne répondraient à aucune des dispositions réglementaires en vigueur. Nous avons appris incidemment (tout en convenant que certains incidents sont soigneusement planifiés pour qu’ils soient portés à notre connaissance et à notre attention sans rien laisser paraître) que de nouvelles mœurs sont apparues dans le milieu. Un entraîneur (ou un dirigeant) s’approche d’un groupe où nous trouvons et, sans nous adresser la parole et faisant mine d’ignorer notre présence, s’arrange (s’adressant à son interlocuteur d’une voix suffisamment forte pour être entendue à plusieurs pas ou en faisant un esclandre) pour nous faire part de ce qui lui tient à cœur.
A travers cette représentation théâtrale dont on ne peut être dupe et nous place dans le registre du « théâtre de boulevard », on nous a fait savoir que des mutations d’athlètes d’un certain niveau (top 10) auraient été validées, par un membre du bureau fédéral qui détiendrait le cachet de la fédération, sans le consentement du club quitté. Si cela était vérifié, cela indiquerait que les trafics, qui par le passé étaient attribués à clubs et à certaines ligues complices, seraient passés au niveau supérieur, à l’échelon fédéral.

Bien que l’on ne puisse incriminer directement les entraîneurs, on remarquera que nous sommes de plain-pied dans le registre des « vrais » entraîneurs et de dirigeants du même acabit dont l’aptitude à payer des primes et des indemnités mirobolantes et l’incapacité à se procurer des ressources financières supplémentaires (et complémentaires aux subventions étatiques) se sont dévoilées dans la condamnation de l’article 6 du décret exécutif 15.74. On remarquera que ce sont les clubs « semi-professionnels » (une catégorie juridiquement inexistante en Algérie) qui se sont trouvés en première ligne de cette contestation.    

mercredi 30 mars 2016

Des entraîneurs (3), Le retour au Moyen Age

N
ous nous sommes interrogés sur l’absence de transfert de savoir-faire et avons indiqué très brièvement quelques-uns des motifs qui empêchent cet essaimage cognitif qui aurait dû mener à un élargissement de l’élite et continuer à faire de l’Algérie (au même titre que le Maroc) une nation de coureurs de demi-fond  rivalisant, autrement que par des athlètes exceptionnels en tout point, avec les références mondiales. L’athlétisme algérien fut une référence africaine (devant et avec les Kenyans, Somaliens, Ethiopiens, etc. alors à l’aube de leurs hégémonies) pendant deux décennies (70 et 80) où les coureurs et coureuses s’installaient massivement aux premières places des compilations continentales annuelles, constatation statistique de l’existence d’un réservoir d’athlètes et d’une méthodologie. Il est vrai également qu’en ce temps-là, l’élévation du niveau de connaissance était une condition sine qua non de la sortie de ce qui dans les discours politiques était le sous-développement.
Depuis cette période faste pour le demi-fond algérien, des performances exceptionnelles ont certes été réalisées au niveau mondial (records du monde, titres mondiaux et olympiques que l’on peut considérer comme des indicateurs d’évaluation et de témoins d’un niveau de compétences, de qualifications appréciables).
Des entraîneurs installés au fin fond de l’Algérie profonde ont fait la démonstration qu’avec les moyens du bord (un euphémisme pour désigner l’absence quasi-totale de moyens financiers et pédagogiques en ces lieux retirés de tout), il était possible d’atteindre avec des jeunes (cadets et juniors) des performances qui ne furent accessibles qu’à des espoirs (21-23 ans) ou à des seniors.
Les entraîneurs émergeants au plus haut niveau ont été rares et l’ont été avec la bénédiction de la fédération ou des clubs dits de performances qui (tel le MCA) disposaient des commodités indispensables à l’épanouissement des talents. Nous n’oserons pas affirmer que les résultats ont été réalisés seulement par  l’existence de moyens financiers bien que cela fut souvent le cas. Derrière le succès du MCA, il y a certes un modèle d’organisation mais aussi un savoir méthodologique et technique perdurant malgré le départ de ceux qui en furent les supports. Tous les coureurs de 1 500 à moins de 3.35 ne sont pas seulement un miracle de l’argent.  Il y a derrière cette reconnaissance par les chronos, les entraîneurs algériens doivent en convenir au lieu de se regarder en chiens de faïence et se jalouser, une compétence non négligeable acquise dans le giron du club. La dissémination du savoir est circonscrite à un groupe restreint.
Le même raisonnement peut être tenu pour la multitude de coureurs de 5 000, 10 000 et de courses sur route (semi-marathon et marathon) que les bilans recensent dans les rangs des piliers de l’athlétisme national que sont, depuis l’indépendance, les clubs créés au sein de l’ANP et de la sûreté nationale et depuis quelques années à la Protection civile.
Un flash-back est indispensable pour comprendre. Les entraîneurs algériens d’hier ont été formés à travers deux filières, celle d’abord de la formation académique (CREPS, ITS, ISTS) conduisant à des exercices de la profession (reconnue par la fonction publique et en conséquence appointée par l’Etat) des praticiens des sciences et technologies du sport (que nous préférons à la formule  générique de « techniciens du sport ») regroupant à la fois les formations de longues durée (5 ans) et de courte durée (3 ans) qui peut rejoindre par certains aspects l’expression d’ «entraîneur d’Etat » employée par Bruno Gajer et en font des « professionnels ». La seconde formation est celle mise en œuvre par la structure fédérale et ses démembrements (les ligues régionales et de wilaya), un apprentissage continu et alterné en direction d’anciens athlètes essentiellement, bénévoles par excellence car exerçant une activité professionnelle n’ayant que peu ou pas de rapport avec le sport.

Nous avons le souvenir (ainsi que certainement de nombreux entraîneurs) que, dans les années 80, des experts étrangers de différents nationalités, intervenant en premier lieu dans les amphithéâtres remplis par  les futurs praticiens des sciences et technologies du sport, animaient dans un second temps, souvent dans les mêmes lieux, des conférences devant les entraîneurs (professionnels et bénévoles) en activité dans les clubs. C’est cela le socle de la compétence laissée en jachère en l’absence de l’injection des avancées. Pourtant……

mardi 29 mars 2016

Des entraîneurs (2), L’absence de transfert de savoir-faire

N
ous avons vu (trop rapidement) dans la précédente chronique qu’un champion pouvait émerger à partir de deux filières, celle du bénévolat et du mouvement associatif d’une part et la filière plus « professionnalisée» des sports études et de l’INSEP.
Nous avons également indiqué qu’il existait un système d’acquisitions de connaissance et de perfectionnement. Bruno Gajer décrit un système dont on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une organisation académique mais d’une association permanente entre les travaux de recherche effectués en laboratoires et les travaux de terrain dans laquelle les résultats des uns éclairent et confortent ceux des autres. Une association dans laquelle interviennent trois acteurs, les chercheurs, les entraîneurs et les athlètes.
La première question posée dès l’entame de l’interview nous apprend qu’en 2000, Bruno Gajer a édité un livre (consacré au 800 mètres) dédié à la mémoire de Camille Viale, un entraineur de haut niveau ayant produit de la connaissance utilisée par ses collègues. Il explique son acte (dédicace) par l’admiration qu’il ressentait pour cet entraîneur décédé une année plus tôt.
Un acte auquel il associe quelques noms du 800 mètres français Philippe Collard,  Jean Claude Vollmer et José Marajo.
Ses propos empreints de sincérité sont éloquents et mérite un moment de méditation de la part des « vrais » entraîneurs : « nous étions admiratifs de cet homme, c’était le bon moment car on rend peu souvent hommage à nos entraîneurs qui disparaissent alors qu’ils ont apporté quelque chose à l’athlétisme ».
On apprend ensuite qu’une seconde édition de ce livre a été publiée l’année dernière « avec la collaboration de 12 entraîneurs ». Interrogé sur la réunion d’autant de compétences (une notion que l’on doit certainement percevoir à travers le triptyque savoir, savoir-faire et savoir-être qui synthétise les bagages académiques, l’expérience acquise sur le terrain et le comportement de l’individu-entraineur dans ses relations avec les autres et son domaine d’expertise) et l’éventualité que cela permette d’affirmer l’existence d’une école française du 800, il répond que bien que l’ouvrage collectif lui paraisse « hétéroclite » il y a « des fils que l’on retrouve chez nous tous. On est tous sur un fil, on se transmet des connaissances, que l’on fait évoluer certes, que l’on modernise. Je dirai donc qu’il y a bien une école à la française. Quand je vois l’entraînement de Thierry Choffin, de Philippe Dupont, on a beaucoup de choses en commun. On voit tous le 800 à travers le même prisme ».
Revenant sur les 20 dernières années, Gajer décrit succinctement le cheminement, la démarche qui ont conduit à ce « prisme » et s’est penché dans l’interview sur un aspect de la préparation des athlètes de haut niveau, celui du renforcement musculaire.  Il indique qu’il y a eu « historiquement » (dans une sorte de démonstration et de la formation des strates cognitives) d’abord le travail de recherche sur la préparation musculaire avec le binôme José Marajo - Jean Claude Vollmer sur le terrain et un autre binôme en laboratoire (Gajer- Christian Miller) suivi par des « analyses d’activité », un tour de France des colloques lui-même se poursuivant par le lancement du « renforcement musculaire avec une vraie méthodologie  qui a été reprise et que chacun s’est appropriée ».
Paradoxalement, chez nous où des résultats ont été obtenus au plus haut niveau (championnats du monde et jeux olympiques) dans certaines  épreuves (le 1 500 mètres et le 800 mètres en particulier avec une extension vers les épreuves combinées, heptathlon et décathlon, le saut en hauteur, le saut en longueur), ce transfert, cet essaimage de savoirs, la confrontation entre des approches ne semble pas avoir eu lieu dans un cadre organisé. Il aurait été en effet utile à la communauté des entraîneurs de connaître quelles ont été les principes et méthodes d’entraînement des Labed, Bouras, Morceli, Brahmia, Benida, Redjimi, Benachour, Saïd-Guerni et d’autres entraîneurs.
On ne sait pas quoi penser. S’agit-t-il d’une rétention volontaire de connaissances consécutive au dépit ressenti par une exclusion du système ? D’une politique de mise à l’écart des détenteurs de savoir susceptibles de remettre en cause l’ordre établi ? De l’absence d’un cadre organisé où ces entraîneurs pourraient intervenir ne serait-ce qu’en animant des conférences.   

lundi 28 mars 2016

Des entraîneurs (1), Philosophie de « faux » entraîneurs

N
otre « ami », triple champion de France de 400 mètres haies et médaillé d’argent du 4x400 mètres lors des jeux méditerranéens de Bari (1997), s’intéresse de si près à l’athlétisme algérien qu’il en a acquis quelques-uns des modes de pensée. En particulier ceux qui font partie des mœurs de cercles très fermés de la FAA avec lesquels il semble être en osmose parfaite. Il en a retenu surtout les travers dont beaucoup ont éliminé de son esprit certains aspects forts important de l’organisation de l’athlétisme français qu’il devrait pourtant maîtriser puisque géographiquement il en est proche. Avec au sommet de la pyramide celui du respect (même s’il peut être teinté d’hypocrisie) que l’on doit accorder à ses pairs.
La catégorisation des éducateurs qu’il propose (qui le plus souvent dans son pays sont des bénévoles et non des fonctionnaires de l’Etat) en « vrais » et « faux » entraîneurs selon que l’on possède (ou non) les connaissances et astuces pour contourner les contrôles antidopage aurait déclenché dans son pays un tollé entendu à l’autre bout du monde. Ce qu’il se permet d’écrire à propos de cet athlétisme national que certains ont dévié de sa voie, il l’aurait certainement à peine murmuré dans « son » pays. Mais, comme le dit si bien le dicton populaire « qui se ressemble s’assemble ». Par-delà les frontières.
N’étant ni « un connaisseur », ni « un analyste de salon » et encore moins  un « technicien aigri », nous surfons régulièrement sur les sites électroniques à la recherche de connaissances que le prophète Mohamed conseillait d’aller chercher en Chine s’il le fallait.
Alors que « notre  champion » français déraillait sur les réseaux sociaux, un de ses concitoyens (qui certainement dans l’esprit de notre « ami » fait partie des « faux » entraîneurs car il n’a pas abordé le modèle de production de performances via l’absorption de produits pharmaceutiques) a accordé une interview à un site spécialisé en athlétisme (demi-fond et fond et se penchant très souvent sur le phénomène du dopage) dans laquelle il est amené à indiquer sa vision de l’entraînement.
Il s’agit de Bruno Gajer, l’entraîneur du meilleur coureur français du 800 mètres (1.42.53), Jean  Ambroise Bosse. Bruno Gajer est au départ, avant de devenir « entraîneur d’Etat » en poste à l’INSEP, ainsi que l’indique l’introduction, un « prof, quartier difficile ». Incidemment, nous apprenons que, comme beaucoup d’entraîneurs de chez nous, ceux de l’Algérie profonde qui n’ont rien à envier aux banlieues de villes française en matière de stigmatisation et d’absences de structures d’entrainement, qu’il a encadré, à ses débuts, des groupes de 40 athlètes astreints à faire leurs footings sur une boucle de 840 mètres tracée sur un stade de foot..
La lecture de cette interview est intéressante à plus d’un titre. On y découvre (bien que les informations soient insuffisantes pour une maîtrise  correcte du système de production de performances et de connaissances) le modèle français de la communauté athlétique. Pour ce qui est de la production de performances,  nous déduisons l’existence de deux filières qui sont la filière associative (placée fédérale) formée par les clubs, les comités départementaux, les ligues et la fédération et ce qu’à la suite de Gajer nous appellerons l’ « athlétisme d’Etat » fondé (sauf incompréhension de notre part) sur les établissements sports-études et l’INSEP. Bien que cela ne soit pas indiqué expressément, nous supposons que ces deux filières prennent appui sur un socle commun constitué par le sport scolaire et les jeunes catégories licenciées dans les clubs.
A propos de la prise en charge d’un athlète, il illustre sa perception de la chose par un cas concret, celui d’un athlète en devenir entraîné par un entraineur reconnu auquel il aurait déclaré que si ce n’est pas l’entraîneur qui l’appelle, « il ne se passera rien », il ne l’entraînera pas.
Il précise qu’il lui faut un double accord, celui de l’entraîneur et celui de l’athlète. Il évoque également sa position : «Moi je suis entraîneur d’Etat, je ne suis pas racoleur, je ne fais pas cela pour moi. J’ai la chance d’entraîner que des champions, c’est mon travail ».

On est bien loin de la philosophie de nos entraîneurs nationaux.

dimanche 27 mars 2016

Jeunes talents /Handisports, De Cendrillon à princesse d’Arabie

N
ous ne pouvions clôturer cette série de chroniques, sans nous arrêter un instant, sur le destin d’Asmahane Boudjaadar, qui pourrait être future star du handisport. Une jeune athlète qui vient de battre le record du monde du lancer de javelot dans sa classe de…..handicap.
Un record parmi tant d’autres que la pléthore, enregistrée dans d’autres disciplines sportives (athlétisme, natation, cyclisme), semble quelquefois réduite à sa plus simple expression. Nous aurions presque envie d’écrire, en usant de cette exagération qui sied à l’humour méditerranéen, que chacun des concurrents en lice dans une compétition nationale ou internationale  handisport pourrait se voir attribuer un titre ou une médaille ou que le dernier peut battre un record, si ce n’est que s’engager dans cette voie ce serait railler des sportifs qui, plus que n’importe que autre sportif, qui mérite tout notre respect. 
Par ailleurs, nous dirons ce record qui passera inaperçu ou n’aura pas l’exposition médiatique méritée par l’exploit, atténue (si cela est possible) la perte récente d’un grand champion d’handisport. Mohamed Alleg nous ayant quitté, Asmahane Boudjaadar pourrait être le nouveau fleuron du sport pour handicapés.
Alors que le commun des mortels et des sportifs éprouvent des difficultés à assimiler cette notion de classe permettant, selon les situations et les programmes de compétitions, de différencier ou de rassembler dans une épreuve, un championnat   différentes formes de handicap (visuels, moteurs, mentaux, etc.), Asmahane a appris à ces dépens ce qu’il en était réellement.
Asmahane, avec ce record du monde et ses précédents recors nationaux, continentaux et mondiaux (homologués ou pas, en fonction d’arguties techniques, réglementaires qui font que souvent on ne comprend pas ce qui se déroule sous nos yeux), est entrée dans la catégorie des champions et aurait donc quitté celle des jeunes talents.
En ce qui nous concerne, cette athlète (disqualifiée au lancer du poids des derniers championnats IPC disputés à Doha, au début de l’hiver dernier, pour une prétendue faute technique qui serait surtout, si l’on se tient au récit des événements, soit une marque de l’incompétence des juges soit une immixtion de membres du  comité d’organisation dérangés par l’intrusion dans le circuit mondial d’une inconnue) est encore un athlète en devenir.
La carrière sportive d’Asmahane est courte. A peine deux années séparent ce record de ses débuts au sein de l’Union Sportive Handisport  de Constantine, une association sportive réservée aux personnes aux besoins spécifiques n’ayant que quatre années d’existence, fondée (et dirigée) par deux anciens entraîneurs d’athlétisme, Abdelmagid Kahlouche et Rachid Latreche, qui firent (avec Salim Beniou), dans les années 70-80, de Constantine un centre national de développement des quatre lancers.
Dans le club, Asmahane côtoie régulièrement (dans ces conditions loin d’être optimales qui sont aussi le sort des athlètes valides avec ces empêchements de lancer sur la pelouse de ce qui est, si l’on en croit la plaque qui surmonte son entrée, un stade d’athlétisme, devenu lieu d’entraînement des équipes de football ou d’utiliser la salle de musculation dont l’état de désolation est connu) deux champions du monde et paralympiques (Nadia Medjmedj et Karim Bettina) revenus prendre une licence au pays après une escapade sous d’autres horizons.
En peu de temps, Asmahane est devenue une princesse d’Arabie, une princesse des milles et une nuit. Tous ses exploits, tous ses échecs (celui des championnats du monde de Doha)  elle les a réalisés dans des compétitions organisées dans les émirats. En attendant les jeux olympiques de Rio pour lesquels on nous dit qu’elle serait qualifiée.
Aujourd’hui princesse, Asmahane était hier une Cendrillon, une mal aimée. Il y a deux ans, elle participa à deux meetings dans ces mêmes pays du Golfe. Elle en revint avec aussi avec un record du monde dans des circonstances curieuses.

Elle fit en effet partie d’une délégation hybride. Une partie (Medjmedj, Bettina et les athlètes de l’équipe nationale) prise en charge par la fédération et une autre (Asmahane, ses accompagnateurs de l’USHC) qui s’était saignée pour acheter leurs billets d’avion (sur place, ils avaient pris en charge par les organisateurs). Le club n’ayant pas les moyens de les prendre en charge, les membres de la délégation durent avancer le prix d’un billet qui n’est pas à la portée du premier venu. Asmahane s’était…..«payée », au sens propre du terme, son record du monde. Si ce n’est pas  elle (nous connaissons tous les moyens financiers des personnes aux besoins spécifiques) ce sont ses parents, ses amis, ses proches qui croient en elle qui lui ont accordé le prêt  que nécessitait SON Projet. Comme le font les parents de beaucoup sportifs qui souhaitent la réussite de leur progéniture.

samedi 26 mars 2016

Jeunes talents (8), Les « vrais » et les « faux » entraîneurs

U
n locuteur est facilement identifiable. Avec un peu de pratique à travers les tournures linguistiques, des expressions, un registre lexical qui revient pour aider à tracer le « profil » (au sens donné par les séries et fils américains  et d’autres indices (la photo), il est possible (presque comme avec les techniques de la graphologie) de reconnaitre l’auteur d’un discours, d’un texte bien que celui-ci utilise tous les subterfuges pour se dissimuler aux regards. Pour peu bien sûr que l’on dispose d’une référence.
 Avec un peu d’effort, n’importe quel lecteur peut identifier l’auteur d’un commentaire  sarcastique transmis par un compte prétendument déclaré avoir été piraté. Les sarcasmes sont de ce point de vue la preuve d’un fort sentiment d’impunité qui autorise le détenteur du compte Facebook à s’épancher, à se dévoiler, à faire état d’événements (réels ou imaginaires) qui à ses yeux devraient fortifier son aura. Ces faits, qu’elle qu’en soit la validité, devraient être pris au sérieux tant les informations qu’il contient (même inexactes) sont symptomatiques de l’état d’esprit du commentateur et de compléter son « profil ».
En fait, l’essentiel n’est pas là. Alors que pour nous le débat sur le dopage en athlétisme est (jusqu’à plus amplement informé et provisoirement) clos et que le plus important dans la chronique (série de chroniques) remise en question est le sort des jeunes talents, notre « ami » Facebook, s’appesantit sur ce qui lui tient à cœur et dont il semble être le spécialiste : le dopage. Une façon très habile de détourner le débat sur un thème (la prise en charge des sportifs présentant des dispositions) qui remet en cause peut être pas la politique fédérale mais les agissements de ceux qui la mettent en pratique et n’ont pas en vue que les intérêts des athlètes.
Alors que nous nous interrogeons (et incitons à s’interroger) sur certains thèmes, notre triple champion de France du 400 mètres haies, licencié, semble-t-il, dans une association renommée dans les années 60 et dont un très grand champion français du 1 500 mètres  porta le célèbre maillot jaune (CA Montreuil), nous sort un discours très «stade annexe » ou du moins inscrit dans le discours très rhétorique et suffisant (que Michel Jazy s’il en avait connaissance dénoncerait véhémentement) de certains « entraîneurs », bourrés de bagages, qui n’ont pu émerger qu’en pillant, qu’en puisant  (sans très peu de résultats probants malheureusement) dans des viviers qui n’auraient eu besoin que de peu de moyens, d’attention, de considérations, de chaleur humaine, de partage de connaissances pour s’épanouir et proposer d’autres champions.
Nous apprenons qu’il existe de « vrais » et de « faux » entraineurs. Une nouvelle et déplorable distinction apportée à un discours qui, il y trois décennies, opposait stérilement les « empiriques » et les « scientifiques », se fait maintenant entre ceux qui maitrisent les arcanes du dopage et les autres qui au grand jamais oseraient s’y aventurer car cette pratique n’appartient pas à leurs valeurs.
Tandis que les quelques « vrais » entraîneurs font avaler à leurs champions les pilules multicolores de la complémentation alimentaire, de la préparation biologique, leur injectent des amino-plasma (selon le témoignage d’une célèbre athlète algérienne dopée rapporté il y a quelques années par un de nos confrères) des centaines et des milliers de « faux » entraîneurs leur offrent, sur un plateau d’argent des produits semi-finis, des sportifs prêts à devenir des champions nourris aux pâtes alimentaires, de quelques rares fruits et légumes, d’un peu de viande à chaque l’Aïd El Adha et buvant l’eau des montagnes, des forages ou du robinet mais ne le deviendront jamais.
Par un de ces curieux hasards que propose la vie, il s’avère que dans notre chronique d’aujourd’hui, les « vrais » entraîneurs sont impliqués à la fois dans la pratique du dopage et dans la destruction des jeunes talents et, au final, dans la régression de l’athlétisme algérien.

jeudi 24 mars 2016

Jeunes talents (7), La guerre des réseaux sociaux

C
ertaines formes d’écrits journalistiques (commentaires et chroniques) confinent à la littérature. Comme les romans, les nouvelles, les essais, ils donnent du sens, un sens aux faits qui y sont relatés. Ils côtoient à tous instants la réalité, rapprochent des faits qui semblent ne pas être liés et construisent un scénario présentant un semblant de cohérence.
Un « film », diront certains, qui ne reflèterait pas la réalité, Leur Vérité. Comme si dans l’activité humaine, il n’y avait qu’une seule Vérité, celle prônait par celui qui détient momentanément la parole. Comme si l’Autre (l’auditeur ou le lecteur) ne pouvait pas se construire un Monde à partir des mêmes faits ou d’autres qui ne seraient pas à la disposition du locuteur. Comme si cet Autre ne pouvait pas participer à la construction du sens.
L’auteur et les lecteurs appartiennent à des univers dissemblables, quelque fois des « univers parallèles » comme dans la science-fiction. Des univers qui se rencontrent presque jamais car élaborés, construits au fil de la vie par des capacités intellectuelles, des connaissances acquises, un ou des modes de vie, un système de pensée (idéologie), une culture, des complexes, un rapport à la société, etc. qui font que chaque être humain est différent de son voisin, de son frère de sang.
Le produit du discours linguistique, de l’énonciation, acte individuel de production langagière par l’émetteur (l’auteur) est décrypté par une autre énonciation, celle de l’auditeur, du lecteur. Les deux énonciations n’étant pas superposables, cela donne lieu à la critique littéraire, aux polémiques et généralement aux débats pouvant selon les situations, les contextes être constructifs ou pas.
Beaucoup de ces débats sont orientés par des obsessions, des fixations maladives qui font que le monde est perçu à travers un seul et unique prisme. Celui qui vampirise l’esprit du locuteur ou du prétendu lecteur, car quelquefois, surtout sur les réseaux sociaux, certains, incapables d’apparaitre sous leur véritable visage, s’approprient l’identité d’un autre, créent un compte avec l’identité d’un autre pour lui porter préjudice en polluant le réseau d’ « amis » par des partages et commentaires insensés pour des personnes raisonnable. Comme si les autres lecteurs, membres du réseau, ne pouvaient pas reconnaitre un faux, les manigances éculées et le machiavélisme.
L’athlétisme algérien est infesté par ce triste fléau. Il semblerait que ceux que d’aucuns considèrent comme des leaders d’opinion, car, toujours visibles en n’importe quelle circonstance, se soient mis à jouer à ces jeux malsains. Soit pour conserver une sinécure, une place dans les instances nationales, soit pour y accéder. Sauf que l’un des deux protagonistes de cette pollution, sur ce que nous en connaissons, n’a pas les compétences techniques.
Nous avons eu affaire à ce genre de triste sire en la personne d’un triple champion de France du 400 mètres haies ayant vu, avec ses coéquipiers du relais 4x400 mètres français, les talons du relais algérien aux jeux méditerranéens de Bari. Son style nous est connu, certaines de ses idées également (il considère fermement que Hassiba Boulmerka était dopée et voudrait à n’importe quel prix en avoir la confirmation) nous tient ces jours-ci, un discours prenant la défense d’Adem Djamaa (qui n’a pas besoin d’être défendu par un tel olibrius  pour des « accusations » qui n’existent que dans l’esprit malvenu de certains en incapacité de comprendre ce qui ne correspond pas à leurs croyances ou certitudes et ne pas voir au-delà du bout de leur nez).

Un commentaire très « Radio Sato » qui, croyant apporter des informations complémentaires, ne savent pas distinguer un Collège US d’une University. L’erreur étant humaine, nous attendrons de personnes sérieuses (Lotfi Khaida et Abdenour Belkheir qui fut son entraîneur en sont) d’apporter les précisions qu’ils jugeront utiles pour éclairer les lecteurs à ce sujet. Par ailleurs, une rectification, une précision ne modifiera pas le fait (sans doute le plus important de notre énonciation) que les deux athlètes ont percé aux Etats Unis. Ce n’est qu’après que Abderrahmane Morceli, Ammar Brahmia, le MCA, les autorités sportives et les pouvoirs publics sont intervenus pour accompagner le champion.

mercredi 23 mars 2016

Jeunes talents (6), Les débuts difficiles de Morceli

C’est au cours de l’été 88, que l’étoile Morceli débuta son ascension. Là-bas, au pays du froid, à Sudbury (Canada), aux championnats du monde juniors, il conquit (sur les talons du Kenyan Wilfred Oanda Kirochi), une médaille d’argent qui lui ouvrit  la fois les portes du Riverside Collège en Californie et celle de…. la gloire.
C’est en 1986 que nous entendîmes parler pour la première fois de Noureddine Morceli dont « Aâmi » Cherif Grabsi (qui venait de rentrer dus championnats nationaux de cross –country qui s’était disputés à Draâ Ben Khedda) nous dit d’abord qu’il était le jeune frère d’Abderrahmane, une pointure du  demi-fond international de son époque avec un record national à 3.36.26 (qui présente la caractéristique très intéressante et rare pour une course de cette distance d’avoir été égalé par Rachid Kram) qui ne sera amélioré que par….Noureddine qui fit, pendant un temps, que le record national le record du monde. Le résultat : Noureddine abandonna.
En ce temps-là, où nous étions confinés par nos obligations professionnelles à Constantine, Aâmi Cherif était nos yeux et nos oreilles. Bibliothèque vivante de l’athlétisme algérien, il nous rapportait des informations  sur tous les jeunes du pays qui présentaient quelques talents. Ce fut un partenariat enrichissant. Il suivait les compétitions auxquelles nous ne pouvions assister et nous en parlait avec ravissement lors de longues discussions émaillées de ces détails qui ne peuvent  être perçus  que par ceux qui ont l’athlétisme chevillé au corps et le savoir pour en parler intelligemment. Un besoin de parler d’athlétisme, de partage que nous retrouvâmes avec délectation chez Hadj Mohamed Mechkal. L’indifférence que portaient les détenteurs du savoir et du pouvoir aux symboles de l’empirisme qu’ils représentaient les avait mis (à des degrés divers) en marge de l’athlétisme constantinois et algérien. Seuls, leurs connaissances du passé et leur réussite par athlètes interposés intéressaient leurs interlocuteurs. Quant au savoir non validé par des diplômes, tous s’en gausser.
Aâmi Cherif, entraineur bénévole,  passionné de la méthode d’entrainement de Raymond Chanon  (et de son Cat test) qui avait encadré son stage de 3ème  degré vers le milieu des années 80, améliorait sans cesse ses connaissances en la matière. « Aâmi » Chérif n’était pas jaloux de la réussite des autres. Bien au contraire. Il nous semblait heureux de nous rapporter l’émergence de « petit(e)s » champion(e)s même…..s’ils devançaient ses propres athlètes. Il attira ainsi notre attention sur le jeune (il était alors cadet) Yahia Azaidj et de Baghdad Nasria.
Pourtant, « Aâmi » Cherif n’était pas informé de tout. Il ne put expliquer l’abandon de Noureddine. La cause ne nous fut révélée que bien plus tard (en 1992) par Mohamed Hamouni, son entraîneur très discret à Chlef. Juste après l’échec des Jeux Olympiques de Barcelone, Mohamed Hamouni nous raconta comment Noureddine fut à deux doigts de perdre un pied blessé par un coup de pointe reçu à ces  championnats national de cross - country de Draa Ben Khedda (un haut lieu de la course à pied féminine sous la houlette de Jean-Claude Ameziane). Mohamed Hamouni fut le sauveur (il n’en tirait aucune gloire) de Noureddine en faisant soigner un pied connaissant une inflammation qui annonçait un  début de gangrène pouvant entrainer une amputation.
Cette médaille des Championnats du Monde de Sudbury, les relations qu’entretenaient son frère Abderrahmane et son futur manager (Ammar Brahmia) avec la championne olympique marocaine du 400 mètres haies (1984, Los Angeles) Nawel El Moutawakel, lui valurent d’obtenir une bourse d’études au Riverside Collège, en Californie. Il avait 18 ans.  
De cette Amérique, des conditions de vie au Collège, Noureddine, que nous avons rencontré pendant toute une journée après notre reportage à Chlef, évita d’en parler.  Il nous sembla même réticent à aborder le sujet. Vraisemblablement, si nous l’avions poussé dans ses derniers retranchements,  s’il avait dû en parler, il nous aurait employé cette locution qui ponctue les discours des jeunes Algériens : « Normal ! ».

En 1990, Lotfi Khaida, son compagnon au Riverside Collège, avait été un peu plus disert sur les conditions d’études qui étaient celles du trio algérien (Khaida, Morceli, Réda Abdenouz) et de leurs condisciples américains et d’autres nationalités : bourse d’études qui permet de vivre chichement, programmes difficiles, cours de langue, petits boulots dans les cafétérias du Collège obtenus sur interventions des coaches, entrainements intensifs.  Réda Abdenouz n’avait pas pu les supporter. Khaida et Morceli persistèrent. On connait leurs carrières. 

mardi 22 mars 2016

Jeunes talents (5), La « carte gagnante » de Hassiba

L
es années 80 dévoilèrent les futures icones nationales (Hassiba Boulmerka et Noureddine Morceli) malheureusement en ce temps-là totalement transparents. Depuis les exploits de 82 et de 86 (qualifications aux Coupes du monde) le football phagocytait (plus que par le passé) la presse nationale,  éditée par des entreprises gouvernementales. En 1988, lorsque se présenta le tournant de leurs carrières sportives, ce n’étaient que deux noms peu connus en dehors de la « famille de l’athlétisme » en autarcie, repliée sur elle-même, n’émergeant du néant qu’à l’occasion de quelques victoires internationales retentissantes des coureurs de demi-fond (Abderrahmane Morceli, Amar Brahmia, Rachid Kram, Aidat), de demi-fond long et de cross-country (Ahcène Babaci, Boualem Rahoui, Rachid Habchaoui, Hachemi Abdenouz), de courses sur routes (Abdelmagid Mada, Allaoua Khellil).
Hassiba Boulmerka, l’idole des idoles, dépassa en notoriété les footballeurs les plus adulés (Belloumi, Madjer). Elle apparut à un moment critique de l’Histoire du pays. Dans une période  où celui-ci était au ban des nations, confronté à une véritable guerre civile menée par des islamistes confortés dans leurs actions par les pays de l’Occident démocrate ne saisissant pas encore la portées de la prétendue opposition politique revendiquée. En ces temps plus que difficiles pour la population algérienne, Hassiba Boulmerka était (par le simple fait de courir, de remporter des victoires à l’international et la conquête de titres et médailles mondiales et olympiques) le symbole de la résistance à l’Islam obscurantiste.
Hassiba a grandi dans le lotissement populaire de « Dallas » le malicieusement nommé. Elle sut saisir la « carte gagnante » qui lui fut proposée par Ammar Bouras, l’entraineur national de demi-fond, après qu’elle eut remporté deux titres (800 et 1 500 mètres) aux championnats d’Afrique d’athlétisme d’Annaba. Des succès qui se prolongèrent quelques mois plus tard (toujours sur les mêmes distances) avec une participation aux demi-finales des jeux olympiques de Séoul. Des performances et des résultats qu’elle n’aurait pu atteindre sans avoir été couvée (comme sa propre fille) par  son entraîneur (et enseignant d’EPS au CEM) Abboud Labed et par le directeur de l’ENDVP (ex-Sonacome). Hassiba avait 20 ans quand elle quitta Labed.
Abboud Labed (3ème degré, spécialité sauts) savait mettre en valeur les capacités des demoiselles. C’était dans la découverte des potentiels et leur développement un second Grabsi Cherif. Ils formaient un duo sans pareil. Une sorte de « Tom et Jerry » de l’athlétisme constantinois.  Labed fit découvrir Sakina Boutamine et Hassiba Boulmerka, les plus belles perles de sa collection de championnes. La première fut championne d’Afrique du 800 et du 1 500, sélectionnée pour les jeux olympiques de 1976. Elle  était arrivée de Chekfa, un petit village de la région de Jijel. Elle tira sa révérence à la veille des jeux olympiques de Moscou (1980). Elle était là présente dans les compétitions internationales lorsque, malgré les résultats probants de l’époque, l’athlétisme restait confidentiels et qu’elle était l’idole, la référence de toute une génération. Avant qu’elle ne passe le flambeau à Hassiba en restant au service de la discipline au micro de la Chaine 1.
 Dans cette évocation de jeunes talents, nous nous devons  citer dans le harem labedien - il fut spécialisé dans l’athlétisme féminin par Youcef Boulfelfel, un des premiers décathlonien algérien de valeur (dans les années 60), devenu président de la ligue (années 70) et enseignant à l’université de Constantine -  le raté fracassant de Djeblahi Saliha, plus jeune que Hassiba. Une enfant née et habitant également une cité populaire voisine de « Dallas », une cité de recasement sise à  El Gemmas dont les baraques  préfabriquées ressemblent étrangement à celles édifiées à Chlef,  reconstruction de l’El  Asnam dévastée par un tremblement de terre.
Djeblahi, comme Hassiba et Saidi Sief,  a été une adolescente entrée trop tôt dans la vie active. Mais, contrairement à Boulmerka qui quitta son mentor à l’âge de 20 ans, Djeblahi, qui aurait pu (du ?) succéder à Yasmina Azzizi sur les épreuves combinées, rentra définitivement chez ses parents à l’âge de 19 ans. Elle n’avait pas su saisir sa chance. Un geste malheureux (une main trop leste, un chapardage dans une grande surface espagnole dit-on) que ne peuvent commettre que ceux (et celles) qui sont passés trop vite (sans être réellement accompagnés par des techniciens du sport ayant délaissé l’habit d’éducateurs pour celui de chasseurs de primes) de la misère, de la quasi-indigence quotidienne à l’abondance et l’opulence offerte sans surveillance physique. Comme d’autres athlètes rejetées rapidement par le système, elle n’avait pu maitriser la transition (éblouie par le chant que les sirènes algéroises serinaient à ses oreilles) qu’aurait pu lui assurer sa famille et son milieu naturel en cette période délicate de l’existence.


lundi 21 mars 2016

Jeunes talents (4), De l’Olympe au royaume d’Hades

A
u milieu de cette décennie 90, Ali Saidi Sief, le futur médaillé d’argent du 5 000 des jeux olympiques de Sidney (2000) avant d’être le premier athlète Algérien suspendu pour dopage, était un illustre inconnu dans son village natal de  Hamma Bouziane. Un petit village qui fut, il y a bien des décennies, le jardin maraicher alimentant en fruits et légumes « bio » Constantine, capitale de la période contemporaine de l’Est algérien et qui, dans la nuit des temps (deux millénaires et demi) fut celle de l’empire érigé par l’aguellid numide Massinissa, allié et adversaire des Romains et des Carthaginois. Un immense jardin aujourd’hui détruit, recouvert par les poussières émanant  des cheminées d’une gigantesque  cimenterie dominant la plaine.
L’athlétisme (la course à pied en réalité) y était quasiment inconnu. Si ce n’est (à l’image de tant de villages et de petites villes  de l’Algérie profonde), qu’on y voyait (périodiquement) des courses organisées par les enseignants d’EPS dans le cadre du sport scolaire bien représenté dans les établissements et par les autorités locales, se devant de se mettre au diapason des résolutions des instances supérieure du Parti unique  afin de préserver (et booster) leurs carrières administratives et politiques, à l’occasion du « cross du Parti et des APC » et ensuite (en 1990) du « Cross de la Jeunesse », le parti unique n’étant plus en odeur de sainteté avec l’avènement du multipartisme.
Un club y naitra pour éviter aux ados les déplacements  (longs, difficiles et couteux alors) sur Constantine, à une dizaine de kilomètres de là et démontrer aussi que les talents existaient sans disposer de l’exposition nécessaire qu’étouffaient les entraineurs et clubs constantinois. En fait, des gamins et des gamines au potentiel indéniable stimulaient une perception et un discours identiques à celui des structures constantinoises vis-à-vis  de l’algérocentrisme et un univers basé sur le « centralisme démocratique » d’hier.  Aujourd’hui, « Hamma » recense un médaillé olympique (Saidi Sief), un sélectionné pour les championnats du monde et les jeux olympiques, le marathonien Tayeb Filali. Par ce mimétisme de l’univers athlétique constantinois qui se démultiplie à l’infini, la petite ville abrite trois clubs d’athlétisme et une course sur route solidement ancrée dans le calendrier national.
Ali Saidi Sief montra le bout de son nez aux « nationaux de cross » d’El Tarf. Le premier qui nous  parla de ce futur champion (pendant le long voyage de retour de Tarf) fut Cherif Grabsi, un coureur des années 60, membre de la première sélection nationale (1965) ayant participé au « Cross des Nations » (à Ostende, Pays-Bas), l’ancêtre de championnats du monde de cross-country. Employé et entraineur aux PTT de Constantine, il  avait le coup d’œil du détecteur de talents. On ne comptait pas les coureurs et coureuses de demi-fond qu’il avait mené en équipes nationales jeunes et aux championnats du monde junior (Amel Boudjelti, Naima Souag) et dont deux d’entre eux (Riad Gatte et Tarek Zoghmar) furent les partenaires d’entrainement de Hassiba Boulmerka dans un groupe préfigurant le groupe Adem Djamaa dans lequel évolue Genzebe Dibaba qui elle aussi s’entraine avec des hommes.  
Lorsqu’il nous parla de Sidi Sief, Grabsi Cherif n’avait aucun intérêt à le faire, si ce n’est que l’entraîneur du cadet (Boulhadid) qu’était Sief avait été son athlète. Saidi Sief termina d’ailleurs à la 5ème place de la course. Dans le peloton des concurrents, Sidi Sief était, avec ses cuisses impressionnantes, une force de la nature. Une morphologie qui le prédestinait plus à devenir un solide coureur de cross que le coureur de 1 500, 3 000 et 5 000 qu’il devint quelques années plus tard.

Saidi Sief avait un choix limité : le trabendo (le commerce informel auquel s’adonnent les jeunes sans perspectives d’avenir et conduit à toutes les déviances) ou la voie royale de la course à pied qui lui tendait les bras. En choisissant cette dernière, il s’est inscrit dans la perspective fédérale et du Mouloudia d’Alger (Ammar Brahmia l’avait été repéré et lui ouvrait les portes du professionnalisme. Il était tout juste junior.) de « la montée sur la capitale » devenant ainsi un Rastignac désarmé devant les tentations offertes. L’immature  champion de Hamma Bouziane ne s’étant pas exprimé sur cette période noire, on ne peut supposer qu’il s’est retrouvé engluer dans un monde de professionnels de façade où la « complémentation alimentaire », la « préparation biologique" étaient à la mode portées par les succès de certains entraineurs nationaux. La rencontre avec Dupont le porta au pinacle sportif sans qu’il ne se soit dépêtré des scories du 5 juillet,  du Sato et des annexes, la seule planète où il avait accès.  

dimanche 20 mars 2016

Jeunes talents (3), Le prix à payer par les parents

A
vec le cas Triki (mais aussi d’autre chroniques) nous  avons ouvert une brèche dans le monolithe qu’est la fédération algérienne d’athlétisme. Des réactions, des commentaires les ont accompagnés. Des parents, des dirigeants, des entraineurs  nous ont appelés.  Beaucoup pour se plaindre, d’autres pour compléter notre information.
Parmi nos interlocuteurs figure Réda Abdenouz. Un athlète des années 80-90 (la génération des Boulmerka, Morceli) qui s’est rappelé à notre bon souvenir. Un Réda (que nous avions éreinté lors de son retour précipité des Etats Unis (à la fin de l’année 88) où, n’ayant pu supporter les conditions qu’il y trouva, laissa au Riverside Collège ses compagnons d’aventures, Noureddine Morceli et Lotfi Khaida et qui nous prouva, avec le soutien de Fethi Benachour, qu’il avait du caractère) qui a appelé du Qatar où il est installé et où il exerce le métier d’entraineur d’athlétisme.
Réda appelait pour apporter quelques clarifications au sujet de la chronique « Préparation en altitude, Athlètes en danger » dans laquelle son fils Ramzi était cité parmi  les membres du groupe  athlètes s’étant dirigé vers l’Ethiopie pour s’entrainer en haute altitude sous la coupe de l’entraineur controversé, Aden Djamaa. Comme de bien attendu, Abdenouz se fit le défenseur de son collègue placé, par les autorités qataries, à la tête du groupe de coureurs de demi-fond de l’émirat en prévision d’une bonne récolte de médailles aux championnats du monde d’athlétisme qui sera organisé dans ce pays riche en pétrodollars. Le corporatisme, la proximité jouaient à plein. L’inquiétude générale provoquée par la suspicion de dopage qui entoure le groupe Djamaa et les athlètes Ethiopiens fut évoquée et fit l’essentiel de la discussion jusqu’à ce que Réda, dans le feu de la discussion, laissa échapper : « Cheikh pense tu sérieusement que je paie pour faire courir le risque à mon fils d’être accusé de dopage ». Si cette phrase ne blanchit pas Djamaa de tous les soupçons qui l’accompagnent, elle permis d’aborder  un autre thème. En effet, pour nous et pour tous les lecteurs de cette chronique et des autres titres de la presse nationale, le quatuor (Bettiche, Belferrar, Hathat et Abdenouz Ramzi) s’était déplacé vers les hauts plateaux de la « Corne de l’Afrique » sous les bons auspices de la fédération et donc aux frais du contribuable.
De notre entretien avec Réda nous avons retenu que Djamaa LUI aurait fait une faveur en acceptant Ramzi dans son groupe d’entrainement, signifiant par là même que le coach sélectionnait les athlètes rejoignant son groupe avant que Réda Abdenouz, sur notre insistance, ne nous explique qu’il avait payé les frais de stage (40 dollars/jours) et le billet d’avion Alger-Doha puis de Doha vers Addis-Abeba.
Le « Top 10 » confectionné par la FAA indique que Abdenouz Ramzi (né en 93) est plus jeune que ces deux rivaux (nés tous deux en 91) et qu’il occupe la septième place de cette compilation (qui n’indique pa la date de naissance de tous les athlètes recensés) avec un chrono de 1.47.72 intéressant pour athlète qui n’a certainement pas atteint la plénitude de ses capacités. A titre de simple comparaison, Hattat est classé à la seconde place de ce bilan avec 1.45.79 et Belferrar en occupe la 4éme place en 1.46.83.
A l’instar de Triki, la nouvelle génération des jeunes talents (minimes et cadets) le soutien vient essentiellement des parents et du comité olympique algérien qui donne les moyens aux jeunes athlètes afin qu’ils représentent dignement le pays aux jeux de la jeunesse (africains et mondiaux) de 2018. La page Facebook de la FAA diffusant la liste des athlètes retenus pour les stages organisés pendant les vacances de printemps qui viennent de débuter, l’indique clairement.

Cet allégement des charges de la FAA est compensé par l’inflation des primes de résultats accordés aux meilleurs athlètes du challenge de cross-country et de courses sur route. 

samedi 19 mars 2016

Jeunes talents (2), L’impossible comparaison

A
insi que nous  l’indiquions dans notre précédente chronique, c’est à notre corps défendant que nous avons médiatisé les péripéties qui marquent une carrière naissante de champion (nous l’espérons) en devenir. La proximité tue et parasite. Triki fait partie des quelques athlètes constantinois  (contemporains) de talents (Skander Djamil Athmani, Souhir Bouali) que nous avons eu le bonheur de rencontrer au hasard de rares virées à ce « stade d’athlétisme » de Constantine qui ne donne plus envie de s’y rendre pour différentes raisons dont le comportement du personnel du complexe sportif, une structure qui rackette les masters et laisse dépérir les installations annexes (salle de musculation, piste, aires d’élan), la participation réduite aux compétitions, un corps d’officiels plus important que celui des athlètes et des médisances à ne plus en finir. Nous noterons que le contexte dans lequel évolue Triki est commun à beaucoup de jeunes champions.
Nous l’avons vu sauter. Nous avons discuté, sur beaucoup de ces aspects qui déterminent l’athlète, avec son entraineur (Talhi Azzedine) et son compère de l’équipe nationale (des années 80) Bachir Messikh et avec son père, qui était encore en vie (Yasser était alors cadet). Nous revenions alors, après avoir pris nos distances pendant une vingtaine d’années, à la presse (locale et régionale) et à l’athlétisme.
Les athlètes d’hier et d’avant-hier (entraineurs et dirigeants d’aujourd’hui) n’ont pas cessé de vanter les qualités de leurs athlètes. Comme au bon vieux temps où les entraîneurs de tous les horizons et les athlètes d’Oran, Tlemcen, Alger, Annaba nous racontaient leurs espoirs et leurs déboires. Des informations d’apparence futiles mais si signifiantes.  
Triki a donc été une exception et le restera sans doute. A moins que….nous soyons plus présent sur les événements athlétiques, à la découverte de la génération montante d’athlètes, d’entraineurs et de dirigeants, occasion de retrouver quelques-uns des « anciens » partageant des informations, « leurs » informations sur les réseaux sociaux. Des informations qui, malheureusement, pour celui qui est assis « Sous l’olivier », un verre de thé à proximité de la main, sont certes bien insuffisantes pour comprendre les jeunes (et leurs entraineurs) mais si riches par rapport au site de la FAA incapable de compiler autre chose qu’un « Top  10 Open » et une « classification des clubs ». L’incertitude est partout présente dans cette œuvre qui fut titanesque avec les moyens technologiques rudimentaires d’antan et qui pourrait être aisée avec les NTIC.
Nous devons toutefois reconnaitre que le site de la FAA est d’une richesse remarquable, disponible, peu envahissant   mais souffre de la compartimentation des informations nées de la diversité des activités regroupées en challenges nationaux rémunérateurs. Mais, si pour les compétitions hors stade (cross-country, courses sur route et épreuves de marche sur route) la normalisation des informations est quasiment impossible compte tenu de leurs spécificités (en matière de  distances, de dénivellation, de conditions climatiques qui n’autorisent pas la comparaison entre les chronos réalisés) conduisant de facto à l’impossibilité matérielle de réaliser une base de données fiables. Il n’en est pas de même pour les épreuves d’athlétisme où toutes les conditions d’homologation des performances sont réglementées universellement. Le site répond au seul souci d’information immédiate (mais cependant temporellement décalée puisque pris de vitesse par les facebookers).
Il semblerait en fait que en dehors du cadre des compétitions placées directement sous l’autorité ou la supervision directe de la fédération (Grand Prix FAA, Journées jeunes talents, championnats nationaux) aucune compétition organisée par les ligues de wilayas et les inexistantes ligues régionales (ces conseils de coordination régionale exerçant hors du cadre légal puisque sans statuts) ne trouve grâce aux yeux des statisticiens de la fédération comme si des doutes existaient quant aux capacités (ou qualifications) à organiser dans les normes une rencontre sportive.      
Les archives-papier de la FAA (si elles n’ont pas disparu d’une fédération dépourvu de siège) contenaient pourtant des milliers de résultats, de performances sur tous ces athlètes dont on ne parle plus, qui pourtant ont animé et marqué à tous les niveaux (wilayas, régions, etc.) l’athlétisme national. Elles ont  laissé la place libre à la mémoire vieillissante des acteurs d’hier dont beaucoup sont en retrait, aux souvenirs des uns et des autres dans un univers où les structures organiques de la discipline ne proposent aucune référence numérique sérieuse aux jeunes athlètes (à leurs entraineurs, à leurs dirigeants) avides  de se situer par rapport à leurs prédécesseurs et à leurs rivaux de maintenant

jeudi 17 mars 2016

Jeunes talents, Pas de changement à l’horizon

L
‘article que nous avons consacré dernièrement au jeune sauteur constantinois Triki Yasser Mohamed Tahar (licencié depuis la saison dernière au MB Bejaïa) est une dérogation à une règle que nous nous sommes imposés il y a un quart de siècle. Une règle qui nous interdisait (jusqu’à cette exception qui, diront les syntacticiens, confirme la règle) de dresser le portrait de jeunes athlètes, de ceux qui, dans la terminologie du mouvement sportif national et de l’athlétisme, sont « les jeunes talents sportifs ». Des talents incroyables, une aide parcimonieuse attribuée selon des critères prétendument objectifs mais bafoués en fonction des intérêts des uns et des autres, de ceux qui détiennent le pouvoir décisionnaire et discrétionnaire. 
En ce temps-là, l’athlétisme national, malgré des résultats plus que probants, étaient réduits à la portion congrue dans les colonnes de la presse écrite consacrée exclusivement au football-roi. Les résultats de l’élite aidant, la discipline a bénéficié d’un espace grandissant qui a atteint son apogée avec les exploits de Hassiba Boulmerka et de Noureddine Morceli que nous avons accompagné tôt dans leurs carrières sportives (1986 pour Hassiba, 1988 pour Noureddine). Un accompagnement qui sera également accordé aux champions des années 90 qui n’ont pas tous atteints les sommets internationaux auxquels leurs dispositions les prédestinaient : Yahia Azaidj de Ksar El Bokhari, Kamel Kohil de Lakhdaria que nous avions surnommé le « requin des routes », les Mohamed Hadef et Aïssa Menai venus d’Arris, au cœur des Aurès, et qui y retournèrent après avoir achevé une formation de techniciens des sports à Constantine, les cadettes d’Ouled Benabdelkader qui rivalisèrent avec les Marocaines aux championnats maghrébins de cross scolaire se déroulant annuellement à Saket Sidi Youcef la martyre, Baghdad Nasria de Tiaret, Fatima Zohra Djami-Khedim de Chlef et Hadda Djakhdjakha, issue d’un petit village de la wilaya de Guelma et tant d’autres de Béchar, de Biskra, de Skikda, etc. au talent si impressionnant que celui de Hassiba et Noureddine nous semble rétrospectivement bien pâle.
Il y eut également Miloud Abaoub de Batna, champion du monde du 3 000 mètres cadets à Chypre en 1994 qui se fit remarquer au retour de Nicosie en fuguant à l’aéroport de Rome et fut rattrapé par les carabiniers italiens à la frontière franco-italienne et qui, une semaine plus tard, aux championnats d’Algérie scolaires par équipes (qui se disputaient alors annuellement à Constantine) se fit remarquer en battant le record national cadet de la distance avec un chrono que ne réussissait pas beaucoup d’athlètes seniors (8.15).
Si quelques-uns de ces sportifs eurent une carrière internationale honorable, beaucoup désertèrent (leurs études achevées) rapidement les parcours de cross et les pistes d’athlétisme pour s’engager dans la vie active. Seuls les plus volontaires (surtout chez les féminines obligées de rester dans leurs douar d’origine) résistèrent à la pression sociale exercée par la décennie sanglante. A Ouled Mimoun (Tlemcen), à Chettia (Chlef), les équipes féminines disparurent en un claquement de doigts.
Au début de cette décennie, en 1990, nous découvrions Nouria Merah qui elle-même venait de rencontrer l’athlétisme et remporter ses premiers titres nationaux sur 100 mètres et 200 mètres. Elle avait à peine 20 ans. Personne ne pouvait imaginer qu’elle serait dix plus tard championne olympique sur …1 500 mètres.

Le junior Djabir Saïd Guerni, était hors des plans de la fédération de l’époque. Il côtoyait  certes les athlètes de l’équipe nationale de sa catégorie, mais à « l’hôtel de BCR », au Sato et sur le parcours de cross de Dély Ibrahim. Ses stages étaient financés par son club (le MCA) qui, utilisant la manne financière de Sonatrach, ratissait heureusement large et permis à beaucoup de jeunes talents de s’exprimer. Pourtant, il est de notoriété publique que la politique de recrutement des talents fut décriée par tous ceux qui voyaient en cette section d’athlétisme une rivale de l’équipe nationale. Elle en fut et reste l’antichambre et ……le complément. A se demander même si ce n’était pas le MCA, le CRB, l’OCA,….qui préparaient les E.N.

mercredi 16 mars 2016

Dopage et sponsoring (2), L’argent n’a pas d’odeur

L
e mouvement sportif national se voile la face devant le dopage.  Bien sur le football donne l’impression d’avoir saisi le taureau par les cornes et de lutter contre le fléau. Mais l’on sait par expérience que, comme l’histoire le montre pour beaucoup d’activités sociales et commerciales (lutte contre le chômage, les bidonvilles, le commerce informel) qu’il ne pourrait s’agir que d’une campagne, d’une opération coup de poing destinée à éblouir la populace et mettre plein les yeux épatés des sponsors qui permettent à la fédération algérienne de s’émanciper des règles mises en place et de faire croire que les autorités (fédération et ligue) s’emploient à l’éradiquer. Nous connaissons tous la rengaine qui énonce, sans le moindre sourcillement,  que nous avons les plus beaux textes du monde.   
Les entreprises commerciales évoluant dans une ambiance de libéralisme financier n’ont pas d’états d’âme. Les ratios (des constructions de l’esprit humain permettant de structurer leurs comptabilités et de comparer leurs rentabilités)   président à leurs destinées. Elles ont pour divinités les profits dégagés et  les dividendes à partager entre les actionnaires. Elles ont également leurs idoles qui, dans l’imaginaire des peuples, ont remplacé les héros antiques. A la place des statues de marbre ou de bronze édifiées dans des temples, ce sont leurs portraits virtuels, qui occupent l’espace que proposent les nouvelles technologies de l’information et de la communication sublimant les désirs de possession et offrant à l’adoration des produits sans cesse renouvelés. Jusqu’à ce que les stands des marchés du Temple soient renversés par un Messager de Dieu ou que les idoles soient brisées par un Autre.
Sponsoring et dopage font bon ménage. Pourquoi diantre s’en offusquerait-on puisque la « main invisible » des marchés (celle qui dit-on régule l’offre et la demande) s’est substituée à la toute puissante main divine dont elle possède  tous les attributs (à savoir l’omniscience, l’omniprésence et la capacité à punir les reniements) que l’on ne peut dissocier et encore moins discuter ou remettre en cause.  
Le Canadien Ben Johnson, figurant en son temps au premier rang de l’aéropage des Dieux des stades, fut une des premières figures médiatiques sanctionnées (après avoir conquis la médaille d’or du 100 mètres des jeux olympiques de Séoul, 1988) pour avoir augmenté artificiellement ses forces à l’aide du stanolozol (un produit qui 12 ans plus tard provoqua la suspension d’Ali Saidi-Sief et 12 autres années plus tard celles de Megdoud, Bouras et Bourraâda). Après bien des années de silence, Johnson expliqua son contrôle positif par un changement d’équipementier.
Les multinationales, sponsors des jeux modernes, sont impitoyables. Le cycliste américain Lance Armstrong le sait pour l’avoir expérimenté à ses dépens. Longtemps protégé par les instances sportives de tous horizons, le multiple vainqueur du Tour de France cycliste, s’est vu – en plus de son bannissement de toutes activités sportives - contraint de rembourser  toutes les récompenses, primes et autres bonus qui lui furent octroyés par ses sponsors-images. Lilya Shobukova, la marathonienne russe qui a mis en pièce l’athlétisme de son pays auquel s’accolent aujourd’hui dopage étatique, corruption, extorsion de fonds, exclusion des jeux olympiques de Rio est également, malgré la mansuétude de l’AMA, confrontée aux demandes de remboursement des primes de participation et de victoires versées par les organisateurs des marathons qu’elle a remporté.
Le sponsoring image n’existe pas chez nous. Certainement pas en tant que démarche d’accompagnement d’un sportif montrant des dispositions. Les entreprises nationales qui se lancent dans le sponsoring s’apparentent à ces « fonds vautours » que la finance internationale a popularisé par l’acharnement à décharner leurs proies. Sauf, les entreprises nationales - (exceptées quelques-unes peu nombreuses à vrai dire- se comportant autant en mécènes qu’en sponsors) ont acquis une expertise en appropriation de l’image des champions du monde et olympiques, en les accompagnants dans la conquête d’une seconde médaille.
L’exemple le plus frappant a été celui de cet opérateur de téléphonie mobile qui aux derniers championnats du monde de Pékin (2015) a dans sa communication axé ses placards publicitaires dans la presse écrite sur deux athlètes : Toufik Makhloufi, resté au pied du podium après sa médaille de vermeil aux jeux olympiques de Londres (2012) et Larbi Bourraâda, 5ème des épreuves combinées, suspendu pendant deux années pour dopage.

Cet opérateur qui se veut une entreprise citoyenne s’est accaparé du sponsoring sportif en donnant son nom à un beaucoup de compétitions nationales (championnats de football de Ligue 1 et 2, challenge nationaux de cross-country et de courses sur routes) pour lui permettre de prendre le pas sur ses rivaux dans son secteur d’activité dont la présence régresse.  

lundi 14 mars 2016

Dopage en Algérie, Le foot aux premières loges

L
’athlète de Bejaïa  serait le dernier cas enregistré officiellement dans les annales sportives. Cependant, l’opacité qui règne dans ce volet de la gestion des activités sportive laisse libre cours à des rumeurs insistantes du côté du Sato. Deux autres athlètes auraient été contrôlés positifs aux championnats d’Algérie d’athlétisme « Open » qui se sont disputés au mois d’août dernier. Ils auraient été blanchis par une autorisation thérapeutique d’utilisation de produits interdits (ordonnance médicale). Notons que la rumeur a même évoqué jusqu’à 10 cas ainsi que la présence sur cette liste d’un athlète encourant le bannissement à vie. Mais, ce n’est qu’une info de « Radio Sato ».
Comme l’est également celle qui affirme que la gestion des cas Bouras et Bouraâda aurait valu à la fédération algérienne d’athlétisme une mise en garde de la part de l’IAAF qui n’était pourtant pas irréprochable mais cherchait à préserver les formes Les informations les plus malveillantes et les moins fondées prennent de la consistance lorsque l’on voit le comportement des autorités sportives y compris celles qui se parent des atours les plus honorables.
Souvenons-nous que l’an dernier alors que le ministère de tutelle s’efforçait de se mettre en conformité avec les dispositions internationales régissant la lutte contre le dopage (création d’une agence nationale et mise en place d’un laboratoire d’analyses), le président du comité olympique algérien (qui vient d’affirmer lors d’une rencontre avec la presse organisé par des confrères que les sportifs tricheurs ne méritent pas d’être défendus par les instances sportives) avait eu à exprimer son désaccord pour la réalisation de ce laboratoire qu’il ne restait qu’à équiper. Son argumentation se fondait essentiellement sur le coût excessif des analyses comparativement à celles diligentées auprès des laboratoires étrangers agréés.
Son plaidoyer a été tenu au début de l’évocation des cas de dopage dans le football national. Des cas fortement médiatisés car touchant des joueurs de premier plan évoluant dans des équipes de Ligue 1 très populaires (USMA et MCA).  C’était à l’époque où fut révélé le cas de Youssef Belaili (international, ancien joueur dans le foot pro tunisien, star incontestée de l’USM Alger dont le salaire serait de 5 millions de dinars ou d’un demi-milliard de centimes). On dit alors dans la presse que d’autres joueurs de l’USMA auraient accompagné leur coéquipier dans sa démarche.
Le second cas méritant que l’on s’y arrête un instant - parce qu’il laisse supposer une pratique généralisée - est celui de Rafik Merzougui (joueur du MCA, club parrainé par la Sonatrach et suivi par des centaines de milliers de Chenaoua) dont les explications ont varié au cours du traitement de l’affaire. Parlant d’une décision personnelle (achat du produit incriminé dans une salle de sport d’Ain Defla, sa ville natale), Merzougui a, plus tard lorsque la sanction fut prononcée, impliqué le médecin du club (pas de prescription mais pas de contre-indication formelle) qui aurait formulé un avis devant quelques-uns de ses coéquipiers (qui ont témoigné en sa faveur devant la commission de discipline de la fédération en confirmant ses propos) et lui aurait même dicté ses déclarations initiales. On peut donc se demander si ces joueurs furent seulement témoins ou s’ils participaient également à ces pratiques répréhensibles sous couverture médicale de consommation de compléments alimentaires de « vitamines » produites aux USA et pas en Chine.
Une couverture médicale (la fameuse AUT, autorisation d’utilisation à usage thérapeutique) que l’on retrouve dans l’argumentaire des deux autres cas, plus anecdotiques et plus ou moins convaincants puisque les joueurs concernés (Boussaid du RCA et Ghezali de la JSM Skikda) revenaient selon leurs défenses sur les terrains après blessure et convalescence.
Les autorités sportives (fédération algérienne de football et ligue nationale de football professionnel), qui antérieurement à ces faits, avaient instauré un contrôle anti-dopage concernant 4 joueurs (2 joueurs tirés au sort pour chaque équipe) de chacune des 30 rencontres hebdomadaire de Ligue 1 et 2, ont élargi le champ de contrôles aux championnats semi professionnels (divisions nationale amateur et Inter-régions).  

Ce sont donc (uniquement pour le football) quelques 300 analyses qui doivent être réalisées hebdomadairement. Un fait qui doit sans doute inciter le président du COA à réexaminer sa position sur la question. 

dimanche 13 mars 2016

Dopage en Algérie, L’athlétisme est-il profondément infecté ?


L
’athlétisme algérien n’est pas exempté du phénomène du dopage. Quelques cas émaillent l’histoire de la discipline. Le premier cas connu (ou le plus médiatisé) est celui du médaillé d’argent du 5 000 mètres des jeux olympiques (Ali Saidi Sief) suspendu suite à un contrôle positif aux championnats du monde d’Edmonton (Canada) où sur la piste il avait conquis une seconde médaille d’argent.  Ce cas eut des conséquences internationales.
Son entraîneur de l’époque, Philippe Dupont (l’actuel entraîneur de Toufik Makhloufi), s’était senti trahi. Il fut un temps impliqué dans cette affaire scabreuse et en fut considéré par les belles âmes comme l’instigateur principal. Fortement marqué par cet épisode douloureux, il s’était retiré des terrains. Certainement pour cacher sa peine et éviter les regards de ses pairs.
Plus tard, on apprendra que ce serait un ancien  médecin de l’équipe nationale devenu médecin personnel (?) de l’athlète qui lui aurait prescrit le stanolozol incriminé. Un médecin dont on dit aussi qu’il aurait sévi avec les équipes nationales de football de 82 et 86 et qu’il serait à l’origine des malformations constatées parmi la descendance de joueurs ayant appartenu à ces équipes.  
Malgré cette information peu médiatisée, la réputation de Dupont a été entachée par cet incident de parcours, le suit et le suivra certainement longtemps. Ce fut l’élément négatif avancé en priorité à l’annonce de sa collaboration avec Toufik Makhloufi. Mais aussi à ses réticences pour coacher Makhloufi. 
Le second cas est passé inaperçu de l’univers de l’athlétisme algérien. Tayeb Kalloud, un athlète de demi-fond, international sur piste, cross et route a été pris au crépuscule de sa carrière quand il écumait les courses sur route dans l’Ouest de la France. Il était déjà  redevenu un inconnu dans le landernau athlétique algérien. 
Nous avons le souvenir qu’en 1996, lors de l’avant dernière édition du meeting international d’athlétisme de Constantine figurant (cette année-là) au calendrier de la confédération africaine d’athlétisme, un contrôle anti-dopage avait mis en place à l’instigation du docteur Baba. Les organisateurs affirmèrent quelques mois plus tard qu’un sprinter étranger (néo-zélandais ?) avait été contrôlé positif et suspendu. Une certitude cependant les meilleurs lanceurs algériens  étaient absents. La rumeur était qu’ils étaient chargés et ayant appris la présence d’un contrôle, ils auraient  préféré faire faux bond aux organisateurs en avance sur leur temps et avaient prévu de leur accordé les mêmes avantages qu’aux compétiteurs étrangers (primes de participation, primes de résultats, prises en charge de l’hébergement, transport, restauration).  Ces situations passèrent inaperçues. Le dopage n’était pas une préoccupation majeure. Du moins, il n’avait pas pris sa dimension actuelle.
Deux autres épisodes marquent l’époque contemporaine. En 2012, trois cas furent recensés en quelques semaines (si ce n’est quelques jours). Trois athlètes de l’équipe nationale furent contrôlés positifs lors de compétitions de début de saison à l’étranger. Ils écopèrent tous les droits d’une suspension de deux (2) ans pour avoir utilisé du stanolozol, un produit qui provoqua la disqualification du Canadien Ben Jonhson et la perte de la médaille de vermeil du 100 mètres des jeux olympiques de Séoul (1988). Le premier Mohamed Reda Megdoud (100, 200, saut en longueur), un des meilleurs Algériens de l’époque, a complétement disparu des radars depuis sa sanction. Les deux autres (Zahra Bouras et Larbi Bourraâda), tous deux champions d’Afrique du 800 mètres dames et du décathlon connurent un meilleur sort. En dépit de la sanction prononcée, ils continuèrent à profiter des faveurs de la fédération (ainsi qu’en témoigne un PV de réunion du bureau fédéral) qui les intégra dans son programme de préparation aux échéances importantes (championnats du monde, jeux olympiques). Les deux athlètes étaient entraînés par Ahmed Mahour Bacha que beaucoup considèrent comme le pilier de la DTN et de la fédération. Sauf que Zahra Bouras était revenue s’entraîner avec son père (anciennement entraineur de Hassiba Boulmerka et Azzedine Brahmi) quelques mois avant son contrôle positif. Les deux athlètes, à l’expiration de leurs sanctions, sont revenus sur le devant de la scène. Bourraâda en prenant la 5ème  place du décathlon des championnats du monde de Pékin (2015) alors que Zahra Bouras est en retrait par rapport à ses performances d’avant 2012 (2.03 au lieu de 1.58) malgré son exil athlétique à Constantine (ACS Bounouara) et en France (SCO Sainte Marguerite dans la banlieue marseillaise).

Le dernier cas recensé serait celui d’une spécialiste des haies de Bejaïa dont le sort n’a pas été médiatisé.