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ous sommes revenus en 2013. A l’IAAF tous les regards sont braqués sur
Moscou où se dérouleront très bien bientôt les championnats du monde
d’athlétisme. Dans certains bureaux, à Monaco où se trouve le siège de la
fédération internationale, les feux virent à l’orange et même au rouge. Les
championnats risquent d’être assombris par une « grosse » affaire de
dopage qui touche essentiellement les marcheurs du pays organisateur. Des
marcheurs qui font la loi sur les pistes et routes où se disputent leurs
épreuves. La domination russe est totale.
Si forte que des soupçons de dopage naissent et sont confirmés par les
résultats des analyses sanguines et urinaires pratiqués sur les marcheuses et
les marcheurs de cet immense pays qui forme un véritable continent, entre
l’Europe et l’Asie. On ne le sait pas encore mais, c’est alors que nait une
sorte de complot auquel auraient participé des responsables de l’IAAF, des consultants,
des dirigeants de la fédération russe d’athlétisme. Il ne s’agirait alors que
d’étouffer des résultats positifs constatés sur l’examen des passeports
biologiques des athlètes. Des résultats qui ne seraient pas en adéquation avec
les normes retenues et qui font que les athlètes concernés sont considérés
comme positifs, dopés.
Les investigations menées par l’AMA (agence mondiale de lutte contre
le dopage) à l’instigation de l’IAAF, avec l’aide d’Interpol, montreront plus
tard qu’il s’était établie une collusion, une connivence, une sorte d’entente
entre les fils du président de l’IAAF (le Sénégalais Lamine Diack), quelques
responsables de l’IAAF, des dirigeants de l’ARAF (la fédération russe), des
entraîneurs pour soutirer plusieurs centaines de milliers d’euros aux athlètes russes
impliqués dans ces résultats anormaux. D’autres athlètes, de nationalité
turque, sont aussi soumis à ce chantage (Payez pour disputer les
championnats du monde de Moscou). Ce sont ces mêmes athlètes, devenus lanceurs
d’alerte, qui dévoileront le pot aux
roses.
Un mois avant le début des championnats du monde (du 10 au 18 août) apparait
un nouvel actant. Nick Davis était alors
le porte-parole de l’IAAF. Dans un Email (publié par Le Monde en fin
décembre 2015 et qui aurait été versé au dossier judiciaire de l’enquête
actuellement en cours sur la corruption à l’IAAF), adressé le 29 juillet 2013,
à Papa Massetta Diack (fils de Lamine Diack et consultant en marketing auprès
de l’IAAF, associé dans une société de communication basée à Singapour qui
aurait servi d’intermédiaire dans cette extorsion de fonds), Nick Davis informe
son interlocuteur de son intention de mettre en place
« officieusement », une « campagne RP [relations presse] pour
s’assurer que nous évitons des scandales médiatiques internationaux liés aux
championnats de Moscou, notamment dans la presse britannique, d’où viennent les
pires articles». Pour atteindre
cet objectif (élaborer une stratégie de communication afin que ces cas, gênants
pour l’athlétisme mondial, aient le moins de répercussion médiatique possible),
Nick Davies précise qu’il envisage « d’utiliser CSM » (Chime Sports
Marketing), une agence spécialisée dans le marketing sportif, dont le directeur
général est… Sébastian Coe qui, à cette époque (été 2013) était premier
vice-président de l’IAAF.
Profiter de l’influence de Coe au
Royaume Uni
Nick Davies évoque dans ce courriel, le rôle de son compatriote qui en
fera, après son élection au poste de président de l’IAAF, son chef de cabinet :
«
Nous pouvons aussi profiter de l’influence politique de Seb au Royaume-Uni.
C’est dans son intérêt personnel de s’assurer que les championnats du monde de
Moscou soient un succès et que les gens ne pensent pas que les médias de son
propre pays ne sont pas en train de chercher à les détruire. Nous pouvons
travailler fort pour arrêter toute attaque planifiée par la presse britannique
à l’égard de la Russie dans les semaines à venir».
Quelques jours plus tard après ce courriel de Nick Davies (le 29 juillet 2013), selon Le
Monde, Papa Massata Diack adressé un e-mail à son père, dans lequel il aurait écrit que Valentin
Balakhnichev (le président de la fédération russe l’aurait
sollicité « pour intervenir en interne auprès du personnel de l’IAAF qui lui a été
antagonique dans le processus de gestion de ce dossier depuis septembre 2012 et
à cette fin, un travail de lobbying et d’explication a été fait […]».
Ce que Nick Davis, contacté par Le Monde en fin décembre 2015, avait
démenti « fermement cette allégation. Malheureusement, je crois que la tactique
de ceux qui sont accusés est d’essayer de démontrer que d’autres personnes sont
impliquées dans leurs plans. Je les ignorais complètement ».
A propos de son e-mail, Nick Davies a fait savoir dans un communiqué,
dédouanant le président de l’IAAF que « e-mail adressé moins d’un mois
avant le début des Championnats du Monde de Moscou au consultant marketing de
l’IAAF d’alors, Papa Massata Diack, consistait en un échange d’idées au sujet
de possibles stratégies liées aux relations presse en vue de sérieux challenges
rencontrés autour de l’image de la compétition ». Il précise qu’aucun plan n’a été mis en place
suite à cet e-mail et il n’y a absolument aucune possibilité qu’une stratégie
ou un plan média/relations publiques puisse interférer avec la procédure
antidopage. Il indique également qu’il
n’a « pas abordé ces idées avec CSM et il n’y a jamais eu aucun d’accord
entre l’IAAF et CSM pour mettre sur pied une campagne de relations publiques.
CSM n’a jamais travaillé pour l’IAAF en quelque capacité que ce soit depuis que
Sébastian Coe en est membre». Par un curieux effet du hasard, Jackie
Brock-Doyle, présentée par Le Monde, comme communicante
pour CSM et l’IAAF aurait répondu aux questions du journal en disant « Ce
qui est très clair c’est que Sébastian ne va pas répondre sur des e-mails dont
il ne sait rien ».
Nick Davis se met en retrait
Dans un communiqué adressé à Le Monde publié
intégralement, Nick Davies explique que ses fonctions de directeur de la communication de l’IAAF
étaient gérer et promouvoir la
réputation de l’IAAF et que son email « adressé moins d’un mois avant le
début des Championnats du Monde de Moscou au Consultant Marketing de l’IAAF
d’alors, Papa Massata Diack, consistait en un échange d’idées au sujet de
possibles stratégies liées aux relations presse en vue de sérieux challenges
rencontrés autour de l’image de la compétition ».
Il indique aussi « suite
à votre article au sujet des allégations de corruption concernant Lamine Diack
(article publié le 18 décembre), je précise que je n’ai absolument jamais été
impliqué dans aucune conspiration criminelle impliquant des représentants de
l’IAAF. Je n’ai jamais reçu de paiements en connexion avec ces conspirations ».
Après avoir affirmé n’avoir eu « aucune connaissance en 2013 que
des officiels de l’IAAF puissent être impliqués dans des conduites criminelles
liées à des cas de dopage, tout comme je n’ai aucune connaissance d’aucun cas
de dopage n’ayant pas été traité qui aurait dû l’être, ni d’aucune suspension
pour dopage n’ayant pas été publiée dans les temps impartis par les Règles de
l’IAAF », il a joute que lorsque des informations concernant des
allégations de corruption lui ont été données au début 2014, il fut « l’un
des salariés de l’IAAF ayant saisi la Commission d’Ethique de l’IAAF et ayant
contribué l’enquête qui a suivi. Je fus également l’un des membres du personnel
de l’IAAF ayant offert, et continuant d’offrir – de façon volontaire – mon
entière assistance aux enquêteurs de la Commission Indépendante de l’AMA, ainsi
qu’à la police monégasque et française».
Quelques jours plus tard, Nick Davies s’est mis en retrait de son
poste de directeur de cabinet de la fédération internationale suite à sa mise
en cause dans l'affaire de corruption qui secoue actuellement l'instance «pour
laisser le temps au comité d'éthique d'étudier le dossier, et de déterminer si
je suis responsable d'une quelconque infraction au code de l'éthique de l'IAAF».
La presse française rapporte que deux jours avant ce retrait, le
journaliste allemand Hajo Seppelt, à l’origine de toute cette affaire, avait
reçu un courrier du cabinet d’avocats « Bird and Bird LLP » le menaçant de
poursuites dans le cas où il continuerait à faire état d’informations mettant
en cause Nick Davies ou Sébastian Coe. Selon la relation qui en faite, ces
juristes auraient noté en haut de leur email la mention « Personnel et confidentiel. Ne
doit pas être publié ». Comme on ne pouvait si attendre, Hajo Seppelt
s’est empressé de diffuser ce document via Twitter, quelques heures avant que
Nick Davies annonce sa décision de retrait
Abramovitch aurait versé
200 000 livres à Coe
La révélation de l’implication de Nick Davies, l’ex- porte-parole de
l’IAAF, devenu, depuis le mois de septembre dernier, le bras droit de Sébastien
Coe est à peine oublier que le président de l’IAAF est à nouveau éclaboussé par la découverte de ses liens
financiers avec le club de football de
Chelsea appartenant au milliardaire russe Roman Abramovich…
Alors qu’une référence à sa société (CSM) très embarrassante pour Sébastian
Coe, est dévoilée, il semblerait qu’il était lui aussi informé de cette
situation dès le milieu 2011, la presse britannique (Daily Mail) révèle que le
club de Chelsea a financé, à hauteur de
200.000 livres, la campagne électorale de Coe pour la présidence de l’IAAF. Malgré
la possibilité émise d’un paiement
effectué par le bureau du club sans en référer à Abramovich, il est tentant de
relier les deux hommes et de considérer que les décisions de Sébastian Coe au
sujet de la participation de la Russie
aux JO de Rio pourraient être influencées par le puissant oligarque qui a œuvré
pour que la Coupe du Monde de football revienne à la Russie en 2018.
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