lundi 30 mai 2016

Clins d’œil sur l’athlétisme (3), Incitation à la prostitution sportive

L
athlétisme est une affaire de duos s’ajoutant les uns aux autres. Des paires démultipliées à l’infini. En autant de couples qu’il y a d’entraîneurs et d’athlètes. Chaque athlète ayant une relation particulière avec « son » entraîneur, même s’il n’est qu’un élément parmi tant d’autres d’un groupe d’entraînement.
Le club est lui aussi un repaire de groupes, de duos multiples s’ajoutant les uns aux autres dans une identité commune matérialisée par la couleur d’un maillot, d’un écusson apposé sur un survêtement. Cet alignement de groupes se transforme en un empilement constitutif des ligues de wilaya qui, dans un espace géographique déterminé et par empilement successif, donnent les ligues régionales et in fine les fédérations qui s’agrègent, en tout bout du processus national, en un comité olympique national et, dans le contexte international, dans des confédérations continentales et une fédération internationale.
Qu’avons-nous décrit, si ce n’est une structuration du mouvement sportif hyper connue de tous et en même temps oubliée ? Une structure composée de binômes s’attirant et/ou se repoussant comme le font des atomes dans une molécule. Chaque niveau de la structure est sensée satisfaire aux besoins du niveau inférieur, lui permettre de donner sa pleine mesure.
A la base du système, la paire athlète-entraîneur est une relation particulière basée sur la satisfaction mutuelle se traduisant par la jouissance née d’un record (serait-il simplement personnel, le « PB » des instances sportives internationales, invisible dans les annales de la discipline mais éternellement mémorisé dans la mémoire de son auteur) pour l’athlète et l’expression d’un travail bien fait pour l’entraîneur qui n’a pas l’impression d’avoir perdu son temps à conseiller « son » athlète, que l’effort intellectuel (celui de l’athlète est plus somatique) consenti n’a pas été vain.
La satisfaction existe également à tous les niveaux de la structure (clubs, ligues, fédération). Sans avoir la même intensité émotionnelle. La satisfaction d’une réussite collective démultipliée par le nombre de réussites individuelles, le nombre de médailles décrochées. Il s’y ajoute normalement aussi, le sentiment d’avoir su gérer au mieux les deniers publics à disposition, d’avoir donné à tous les moyens de se surpasser, de ne pas avoir laissé en retrait un athlète ou un duo.
Une structure administrative de soutien à la pratique sportive est comptable, lors de la reddition annuelle des comptes devant les membres de son assemblée générale et des autorités publiques qui la finance, non seulement d’une bonne gestion comptable et administrative (qui en est le premier critère), mais aussi de la rentabilité des fonds reçus. Une rentabilité qui se manifeste, en plus du nombre de titres et de médailles remportées (et de la classification des clubs en découlant), dans l’évolution des effectifs et du niveau de performance de chacun des athlètes qui ne peuvent se situer dans la hiérarchie nationale, en l’absence d’un système de classification de la performance, que par rapport aux records nationaux de chaque catégorie d’âge et à l’insuffisant « Top 10 » ou encore en fonction de la dernière édition des championnats nationaux.
Les courants migratoires saisonniers des athlètes (pour des stages de préparation et pour des compétitions) vers la rive Nord de la Méditerranée permettent à la Fédération de se désengager de ce volet de son activité et de s’enfermer dans une forme de misérabilisme qui nuit à la respectabilité des athlètes obligés de quémander, d’accepter de maigres avantages (frais de séjour, primes ou indemnités dérisoires, prises en charge éventuelles du billet d’avion) pour se donner une visibilité qui leur est refusée sur le territoire national, pour se préparer dans des conditions qui ne sont pas toujours mirobolantes mais incomparables avec celles qui ne leur sont même pas offertes par les clubs, par les ligues et la fédération.
Souvenons-nous simplement de ce stage hivernal des jeunes talents organisé par la fédération (en prévision des championnats arabes juniors et des championnats du monde de la catégorie) au stade de Souk El Tenine (wilaya de Béjaïa) avec hébergement-restauration dans une auberge de jeunesse de  Ziama Mansouriah (wilaya de Jijel) à trente kilomètres à parcourir sur la RN 43, réputée pour sa dangerosité matérialisée par sa sinuosité, son étroitesse et les multiples chutes de transport de personnes (cars et fourgons) et de marchandises dans la mer. Et dire que Souk El Tenine est une station balnéaire renommée pour ses camps de vacances et son hôtellerie touristique au même titre que les localités voisines (Aokas et Tichy), à respectivement 10 et 20 kilomètres par une voie rapide. Une absurdité quand on sait que Souk El Tenine accueille les compétitions nationales jeunes.

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