samedi 13 août 2016

Lanceurs d’alerte (5), Réactions protocolaires de l’Usada et de l’UKA

L
e récit de Kara et Adam Goucher, tel qu’il est rapporté par Mark Daly, le journaliste d’investigations de la BBC, ne se limite pas aux faits qui les touchent personnellement et que nous avons retranscrit dans notre précédente chronique. Ils disent aussi avoir été témoins d’une situation où Rupp et Salazar ont tenté, à deux reprises, d’influencer le processus d'AUT. Cela se serait produit en 2007 et 2011, quand Salazar aurait montré à Rupp  comment obtenir l'autorisation médicale pour une administration intraveineuse de solution saline avant ses courses.

Goucher dit qu'elle ne sait pas pourquoi  Rupp bénéficia d’injections intraveineuses avant les épreuves d’Osaka et de Daegu. Elle avait eu toutefois le sentiment qu’« ils manipulaient le système ». Les Goucher ne pouvaient savoir ce qui se tramait. Ce n’est que plus tard  que  Lance Armstrong, le septuple vainqueur du Tour de France cycliste, jamais impliqué dans un contrôle antidopage positif, dévoila le secret de cette solution saline permettant de masquer les produits dopants.

Interrogé sur ce point, comme pour toutes les autres questions qui lui furent posées, Alberto Salazar a fait appel à sa réponse standard, s’apparentant à un slogan publicitaire ou à ce conditionnement comportemental que l’on doit à l’américain Watson (qui fit pendant à celui du Russe Pavlov) mille fois répété: «Je n'ai jamais incité ​​un athlète à manipuler les procédures de tests ou à  saper les règles qui régissent notre sport ».

Kara Wheeler-Goucher, outre sa médaille de bronze, a réussi des performances intéressantes au plan mondial. Ses meilleures performances personnelles  la situe honorablement dans les pelotons : 1 500 m (4.05.14 en août 2006) ; 3 000 m                (8.34.99 en septembre 2007), 5 000 m (14.55.02 en septembre 2007) ; 10 000 m (30.55.16 en août 2008) ; semi- marathon (1heure 08.05 août 2009) et marathon (2 heures 25.53 en novembre 2008).
Adam Goucher, son époux, n’est pas aussi le premier venu : sélectionné pour disputer les jeux olympiques de Sidney (2000), il s’est classé à la 13ème  place  sur 5 000 mètres, il a établi ses records personnels lorsqu’il a intégré, en 2005, le NOP (13.10.00 au 5 000, en 2006  et 27.59.31 au 10 000 en 2008). Accablé par des blessures récurrentes, Adam Goucher fut surtout un coureur de cross court qui tint tête à Kenenisa Bekele.
En 2013, Kara qui était encore une athlète du NOP (avant de s’en retirer avec son mari Adam) fit part de ses  préoccupations à l’Usada. Ils s’étaient adressés au patron de l’Usada, Travis Tygart, l'homme qui avait fait tomber Armstrong de son piédestal.

Le rôle de l’Usada (comme celui de l’UKA lors de la diffusion du documentaire de la BBC) est trouble. Selon la chaine de télévision britannique, au moins sept athlètes ou membres du personnel associés au projet Oregon se sont adressés à l’Usada et auraient fait part de leurs préoccupations au sujet de pratiques illicites présumées et de comportements contraires à l’éthique.

L’agence américaine de lutte contre le dopage n’a pas confirmé (ni non plus nié) l’ouverture d’une enquête. Sa seule réaction fut de dire qu’elle prenait « tous les rapports de dopage au sérieux » et qu’elle suivait tout aussi sérieusement tous les rapports qui lui étaient faits.

Mark Daly s’est déplacé jusqu’au siège de l'AMA à Montréal. Dans un entretien qu’il eut avec son directeur général (David Howman), il demanda quelles suites avaient été données à l’information relative à l’utilisation de la testostérone par Galen Rupp pendant sa pratique sportive scolaire. Après avoir déclaré que « peu importe l'entraîneur ou l'athlète un tel comportement ne peut être toléré» (le discours type des institutions mises au pied du mur), le « big boss » fit part de son trouble et de sa déception si les allégations étaient confirmées. Il déclara «  je pense que cela doit être examiné par nous en toute neutralité ».


Daly, qui est certainement celui qui connait le mieux ce dossier, affirme que personne n’a présenté de preuves impliquant directement Mo Farah dans des actes de dopage. Tout n’est qu’allégations au sujet de son entraîneur. Ayant abordé le sujet  (et lui ayant présenté ses arguments) avec Andy Parkinson, l'ancien responsable de la lutte contre le dopage au Royaume-Uni, ce dernier lui a tenu un discours très administratif mâtiné, ampoulé, assorti du flegme  britannique : « Sur la base des allégations que vous avez m'a montré ... tout athlète qui est impliqué ou associé à ce groupe, y compris Mo Farah, devrait s’assurer qu’ils évoluent dans un environnement sain». La responsabilité du dopage est rejetée sur l’athlète. Nonobstant l’article 20 du code mondial antidopage de 2015 qui situe les responsabilités des uns et des autres.

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