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e récit de Kara et Adam Goucher, tel qu’il est rapporté par Mark Daly,
le journaliste d’investigations de la BBC, ne se limite pas aux faits qui les
touchent personnellement et que nous avons retranscrit dans notre précédente
chronique. Ils disent aussi avoir été témoins d’une situation où Rupp et
Salazar ont tenté, à deux reprises, d’influencer le processus d'AUT. Cela se
serait produit en 2007 et 2011, quand Salazar aurait montré à Rupp comment obtenir l'autorisation médicale pour
une administration intraveineuse de solution saline avant ses courses.
Goucher dit qu'elle ne sait pas pourquoi Rupp bénéficia d’injections intraveineuses
avant les épreuves d’Osaka et de Daegu. Elle avait eu toutefois le sentiment
qu’« ils manipulaient le système ». Les Goucher ne
pouvaient savoir ce qui se tramait. Ce n’est que plus tard que Lance Armstrong, le septuple vainqueur du Tour
de France cycliste, jamais impliqué dans un contrôle antidopage positif,
dévoila le secret de cette solution saline permettant de masquer les produits
dopants.
Interrogé sur ce point, comme pour toutes les autres questions qui lui
furent posées, Alberto Salazar a fait appel à sa réponse standard,
s’apparentant à un slogan publicitaire ou à ce conditionnement comportemental
que l’on doit à l’américain Watson (qui fit pendant à celui du Russe Pavlov) mille
fois répété: «Je n'ai jamais incité un athlète à manipuler les
procédures de tests ou à saper les règles
qui régissent notre sport ».
Kara Wheeler-Goucher, outre sa
médaille de bronze, a réussi des performances intéressantes au plan mondial.
Ses meilleures performances personnelles
la situe honorablement dans les pelotons : 1 500 m (4.05.14 en
août 2006) ; 3 000 m (8.34.99
en septembre 2007), 5 000 m (14.55.02 en septembre 2007) ; 10 000 m
(30.55.16 en août 2008) ; semi- marathon (1heure 08.05 août 2009) et
marathon (2 heures 25.53 en novembre 2008).
Adam Goucher, son époux, n’est
pas aussi le premier venu : sélectionné pour disputer les jeux olympiques
de Sidney (2000), il s’est classé à la 13ème place
sur 5 000 mètres, il a établi ses records personnels lorsqu’il a
intégré, en 2005, le NOP (13.10.00 au 5 000, en 2006 et 27.59.31 au 10 000 en 2008). Accablé
par des blessures récurrentes, Adam Goucher fut surtout un coureur de cross
court qui tint tête à Kenenisa Bekele.
En 2013, Kara qui était encore une athlète du NOP (avant de s’en
retirer avec son mari Adam) fit part de ses préoccupations à l’Usada. Ils s’étaient
adressés au patron de l’Usada, Travis Tygart, l'homme qui avait fait tomber
Armstrong de son piédestal.
Le rôle de l’Usada (comme celui de l’UKA lors de la diffusion du
documentaire de la BBC) est trouble. Selon la chaine de télévision britannique,
au moins sept athlètes ou membres du personnel associés au projet Oregon se
sont adressés à l’Usada et auraient fait part de leurs préoccupations au sujet
de pratiques illicites présumées et de comportements contraires à l’éthique.
L’agence américaine de lutte contre le dopage n’a pas confirmé (ni non
plus nié) l’ouverture d’une enquête. Sa seule réaction fut de dire qu’elle
prenait « tous les rapports de dopage au sérieux » et qu’elle
suivait tout aussi sérieusement tous les rapports qui lui étaient faits.
Mark Daly s’est déplacé jusqu’au siège de l'AMA à Montréal. Dans un
entretien qu’il eut avec son directeur général (David Howman), il demanda
quelles suites avaient été données à l’information relative à l’utilisation de
la testostérone par Galen Rupp pendant sa pratique sportive scolaire. Après
avoir déclaré que « peu importe l'entraîneur ou l'athlète un tel comportement
ne peut être toléré» (le discours type des institutions mises au pied
du mur), le « big boss » fit part de son trouble et de sa déception
si les allégations étaient confirmées. Il déclara « je pense que
cela doit être examiné par nous en toute neutralité ».
Daly, qui est certainement celui qui connait le mieux ce dossier,
affirme que personne n’a présenté de preuves impliquant directement Mo Farah
dans des actes de dopage. Tout n’est qu’allégations au sujet de son
entraîneur. Ayant abordé le sujet (et
lui ayant présenté ses arguments) avec Andy Parkinson, l'ancien responsable de
la lutte contre le dopage au Royaume-Uni, ce dernier lui a tenu un discours
très administratif mâtiné, ampoulé, assorti du flegme britannique : « Sur la base
des allégations que vous avez m'a montré ... tout athlète qui est impliqué ou
associé à ce groupe, y compris Mo Farah, devrait s’assurer qu’ils évoluent dans
un environnement sain». La responsabilité du dopage est rejetée sur
l’athlète. Nonobstant l’article 20 du code mondial antidopage de 2015 qui situe
les responsabilités des uns et des autres.
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