Nous avons rencontré
pour la première fois Ahmed Mahour Bacha à Constantine en juillet 1989.
C’était à l’occasion des championnats nationaux « Open ».
A notre connaissance, c’était à l’aube d’une longue carrière d’entraineur d’un
diplômé de l’ISTS, d’un ancien athlète passé par l’école russe. Une école qui
l’a fortement marquée et dont fièrement il se revendique.
Beaucoup de choses se sont dites sur cet entraîneur (mais bien
avant sur l’athlète) déjà controversé, sur ses relations étroites avec la
préparation biologique. Certains, parmi ceux qui - à l’époque déjà - étaient
nombreux à ne pas le porter dans leurs cœurs, disaient qu’il était le
spécialiste algérien du dopage, le produit revendiqué d’une « école »
en marge de l’esprit olympique.
Les résultats obtenus d’abord comme athlète (record
d’Afrique du décathlon, ses performances au javelot qui en faisait un des
meilleurs africains de sa génération), puis plus tard (en tant qu’entraîneur) ceux
de Yasmina Azzizi (une formidable athlète, finaliste des championnats du monde
de 1991) ont toujours été connotés négativement. Comme le sont et le resteront pendant
encore longtemps ceux de Larbi Bourraâda convaincu de dopage (heureusement lors d’une compétition se déroulant à
l’étranger) en juin 2012.
Souvenons-nous de Yasmina Azzizi repoussant dans les limbes
de la mémoire la fringante madame Nacera Zaaboub, ambassadrice d’un athlétisme
alliant résultats sportifs et grâce féminine. Le passage de témoin entre deux
générations d’athlètes et de championnes mais aussi entre deux types (de
critères, de repères, d’idéologies, de méthodes d’entrainement, etc.) de
pratiques sportives dont celle, qui à ce moment-là (avec Mahour Bacha),
conduisent à la transformation de la femme (au plein sens du terme) en mutante
masculinisée.
Lors de notre première rencontre, nous ne cacherons pas que
nous avions un certain nombre d’idées préconçues (dont celle qui précède) sur le personnage. Des
préjugés construits à partir des relations que nous avions pu entendre aussi
bien de la bouche des entraîneurs et dirigeants qui le connaissaient depuis
plusieurs années et de confrères qui l’avaient côtoyés l’année précédente à
Annaba.
Des idées préconçues
non fixées et surtout ambivalentes. Pour dire vrai, elles le sont encore
aujourd’hui. Contrairement à ce que peut être nos écrits peuvent quelquefois laisser
à penser, elles ne sont pas toujours négatives. « Le diable »,
comme on le surnomme dans le milieu, possède des côtés attachants qu’il faudra
mettre en valeur….quand le temps des polémiques sera derrière nous.
Le premier contact (dans les tribunes du stade du 17 juin),
qui pourtant dura près de deux heures - dans le cadre d’une interview pour le
compte de l’hebdomadaire « El Hadef », pionnier et
pilier de la presse sportive de l’époque, un titre de ce qui fut le
représentant de la presse qui n’était pas encore publique et où pourtant,
contrairement à une idée encore répandue, chacun de nous (membre de la
rédaction) avait entière liberté dans le cadre d’un schéma préétabli, d’une
feuille de route institutionnalisée (présentation et couverture de l’événement
sportif, déclarations succinctes, faits
divers, portraits, interviews,) – fut très déplaisant.
L’interview est un exercice journalistique difficile. Elle
nécessite pour être pleinement réussie, de l’empathie (que le courant passe entre les
deux personnes) qui née de contacts réguliers, pas nécessairement prolongés,
qui permettent à chacun de connaitre les codes de l’autre, de rompre en premier
lieu la glace qui est obligatoirement là, présente à chaque interview, chaque
rencontre, à chaque retrouvaille (seraient-elles mille fois renouvelées), créer
à chaque fois un pont entre les deux protagonistes de la communication. On
revient à nouveau à l’énonciation.
Ahmed Mahour Bacha nous était connu. Il est vrai par le
prisme déformant de ce qui est rapporté par autrui. Mais, en fait rien de bien
méchant alors.
Pour Mahour Bacha, cela devait être le contraire. Le
champion en présence d’un journaliste de province exerçant dans un hebdomadaire
sportif (majoritairement consacré au football) édité et réalisé loin des
centres de décision algérois et qui pour cette seule raison était difficile à amadouer.
L’hebdo, tirait quand même à l’époque en moyenne 120 000 exemplaires par
édition, dépassera, avec l’épopée
Boulmerka-Morceli, les 350 000 en deux éditions hebdomadaires. Un
journaliste aussi dont les articles (et ceux de ses confrères) avaient permis
aux envoyés spéciaux du journal présents à Annaba (ce sont eux qui le
racontèrent après les championnats, à leur retour à la rédaction) d’assister
aux entraînements et de ne pas être refoulés du stade. Un journaliste que l’on
n’avait pas l’habitude de voir.
Donc, en théorie, pas de contentieux, pas de litiges. Rien
qui puisse (en apparence) contrarier cette première interview.
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