D
|
es entraîneurs nous ont
interpellés au sujet du transfert de compétences et nous ont communiqué ce qui,
selon eux, seraient des éléments de réponse à nos interrogations. Il semblerait
qu’il existe un déficit de confiance important envers les structures (et leurs
représentants) dont la première caractéristique serait l’absence de crédibilité
et le plus souvent de moralité. Ce qui n’était que questionnement a été confirmé.
Pour ces entraîneurs
(malheureusement nombreux) la communauté de l’athlétisme, le milieu dans lequel
ils sont immergés, est perçue comme un univers de rivalités multiples dans
lequel seraient étroitement associés dénigrements, dévalorisation de l’autre,
valorisation exacerbée de soi en vue de s’approprier, d’attirer dans son club
de jeunes talents révélés dans d’autres structures dont celles (ce serait un
phénomène qui prendrait de l’ampleur et viendrait tenter de contrecarrer, par
la surenchère, l’algérocentrisme ambiant) existant dans des wilayas
périphériques.
Ces pratiques auraient pour
objectif d’obtenir une augmentation substantielle de la subvention versée par
les collectivités locales (dont on oublie souvent qu’elle est liée aux
résultats de l’exercice antérieur et que l’amélioration ne sera perceptible que
deux saisons après l’intégration des nouveaux athlètes à condition qu’ils se
soient maintenus au même niveau de performance et que les athlètes du club
n’aient pas fait l’objet d’un détournement par un club mieux doté
financièrement) et des bénéfices personnels prenant la forme de primes indûment
améliorées qui pour certains entraîneurs pourrait atteindre (voire dépasser) le
salaire d’un entraîneur débutant. Dans une telle ambiance, il est évident que
le transfert de connaissances n’est qu’un mot vide de sens.
L’implication dans cette
dénaturation des rapports n’est pas à négliger. Dès 1991, les titres de Hassiba
Boulmerka et Noureddine Morceli, les autres médailles et les accessits des championnats
du monde d’athlétisme de Tokyo ont valorisé les « pirates des pistes »
et ont fissuré un édifice déjà sérieusement ébranlé. Les primes et autres
avantages accordés à ces entraîneurs ont instauré (avec la bénédiction des
autorités sportives encore dépassées par les événements) le « mercenariat »
perçu comme une formule de motivation dont une des versions extrêmement
pervertie est visible dans l’univers du football où l’inflation des salaires et
des primes, au nom de la loi du marché, est perceptible.
Il semblerait même que les
pratiques d’antan (accords des deux entraîneurs et de l’athlète ainsi que,
beaucoup d’entraîneurs s’en souviennent, la sollicitation d’un entraîneur par
son confrère pour prendre en charge un athlète que l’on ne peut mener, pour
différentes raisons, à un niveau de performance supérieur) soient complètement
obsolètes.
On en serait arrivé
aujourd’hui à des mutations qui ne répondraient à aucune des dispositions
réglementaires en vigueur. Nous avons appris incidemment (tout en convenant que
certains incidents sont soigneusement planifiés pour qu’ils soient portés à
notre connaissance et à notre attention sans rien laisser paraître) que de
nouvelles mœurs sont apparues dans le milieu. Un entraîneur (ou un dirigeant)
s’approche d’un groupe où nous trouvons et, sans nous adresser la parole et
faisant mine d’ignorer notre présence, s’arrange (s’adressant à son
interlocuteur d’une voix suffisamment forte pour être entendue à plusieurs pas
ou en faisant un esclandre) pour nous faire part de ce qui lui tient à cœur.
A travers cette
représentation théâtrale dont on ne peut être dupe et nous place dans le
registre du « théâtre de boulevard », on nous a fait
savoir que des mutations d’athlètes d’un certain niveau (top 10) auraient été
validées, par un membre du bureau fédéral qui détiendrait le cachet de la
fédération, sans le consentement du club quitté. Si cela était vérifié, cela
indiquerait que les trafics, qui par le passé étaient attribués à clubs et à certaines
ligues complices, seraient passés au niveau supérieur, à l’échelon fédéral.
Bien que l’on ne puisse
incriminer directement les entraîneurs, on remarquera que nous sommes de
plain-pied dans le registre des « vrais » entraîneurs
et de dirigeants du même acabit dont l’aptitude à payer des primes et des
indemnités mirobolantes et l’incapacité à se procurer des ressources
financières supplémentaires (et complémentaires aux subventions étatiques) se
sont dévoilées dans la condamnation de l’article 6 du décret exécutif 15.74. On
remarquera que ce sont les clubs « semi-professionnels »
(une catégorie juridiquement inexistante en Algérie) qui se sont trouvés en
première ligne de cette contestation.