C’est au cours de l’été 88, que l’étoile Morceli débuta son ascension.
Là-bas, au pays du froid, à Sudbury (Canada), aux championnats du monde
juniors, il conquit (sur les talons du Kenyan Wilfred Oanda Kirochi), une
médaille d’argent qui lui ouvrit la fois
les portes du Riverside Collège en Californie et celle de…. la gloire.
C’est en 1986 que nous entendîmes parler pour la première fois de
Noureddine Morceli dont « Aâmi » Cherif Grabsi (qui venait de rentrer
dus championnats nationaux de cross –country qui s’était disputés à Draâ Ben
Khedda) nous dit d’abord qu’il était le jeune frère d’Abderrahmane, une pointure
du demi-fond international de son époque
avec un record national à 3.36.26 (qui présente la caractéristique très
intéressante et rare pour une course de cette distance d’avoir été égalé par
Rachid Kram) qui ne sera amélioré que par….Noureddine qui fit, pendant un
temps, que le record national le record du monde. Le résultat : Noureddine
abandonna.
En ce temps-là, où nous étions confinés par nos obligations
professionnelles à Constantine, Aâmi Cherif était nos yeux et nos oreilles. Bibliothèque
vivante de l’athlétisme algérien, il nous rapportait des informations sur tous les jeunes du pays qui présentaient
quelques talents. Ce fut un partenariat enrichissant. Il suivait les
compétitions auxquelles nous ne pouvions assister et nous en parlait avec
ravissement lors de longues discussions émaillées de ces détails qui ne peuvent
être perçus que par ceux qui ont l’athlétisme chevillé au
corps et le savoir pour en parler intelligemment. Un besoin de parler
d’athlétisme, de partage que nous retrouvâmes avec délectation chez Hadj
Mohamed Mechkal. L’indifférence que portaient les détenteurs du savoir et du
pouvoir aux symboles de l’empirisme qu’ils représentaient les avait mis (à des
degrés divers) en marge de l’athlétisme constantinois et algérien. Seuls, leurs
connaissances du passé et leur réussite par athlètes interposés intéressaient leurs
interlocuteurs. Quant au savoir non validé par des diplômes, tous s’en gausser.
Aâmi Cherif, entraineur bénévole, passionné de la méthode d’entrainement de Raymond
Chanon (et de son Cat test) qui avait
encadré son stage de 3ème
degré vers le milieu des années 80, améliorait sans cesse ses
connaissances en la matière. « Aâmi » Chérif n’était pas jaloux de la
réussite des autres. Bien au contraire. Il nous semblait heureux de nous
rapporter l’émergence de « petit(e)s » champion(e)s même…..s’ils
devançaient ses propres athlètes. Il attira ainsi notre attention sur le jeune
(il était alors cadet) Yahia Azaidj et de Baghdad Nasria.
Pourtant, « Aâmi » Cherif n’était pas informé de tout. Il ne
put expliquer l’abandon de Noureddine. La cause ne nous fut révélée que bien
plus tard (en 1992) par Mohamed Hamouni, son entraîneur très discret à Chlef.
Juste après l’échec des Jeux Olympiques de Barcelone, Mohamed Hamouni nous
raconta comment Noureddine fut à deux doigts de perdre un pied blessé par un
coup de pointe reçu à ces championnats
national de cross - country de Draa Ben Khedda (un haut lieu de la course à
pied féminine sous la houlette de Jean-Claude Ameziane). Mohamed Hamouni fut le
sauveur (il n’en tirait aucune gloire) de Noureddine en faisant soigner un pied
connaissant une inflammation qui annonçait un début de gangrène pouvant entrainer une
amputation.
Cette médaille des Championnats du Monde de Sudbury, les relations qu’entretenaient
son frère Abderrahmane et son futur manager (Ammar Brahmia) avec la championne
olympique marocaine du 400 mètres haies (1984, Los Angeles) Nawel El
Moutawakel, lui valurent d’obtenir une bourse d’études au Riverside Collège, en
Californie. Il avait 18 ans.
De cette Amérique, des conditions de vie au Collège, Noureddine, que
nous avons rencontré pendant toute une journée après notre reportage à Chlef,
évita d’en parler. Il nous sembla même
réticent à aborder le sujet. Vraisemblablement, si nous l’avions poussé dans
ses derniers retranchements, s’il avait
dû en parler, il nous aurait employé cette locution qui ponctue les discours
des jeunes Algériens : « Normal ! ».
En 1990, Lotfi Khaida, son
compagnon au Riverside Collège, avait été un peu plus disert sur les conditions
d’études qui étaient celles du trio algérien (Khaida, Morceli, Réda Abdenouz)
et de leurs condisciples américains et d’autres nationalités : bourse
d’études qui permet de vivre chichement, programmes difficiles, cours de
langue, petits boulots dans les cafétérias du Collège obtenus sur interventions
des coaches, entrainements intensifs.
Réda Abdenouz n’avait pas pu les supporter. Khaida et Morceli
persistèrent. On connait leurs carrières.
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