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es années 80 dévoilèrent les futures icones nationales (Hassiba
Boulmerka et Noureddine Morceli) malheureusement en ce temps-là totalement
transparents. Depuis les exploits de 82 et de 86 (qualifications aux Coupes du
monde) le football phagocytait (plus que par le passé) la presse nationale, éditée par des entreprises gouvernementales.
En 1988, lorsque se présenta le tournant de leurs carrières sportives, ce
n’étaient que deux noms peu connus en dehors de la « famille de
l’athlétisme » en autarcie, repliée sur elle-même, n’émergeant du
néant qu’à l’occasion de quelques victoires internationales retentissantes des
coureurs de demi-fond (Abderrahmane Morceli, Amar Brahmia, Rachid Kram, Aidat),
de demi-fond long et de cross-country (Ahcène Babaci, Boualem Rahoui, Rachid
Habchaoui, Hachemi Abdenouz), de courses sur routes (Abdelmagid Mada, Allaoua
Khellil).
Hassiba Boulmerka, l’idole des idoles, dépassa en notoriété les
footballeurs les plus adulés (Belloumi, Madjer). Elle apparut à un moment
critique de l’Histoire du pays. Dans une période où celui-ci était au ban des nations,
confronté à une véritable guerre civile menée par des islamistes confortés dans
leurs actions par les pays de l’Occident démocrate ne saisissant pas encore la
portées de la prétendue opposition politique revendiquée. En ces temps plus que
difficiles pour la population algérienne, Hassiba Boulmerka était (par le
simple fait de courir, de remporter des victoires à l’international et la
conquête de titres et médailles mondiales et olympiques) le symbole de la
résistance à l’Islam obscurantiste.
Hassiba a grandi dans le lotissement populaire de « Dallas »
le malicieusement nommé. Elle sut saisir la « carte gagnante »
qui lui fut proposée par Ammar Bouras, l’entraineur national de demi-fond,
après qu’elle eut remporté deux titres (800 et 1 500 mètres) aux
championnats d’Afrique d’athlétisme d’Annaba. Des succès qui se prolongèrent quelques
mois plus tard (toujours sur les mêmes distances) avec une participation aux
demi-finales des jeux olympiques de Séoul. Des performances et des résultats
qu’elle n’aurait pu atteindre sans avoir été couvée (comme sa propre fille)
par son entraîneur (et enseignant d’EPS
au CEM) Abboud Labed et par le directeur de l’ENDVP (ex-Sonacome). Hassiba
avait 20 ans quand elle quitta Labed.
Abboud Labed (3ème degré, spécialité sauts) savait mettre
en valeur les capacités des demoiselles. C’était dans la découverte des potentiels
et leur développement un second Grabsi Cherif. Ils formaient un duo sans
pareil. Une sorte de « Tom et Jerry » de l’athlétisme
constantinois. Labed fit découvrir
Sakina Boutamine et Hassiba Boulmerka, les plus belles perles de sa collection
de championnes. La première fut championne d’Afrique du 800 et du 1 500,
sélectionnée pour les jeux olympiques de 1976. Elle était arrivée de Chekfa, un petit village de
la région de Jijel. Elle tira sa révérence à la veille des jeux olympiques de
Moscou (1980). Elle était là présente dans les compétitions internationales
lorsque, malgré les résultats probants de l’époque, l’athlétisme restait
confidentiels et qu’elle était l’idole, la référence de toute une génération.
Avant qu’elle ne passe le flambeau à Hassiba en restant au service de la
discipline au micro de la Chaine 1.
Dans cette évocation de jeunes
talents, nous nous devons citer dans le
harem labedien - il fut spécialisé dans l’athlétisme féminin par Youcef
Boulfelfel, un des premiers décathlonien algérien de valeur (dans les années
60), devenu président de la ligue (années 70) et enseignant à l’université de
Constantine - le raté fracassant de
Djeblahi Saliha, plus jeune que Hassiba. Une enfant née et habitant également une
cité populaire voisine de « Dallas », une cité de
recasement sise à El Gemmas dont les
baraques préfabriquées ressemblent
étrangement à celles édifiées à Chlef,
reconstruction de l’El Asnam
dévastée par un tremblement de terre.
Djeblahi, comme Hassiba et Saidi Sief, a été une adolescente entrée trop tôt dans la
vie active. Mais, contrairement à Boulmerka qui quitta son mentor à l’âge de 20
ans, Djeblahi, qui aurait pu (du ?) succéder à Yasmina Azzizi sur les
épreuves combinées, rentra définitivement chez ses parents à l’âge de 19 ans. Elle
n’avait pas su saisir sa chance. Un geste malheureux (une main trop leste, un
chapardage dans une grande surface espagnole dit-on) que ne peuvent commettre
que ceux (et celles) qui sont passés trop vite (sans être réellement
accompagnés par des techniciens du sport ayant délaissé l’habit d’éducateurs
pour celui de chasseurs de primes) de la misère, de la quasi-indigence
quotidienne à l’abondance et l’opulence offerte sans surveillance physique.
Comme d’autres athlètes rejetées rapidement par le système, elle n’avait pu
maitriser la transition (éblouie par le chant que les sirènes algéroises
serinaient à ses oreilles) qu’aurait pu lui assurer sa famille et son milieu
naturel en cette période délicate de l’existence.
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