L’annonce du passage à la
télévision d’Amar Brahmia, bien qu’elle ait été faite sur un ton sentencieux,
ne fit pas grand effet. En ces temps-là, la réussite sportive de Noureddine
Morceli était l’opportunité idoine pour faire de son manager l’invité très
spécial des émissions sportives de la télévision publique qui était seule dans
le paysage audiovisuel algérien. A ce que l’on racontait alors, LE manager de
référence en Algérie n’en demandait pas tant. Lui qui était l’habitué, le
client des plateaux télévisés. A vrai
dire, tous ceux qui étaient présents au moment de cette déclaration
connaissaient quasiment par cœur ses longues envolées, ses tirades empreintes
de religiosité.
Qui étaient les témoins ?
Nous n’en avons pas un souvenir précis si ce n’est que c’étaient des sportifs (parmi
ceux dont nous avons cités le nom précédemment et bien d’autres), des personnes
qui ne portaient pas l’islamisme (ou l’islam politique) montant dans leurs
cœurs, le plus souvent des démocrates et même ceux qui étaient désignés, dans le jargon d’alors,
comme des « progressistes », les démocrates de la
gauche et de l’extrême gauche regroupés aussi sous l’étiquette englobante de «
communistes ». Ou ne le montraient pas encore ouvertement.
En fait, l’appartenance politique
n’était pas encore un élément de différenciation comme elle peut l’être
aujourd’hui. L’appartenance politique n’était pas déterminante dans le concert
social de la période. Les premières élections pluralistes n’avaient pas encore
eu lieu. La campagne électorale, à laquelle allait prendre part Amar Brahmia en
incitant à voter pour le parti religieux, était aussi la première du genre.
L’Algérie des décennies
précédentes avait baigné, quasiment depuis l’indépendance, dans « le
socialisme spécifique », dans les « Révolution agricole »,
« Révolution culturelle » et « Révolution industrielle »,
un mode de penser qui introduisit la notion d’ « industrie
industrialisante » chère à Bernis et à Belaid Abdeslam, les
sociétés nationales, la GSE (gestion socialiste des entreprises), la
participation directe du syndicat unique (l’UGTA) à la prise de décision au
sein des entreprises publiques et tant d’autres concepts dont l’idée et la
philosophie agissent encore dans l’esprit des Algériens du 21ème
siècle pourtant emportés dans le courant du libéralisme économique et
politique. L’encadrement du mouvement
sportif (numériquement peu développé) l’était encore plus que le reste de la société.
Le mouvement sportif national, à
travers « la Réforme sportive »,
du fait de son discours polysémique, était (nous le croyons fermement) susceptible
de fonder n’importe système sportif, dans n’importe quelle configuration
économico-juridique et sociétale. La prospection, la détection, la sélection, la
formation, le développement, la promotion, la prise en charge du haut niveau,
etc. étaient les composants du crédo. L’avantage de la configuration juridique
était d’avoir socialisé la pratique sportive, de l’avoir inscrite dans le mode
de pensée et de vie.
Nombreux étaient ceux qui, dans
l’encadrement et de la politique de développement du sport algérien, avaient
suivi une formation à l’institut des sports de Leipzig (ex-RDA, Allemagne de
l’Est) tandis que des centaines d’autres avaient eu pour formateurs, dans les
établissements de formation de cadres du sport réalisés par l’Etat algérien, des
coopérants techniques venus du bloc de l’Est. Inévitablement, ils avaient
influencés leurs modes de pensées.
Nous ne devons pas cependant oublier
que le monolithe unanimiste mis en place par le FLN historique - mouvement
rassembleur de toutes les idéologies présentes sur le terrain politique
algérien au déclenchement de la guerre de libération - a commencé son
délitement au mois d’Octobre 1988 (émeutes d’Alger et pillages des magasins du
secteur étatique), marqueur du début de la reconnaissance du multipartisme et
déclic tonitruant pour l’ouverture économique entamée quelques années plus tôt. Les
différentes tendances politiques (jusqu’alors confidentielles et clandestines) ont
commencé à apparaitre au grand jour et se sont retrouvées engagées dans le processus électoral qui est en cours
lorsqu’intervient l’annonce de Brahmia.
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