dimanche 30 octobre 2016

Polémiques (42), La cryothérapie de Cro-Magnon

     
Ceux qui côtoient les milieux sportifs savent d’expérience que les entraîneurs (quelque soit le lieu d’exercice de leur métier, en Europe ou au fin fond des continents et des nations en voie de développement) sont des bricoleurs dans l’âme ou plutôt des innovateurs, des adaptateurs par nécessité. En particulier, lorsqu’il s’agit de compenser l’absence notoire de matériels pédagogiques qui, du point de vue des gestionnaires des fonds publics, coûtent toujours excessivement chers ou dont la dépense (c’est une subtilité du discours administratif) n’avait pas été envisagée dans les prévisions budgétaires.
La publication des précédentes chroniques sur la « cryothérapie du meskine » a amené des lecteurs à nous adresser quelques commentaires et à envoyer de nouvelles photos. Ces dernières  montrent que, malgré les constats  amers, l’inventeur de cet exemple d’un excellent « travail  arabe » (une expression sémantique qui signifie bricolage, adaptation et adoption de solutions de rechange à une situation) a su cependant redonner un peu dignité aux athlètes ayant pu bénéficier des effets recherchés en faisant l’impasse sur la qualité intrinsèque des moyens. Un succédané, appliqué au milieu sportif, du « qu’importe le contenant pourvu qu’on est l’ivresse ! ».
Le recours à la cryothérapie (dont on nous dit par ailleurs qu’elle ne serait pas aussi efficace que ce qu’en disent les spots publicitaires), en tant que moyen de récupération après l’effort et en tant qu’anti-inflammatoire naturel, a existé en Algérie dans une première forme qui n’a pas été celle que l’on connait maintenant sous les apparences de la « cryothérapie du meskine » ou de la « baignoire de Bouraâda ».
Elle a été (gardons-nous de l’oublier) une pratique palliative qui, selon les premiers constats, a situé, sur les plans de l’esthétique et de l’estime de soi, la récupération par le froid à un niveau de dégradation émotionnellement avancée.
La forme  pratiquée chez nous a autorisé la « cryothérapie du meskine » (du pauvre) à supplanter une « cryothérapie du misérable ». Elle (« la cryothérapie du meskine »), si l’on prend en compte ce que l’on en dit,  plonge ses racines dans un passé, pas aussi éloigné qu’on pourrait et voudrait le croire, l’ayant fait passer d’abord par une étape préhistorique qui serait celle que nous qualifions de « cryothérapie du misérable » ou « cryothérapie de l’homme de Cro-Magnon ». 
Elle (« la cryothérapie de Cro-Magnon ») a donc précédé la « baignoire de Bouraâda ». Mais, nous n’en savions rien. Ou  plutôt nous n’avions pas su décrypter les allusions sibyllines qui la rapportaient. Elle était si avilissante pour les sportifs qu’elle en était impensable, qu’il était impossible d’en parler ouvertement, de la rendre publique. Elle fit partie des tabous que la société sportive préféra taire.
En athlétisme, le sentiment de solidarité et de partage est fort. Comme dans le reste de la société, il n’y a que les pauvres qui partagent avec les autres démunis le peu qu’ils possèdent. Que dire lorsqu’il s’agit de savoir, d’idées, de paroles. Qui ne coûtent rien aux dispensateurs.
Sport individuel par excellence, l’athlétisme (on ne sait en utilisant quel tour de magie) crée un esprit d’équipe qui transparait dans les situations difficiles, lorsque les situations impliquent l’union. Lorsque, il faut aussi le dire, les intérêts personnels convergent dans la même direction. Lorsque les difficultés vécues sont identiques ou similaires. Bouraâda a dit (c’est à son honneur et à celui de l’ « inventeur » (Mahour Bacha ou Agsous) de la baignoire qui porte le nom du décathlonien) lors du reportage qui fut consacrée à la baignoire popularisant la  « cryothérapie à la mode Sato », que son usage n’était pas réservé à quelques privilégiés, que les autres athlètes pouvaient l’utiliser à la seule et unique condition d’apporter avec soi l’élément essentiel et indispensable : les bouteilles d’eau congelée.

L’histoire récente nous a appris que la cryothérapie en milieu athlétique a connu deux périodes : la période de la « cryothérapie du pauvre » et la « cryothérapie du misérable ».  L’ère de la « cryothérapie de Cro-Magnon » est moins connue. 

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