dimanche 3 avril 2016

Des entraîneurs (6), Le sacerdoce d’un « faux » entraîneur

B
runo Gajer, après un parcours d’entraîneur typique de ce  bénévolat qui caractérise le mouvement sportif français et occidental, grâce à un effort de travail personnel, de perfectionnement que l’on suppose permanent, s’est retrouvé intégré (suite à un concours, instrument formel de validation de la compétence) dans le système institutionnalisé de production de performances d’une part, de production et de circulation de la connaissance en résultant d’autre part. Un système qui emprunte les contours de la diffusion et la respectabilité du savoir académique
C’est dans un cadre moins conventionnel que, depuis 1972, baigne Bernard Brun un autre entraineur bénévole, un de ces « faux » entraineurs  (pour reprendre le qualificatif employé par un triple champion de France du 400 mètres haies au sujet des entraîneurs qui ne sont pas laissés emporter par les dérives pharmacologiques) animant et promouvant les athlétismes français et algériens.
Cet ancien athlète devenu entraîneur  fut, comme Bruno Gajer, un athlète de niveau interrégional ayant réalisé à quelques dixièmes près le même chrono sur 800 mètres. Un chrono qui fit du « Master 3 » qu’il est aujourd’hui  un des meilleurs cadets français de son époque. Il y a un demi-siècle !
Il raconte que, dans le cadre du service militaire effectué au Bataillon de Joinville (l’équivalent de l’EMEPS d’antan), regroupement des meilleurs sportifs français (toutes disciplines confondues) en âge d’accomplir leurs obligations, il eut la possibilité d’enrichir ses connaissances en devenant un habitué de la bibliothèque de l’INS qui était  la « Mecque des entraîneurs français », un établissement qui avait accueilli des entraîneurs algériens d’athlétisme dont Aâmi Moussa-Embarek, introducteur de l’intervall-training à Constantine à la fin des années 50.
Cadre de maîtrise dans une unité de production de matériels électriques, Bernard Brun est le parfait bénévole. Qui  plus est, n’est pas le produit de la filière EPS. Il est une sorte (pour ceux qui les connaissent) d’Aâmi Cherif Grabsi mâtiné de Labed Abboud avec lequel il partage la caractéristique d’avoir assumé la fonction de dirigeant de club. D’Aâmi Cherif Grabsi (qui fut postier), Bernard Brun a en commun d’avoir exercé son activité professionnelle loin de l’éducation et de l’enseignement (Labed et Fethi Benachour).
Mieux, Bernard Brun a fondé (et présidé) un club au niveau  d’une petite ville (sous-préfecture quand même, l’équivalent d’une daïra) des Cévennes - contrefort Sud du Massif Central, à une bonne heure de route au Nord-Est de Montpellier, capitale régionale où jouent deux « Fennecs » (Ramy Bensebaini et Riad Boudebouz) - qui, par bien des aspects, présente des similitudes avec la Kabylie (une forte communauté native de la vallée de la Soummam est implantée dans cette région française depuis la fin de la première guerre mondiale) dont elle partage le caractère rebelle. Cette région s’était opposée, pendant les « guerres de religion » des 16ème et 17ème siècles, les armes à la main aux colonnes armées du pouvoir royal central, religieux et jacobin de Louis XIII et Louis XIV.  A l’époque de la « nuit de la Saint Barthélémy» où des centaines de protestants furent massacrés dans les rue de Paris.
Comme les pasteurs (imams) de la religion protestante, en plus d’être bénévole, le Bernard Brun d’aujourd’hui - viré de la présidence de « son » club par les autres dirigeants pour des divergences de vision (certains sont devenus proches des pouvoirs politiques locaux lorsqu’ils ne siègent pas au conseil municipal) - devenu « coach indépendant », porte la  bonne parole athlétique dans trois localités de la région. Gracieusement, SVP !
Bernard Brun est, comme beaucoup d’entraîneurs algériens, totalement dévoué à sa passion. Il parcourt les routes de sa région : une séance hebdomadaire d’entraînement dans la petite localité où il réside, trois séances hebdomadaires au stade de la sous-préfecture (à 30 minutes de route) et une autre séance dans la localité célèbre pour abriter la source d’eau minérale Perrier (à 1 heure environ de son domicile).

Bernard Brun coache aujourd’hui des athlètes de tous âges (des jeunes jusqu’aux vétérans) et de tous niveaux (départemental, régional et national). Il a été connu pour avoir entraîné Thierry Pantel qui, dans les années 90, fut le leader français des 5 000 mètres et 10 000 mètres et du cross-country. Il appartint à l’élite mondiale et figure toujours à la seconde place des bilans français du 10 000 mètres (27.31.16 en 1990). 

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