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e mouvement sportif algérien est dès sa conception un mouvement social
révolutionnaire. Sa naissance, dans les limites des frontières d’un territoire
colonisé, intervient à la fin du 19ème siècle. Durant la dernière
décennie d’un intervalle temporel de plus d’un demi-siècle qui voit se succéder, quasiment sans interruption, les
luttes et les soulèvements populaires contre les armées ayant débarqué à Sidi
Ferruch (1830). Une période où se multiplient les expropriations des meilleures
terres agricoles, les crimes coloniaux et les escarmouches menées par la
population indigène en fonction de considérations (labours, semailles,
moissons, récolte des olives, etc.) sur lesquelles les chefs de guerre
n’avaient aucune maîtrise.
Cette décennie est aussi celle de l’ascendant de l’Administration sur le pays
avec la mise en œuvre de l’Etat-Civil, enregistrant les mouvements familiaux
(naissances, décès, mariages). Un mode d’organisation qui supplante (ici comme
là-bas) une organisation sociale s’appuyant sur les structures organiques de
deux religions apparentées mais en confrontation ininterrompue depuis un
millénaire et demi : Chrétienté et Islam.
C’est en 1898 que serait né l’ancêtre du CS Constantine, le premier
club algérien. Cette création intervient alors que s’achève un processus de
colonisation militaire et que débute une valorisation intensive de territoires.
La Mitidja, dont on dit (dans l’histoire de la colonisation) qu’elle
était en 1830 un vaste marais, aurait été, selon les narrations des visiteurs
et des autorités consulaires du Nord de l’Europe, au cours du 18ème
siècle, un vaste chantier de mise en valeur des terres engagé sous la direction
des aghas et autres raïs.
Dans la poursuite de cette œuvre gigantesque (ayant débuté au 16ème
siècle avec l’arrivée massive des Maures dans la région de Blida), il fut fait
appel aux forçats (délinquants de droit commun de longue durée) et aux
opposants politiques aux régimes despotiques français de la Restauration, du
Second Empire et de la révolution de 1870 (Commune de Paris).
La population algérienne présente, du point de vue sociologique, deux
spécificités que l’on retrouve dans toutes les sociétés humaines. La première
fraction est cosmopolite. Elle l’est bien avant l’arrivée des armées
françaises. Elle occupe la bordure côtière depuis que les navires voguent sur
les eaux de la mer Méditerranée, depuis que les commerçants Phéniciens et Grecs,
Carthaginois et Romains longent les rives de la mer intérieure et ouvrent des
comptoirs dans les escales, les ports qui deviendront (d’Est en Ouest) El Kala,
Annaba, Skikda, Collo, Jijel Bejaïa, Dellys, Alger, Cherchell, Ténès, Oran,
etc.
Plus à l’intérieur des terres, Constantine, capitale de l’empire numide de Massinissa, rivale ou
alliée de Rome et de Carthage selon les circonstances et les alliances
contractées par les mariages, puis plus tard les capitales des royaumes
berbères (Tlemcen, Tihert, etc.) accueillent tout au long des siècles les
colonnes des prosélytes musulmans, la croyance en un Dieu unique qui en est parti,
avec les armées libyques de Sheneq 1er , pour élever en terre
égyptienne le culte pharaonique d’Aton, précurseur selon Freud du culte
hébraïque.
Ce sont ces mêmes cités et les anciennes villes de garnison (Souk-Ahras,
Tébessa, Guelma, Sétif, Bouira, Sour El Ghozlane, entre autres) qui abriterons
(à l’époque où les marins de la péninsule ibérique se lancent à la conquête du
Nouveau Monde) les colonnes de réfugiés (musulmans et juifs) d’Andalousie
apportant dans leurs bagages les richesses, le Savoir de l’Age d’Or musulman
tandis que de la partie orientale de la Mare Nostrum débarquent les soldats recrutés,
enfants achetés ou prisonniers des guerres balkaniques et anatoliennes,
embrigadés pour devenir des militaires d’élite (janissaires et corsaires), soldats
« retournés » des nouvelles croisades entre les
chrétiens et l’Empire ottoman, venus secourir ce qui sera la Régence d’Alger
des frères Barberousse et leurs successeurs.
A cette population essentiellement citadine (ou en voie de
citadinisation) s’oppose la population rurale, celle qui fut aux premiers rangs
de toutes les batailles contre les envahisseurs, refluant dans les contreforts
montagneux (Djurdjura, Bibans, Babors, Aurès, Ouarsenis) lorsque le sort des
combats est contraire, se repliant en permanence derrière son identité vécue comme
un rempart constant contre les invasions
déferlant sur le grenier de l’Europe. Une population autochtone (numide,
berbère, amazighe) dont l’irrédentisme, l’esprit rebelle à toute forme
d’autorité étrangère fut souligné, par l’historien Charles-André Julien, comme
une caractéristique traversant les âges depuis la préhistoire.
C’est sur ce terreau à la fois hospitalier et réfractaire que s’est
construit le mouvement sportif algérien.
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