samedi 16 avril 2016

Statut des SSPA (3), Un terreau hospitalier et réfractaire

L
e mouvement sportif algérien est dès sa conception un mouvement social révolutionnaire. Sa naissance, dans les limites des frontières d’un territoire colonisé, intervient à la fin du 19ème siècle. Durant la dernière décennie d’un intervalle temporel de plus d’un demi-siècle qui voit se  succéder, quasiment sans interruption, les luttes et les soulèvements populaires contre les armées ayant débarqué à Sidi Ferruch (1830). Une période où se multiplient les expropriations des meilleures terres agricoles, les crimes coloniaux et les escarmouches menées par la population indigène en fonction de considérations (labours, semailles, moissons, récolte des olives, etc.) sur lesquelles les chefs de guerre n’avaient aucune maîtrise.
Cette décennie est aussi celle de  l’ascendant de l’Administration sur le pays avec la mise en œuvre de l’Etat-Civil, enregistrant les mouvements familiaux (naissances, décès, mariages). Un mode d’organisation qui supplante (ici comme là-bas) une organisation sociale s’appuyant sur les structures organiques de deux religions apparentées mais en confrontation ininterrompue depuis un millénaire et demi : Chrétienté et Islam.
C’est en 1898 que serait né l’ancêtre du CS Constantine, le premier club algérien. Cette création intervient alors que s’achève un processus de colonisation militaire et que débute une valorisation intensive de territoires.
La Mitidja, dont on dit (dans l’histoire de la colonisation) qu’elle était en 1830 un vaste marais, aurait été, selon les narrations des visiteurs et des autorités consulaires du Nord de l’Europe, au cours du 18ème siècle, un vaste chantier de mise en valeur des terres engagé sous la direction des aghas et autres raïs.
Dans la poursuite de cette œuvre gigantesque (ayant débuté au 16ème siècle avec l’arrivée massive des Maures dans la région de Blida), il fut fait appel aux forçats (délinquants de droit commun de longue durée) et aux opposants politiques aux régimes despotiques français de la Restauration, du Second Empire et de la révolution de 1870 (Commune de Paris).
La population algérienne présente, du point de vue sociologique, deux spécificités que l’on retrouve dans toutes les sociétés humaines. La première fraction est cosmopolite. Elle l’est bien avant l’arrivée des armées françaises. Elle occupe la bordure côtière depuis que les navires voguent sur les eaux de la mer Méditerranée, depuis que les commerçants Phéniciens et Grecs, Carthaginois et Romains longent les rives de la mer intérieure et ouvrent des comptoirs dans les escales, les ports qui deviendront (d’Est en Ouest) El Kala, Annaba, Skikda, Collo, Jijel Bejaïa, Dellys, Alger, Cherchell, Ténès, Oran, etc.
Plus à l’intérieur des terres, Constantine, capitale  de l’empire numide de Massinissa, rivale ou alliée de Rome et de Carthage selon les circonstances et les alliances contractées par les mariages, puis plus tard les capitales des royaumes berbères (Tlemcen, Tihert, etc.) accueillent tout au long des siècles les colonnes des prosélytes musulmans, la croyance en un Dieu unique qui en est parti, avec les armées libyques de Sheneq 1er , pour élever en terre égyptienne le culte pharaonique d’Aton, précurseur selon Freud du culte hébraïque.
Ce sont ces mêmes cités et les anciennes villes de garnison (Souk-Ahras, Tébessa, Guelma, Sétif, Bouira, Sour El Ghozlane, entre autres) qui abriterons (à l’époque où les marins de la péninsule ibérique se lancent à la conquête du Nouveau Monde) les colonnes de réfugiés (musulmans et juifs) d’Andalousie apportant dans leurs bagages les richesses, le Savoir de l’Age d’Or musulman tandis que de la partie orientale de la Mare Nostrum débarquent les soldats recrutés, enfants achetés ou prisonniers des guerres balkaniques et anatoliennes, embrigadés pour devenir des militaires d’élite (janissaires et corsaires), soldats « retournés » des nouvelles croisades entre les chrétiens et l’Empire ottoman, venus secourir ce qui sera la Régence d’Alger des frères Barberousse et leurs successeurs.
A cette population essentiellement citadine (ou en voie de citadinisation) s’oppose la population rurale, celle qui fut aux premiers rangs de toutes les batailles contre les envahisseurs, refluant dans les contreforts montagneux (Djurdjura, Bibans, Babors, Aurès, Ouarsenis) lorsque le sort des combats est contraire, se repliant en permanence derrière son identité vécue comme un rempart constant  contre les invasions déferlant sur le grenier de l’Europe. Une population autochtone (numide, berbère, amazighe) dont l’irrédentisme, l’esprit rebelle à toute forme d’autorité étrangère fut souligné, par l’historien Charles-André Julien, comme une caractéristique traversant les âges depuis la préhistoire.
C’est sur ce terreau à la fois hospitalier et réfractaire que s’est construit le mouvement sportif algérien.

  

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