vendredi 4 décembre 2015

Gouvernance des clubs pro, Un pacte sportif brinqueballant


L
a fonction de président de club, a fortiori professionnel, n’a jamais été (et ne sera jamais) une sinécure. Surtout dans l’environnement dans lequel évolue ces clubs de football en crise financière permanente, à la recherche éperdue de ressources de plus en plus inaccessibles dans une économie en perte de vitesse ne pouvant plus compter sur la rente pétrolière, confrontés à une inflation non contenue des charges où celles de l’HTR (hébergement, transport et restauration) rivalisent avec la surenchère salariale et autres avantages financiers.
Ces courageux (?) dirigeants –au sujet desquels on se demande a posteriori s’ils ont conscience des risques encourus, transcendés par la passion éperdue et sans limites  qu’ils portent aux couleurs vénérées, sont pris (chaque jour qui passe le confirme avec plus d’acuité) en otage entre les pourvoyeurs de fonds que l’on affuble de temps à autre d’expression sémantiquement similaires (détenteurs principaux ou majoritaires des actions du club, bailleurs de fonds, commanditaires, sponsors, mécènes, etc.), les actionnaires (propriétaires souvent mineurs des sociétés sportives par actions mais activistes notoires propulsés sur le devant de la scène au moment de la transition et prétendument porteurs d’une légitimité historique acquise sur les gradins et une assise financière prétendument saine), les coachs fragilisés par un statut et une réglementation qui en ont fait des « intermittents du foot », recrutés au gré des réactions maniaques et épidermiques des uns et des autres, les joueurs avides (issus des périphéries sociologiques, urbaines et rurales, très souvent précocement exclus des systèmes scolaire et professionnel) transformés, par la force des choses et la mécanique du système en mercenaires en quête d’un dinar de plus, formatés à la mobilité par l’illusion généralisée de compétence et la recherche à tout prix de la victoire qui en font des marionnettes entonnant des chansons mille fois répétées au gré des illusionnistes.
Ces mêmes présidents de clubs sont, par leurs propres fautes et leurs actes initiateurs, enserrés dans les rets du populisme outrancier qu’ils ont créé en promettant victoires et titres à des supporters issus des mêmes milieux périphériques qui, s’ils ne sont pas partie intégrante du lumpenprolétariat, semence et ferment de la révolution populiste, en sont, sur les plans de l’idéologie, de la culture et de l’éducation, très proches.
Ce sont ces forces agissantes (activistes quelquefois) qui font et défont les présidents. Partout, à Alger, Tizi Ouzou, Constantine, Oran et dans toutes les villes qui hébergent un club professionnel (ou qui prétend l’être) sont en action y compris en envahissant la rue dans une démonstration se voulant spectaculaire de la démocratie populaire que vante à n’en plus finir les marionnettistes patentés accédant au pouvoir sportif par ce piédestal notoirement incontrôlable, superficiel dans ses intentions, profondément rétif à l’ordre établi tout en étant constant dans l’obligation de faire respecter des promesses qui, à un moment donné, ont résonné comme des promesses électoralistes dont ils savent pertinemment qu’elles ne seront pas tenues. Le pacte sportif dans toute sa clarté et nudité.
Comme dans les autres sphères de la société auxquelles cette mécanique a été empruntée, le moteur de la dynamique de la gestion sportive est la harangue à travers une presse (qui se délecte des voltes faces et s’acoquinent avec tous les prétendants) et  la mise en œuvre de réseaux de communication informelle.
Comme dans les mouvements ouvriers et les révoltes sociales, c’est la conjonction des « forces d’opposition »  qui fait et défait les présidents et leurs staffs directionnels,  assemblages de conceptions et d’appétits en permanence désunis et en recherche permanente d’équilibres fragiles et de consensus introuvables pour se pérenniser ad aeternam.

C’est sous cet éclairage que l’on se doit de comprendre les manifestations discursives répercutées sans retenues des présidents de clubs en détresse. Acculés dans leurs derniers retranchements par l’inassouvissement d’espoirs trop fortement ancrés dans les esprits à la suite d’une propagande démesurée et incompatible avec les moyens disponibles, il ne leur reste plus qu’à provoquer la désunion. Si ce n’est l’implosion quand décision est prise (de leur propre initiative ou contraint et forcé) de quitter les rênes du pouvoir sportif. C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire les déclarations intempestives (inutilement agressives) du président du CA du CSC démis de ses fonctions de PDG par l’actionnaire majoritaire ou celles du président du CA du MCO poussé dans une impasse par son entraîneur et les supporters.  Une véritable politique de la terre brûlée.      

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