mardi 29 décembre 2015

Rabah Madjer, Le symbole d’une époque révolue ?

R
abah Madjer, l‘homme, le joueur est connu depuis des lustres. Son nom a franchi les frontières pour avoir réalisé quelques unes des actions footballistiques qui marquent les esprits de ceux qui ont pu y assister en « live », assis dans les tribunes des stades ou confortablement installé devant un écran de télévision. Il fit partie du commando de joueurs locaux qui n’était alors qu’un groupe de joueurs essentiellement formés de joueurs  préparés à la performance sportive sur les terrains vagues et les terrains d’Algérie renforcés par une petite poignée de leurs pairs repérées par les structures de l’omniprésente organisation de masse ralliant la majorité des nationaux résidents à l’étranger, l’Amicale des Algériens en Europe. En ce temps-là, différencier les joueurs par leur provenance n’était pas significatif et n’avait pas l’importance idéologique qu’on lui accorde aujourd’hui dans la presse sportive. Il est vrai, qu’alors, à une époque où le socialisme spécifique était dominant et les journaux relevaient d’entreprises publiques que l’on appellera la presse gouvernementale, une décennie plus tard, avec le changement de perspectives politico-économiques et la venue de l’"aventure intellectuelle", était numériquement réduite à sa plus simple expression.
Après l’exploit collectif de Gijón consistant, à l’occasion du premier match de l’E.N en phase finale de la Coupe du monde de football, à vaincre l’"ogre allemand", Rabah Madjer, joueur formé en Algérie, membre de toutes les équipes nationales depuis les catégories jeunes, frappa, quelques années plus tard, l’imagination mondiale avec un geste technique qui porte son nom. Toujours face à une équipe allemande, en finale de la Ligue des champions. 
Sélectionneur national évincé de son poste, consultant de haut niveau possédant un excellent sens de la communication orale, Rabah Madjer fait partie de ceux que nous avons dénommé, ici même, les "intermittents du football", ces anciens joueurs, ces entraîneurs, méprisés par les responsables de clubs, qui ne peuvent jamais menés un projet sportif à son terme car en butte à leur instabilité émotionnelle  chronique et à celle des supporters. Repris au plus haut niveau de la maison fafienne, l’expression - renvoyant initialement aux "intermittents du spectacle", ces corps de métiers (réalisateurs, assistants, éclairagistes, preneurs de son, costumiers, maquilleuses, etc.) sans lesquels un spectacle (films, séries télévisés, pièces de théâtre, galas, etc.) ne peut être et encore moins réussi, bien que leur statut soit semblable dans la précarité  à celui des entraîneurs, des médecins, des kinés et des gardes matériels – par une dérive sémantique inappropriée et indécente frise la moquerie déplacée et l’indigence intellectuelle surfant une victoire inespérée. Mais, il n’en demeure pas moins qu’un "intermittent", comme peut l’être Madjer, est le révélateur d’une réalité assombrie par l’argent et la récupération facile de l’effort financier et intellectuel de ces autres qui aujourd’hui (quand les revenus de la rente pétrolière diminuent) comme hier ont beau jeu de déclarer « nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des idées ».
Madjer, pur produit de la formation algérienne de joueurs, auréolée d’une gloire qu’on ne peut lui confisquer même si on l’écarte de la postulation à la présidence de la FAF, est un ardent défenseur de ces joueurs locaux qui ont quasiment disparu de l’équipe nationale, réduits seulement à des strapontins (équipe olympique, sélection nationale militaire) que la réglementation internationale où les nécessités géographiques leur concèdent. Et ce sont justement ces deux sélections qui prouvent que le talent existe mais n’est pas employé à bon escient. La philosophie du gain rapide, du consumérisme à l’algérienne fondé sur l’importation, du prêt à jouer, est passée par là.
Comme Rachid Mekhloufi, un autre grand nom du football algérien, grand footballeur parmi les grands de son époque, dans un monde où l’indigène n’avait pas sa place, qui fut son maître en football, Rabah Madjer à la crinière grisée, dans une approche qui se voudrait (selon certains) conservatrice et rétrograde, sans écarter les Franco-Algériens méritants, axe sa pensée et son raisonnement sur "les locaux", ce que d’aucuns nommeraient le développement du produit national.

Invité sur le plateau d’une télévision nationale privée satellitaire, il eut une remarque édifiante en observant, à propos de la diffusion d’un reportage documentaire consacré (par une télévision belge) à un jeune joueur, évoluant dans le championnat de ce royaume, pressenti pour renforcer les rangs des "Verts", qu’il aurait été préférable de médiatiser les jeunes oubliés de tous. L’animateur ne sut bien évidemment quoi répondre.

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