mercredi 27 septembre 2017

Samira Messad (62), Judiciarisation du dopage

Nous retiendrons du premier article paru que la fédération algérienne de cyclisme (FAC)  a été approchée et qu’elle s’est, en toute logique, « abstenue de commenter cette affaire qui a eu l'effet d'une bombe ». 

Cinq jours plus tard, le 14 septembre, dans un autre titre de presse, le président de la fédération rompra le silence et confirmera en laissant échapper des bribes d’informations relatives  aux rapatriements des  coureurs et leurs passages devant la CNAD. Par cela, il atteste de l’existence des informations essentielles qui sont la présence de produits dopants dans les analyses de 5 coureurs cyclistes dont le statut de sportifs internationaux est réaffirmé.

L’intervention des services de police surprend. Elle est cependant implicitement expliquée par deux faits qui  sont que « le fléau du dopage en Algérie qui n'est pas criminalisé est une réalité », d’une part et que ce « énième scandale de dopage en Algérie n'est guère une surprise », d’autre part.

L’article nous incite à penser en filigrane que la médiatisation de ce « scandale de dopage» était en quelque sorte attendue par les sportifs. Pour le journaliste (et les autres acteurs du mouvement sportif), en position de spectateur permanent du bruissement des rumeurs, cette médiatisation (à laquelle il participe peu ou prou) ne pouvait intervenir que par le biais de l’implication des services de sécurité et de la justice.
Il est sous-entendu que le dopage bénéficie d’une protection, d’une organisation que seuls les services de sécurité et la justice pouvaient combattre. L’ensemble des intervenants semblent être des otages consentants de cette pratique.  
Nous remarquons aussi que la certitude de l’existence du dopage en Algérie et de son organisation en réseaux maffieux est posée en un postulat qui serait connu de tous. Nous devons donc comprendre que les acteurs (sportifs, entraîneurs, dirigeants) seraient victimes d’une forme particulière du syndrome de Stockholm.
Ils seraient partagés, dans une ambivalence admirablement incompréhensible, entre l’admiration hypocrite et la valorisation des résultats obtenus par le dopage (les athlètes dopés et les entraîneurs inspirateurs sont souvent cités par les rumeurs) ainsi que la stigmatisation de celui-ci lorsqu’il importe de nuire à ces athlètes et entraîneurs que pourtant, dans un passé si proche qu’il se compte en jours et même en heures, on portait aux nues. L’athlétisme est un monde où règne Janus, le dieu à deux visages.
Ce postulat est traduit dans le discours du journaliste matérialisant l’inconscient collectif de la communauté sportive, à travers « fléau du dopage », « réalité », « énième scandale », « n’est guère une surprise ».
Un extrait de cet article mérite une remarque. En affirmant que « Le fléau du dopage en Algérie qui n'est pas criminalisé est une réalité », notre confrère introduit une thématique à la fois riche de sens et  créatrice d’une forme de confusion révélatrice du refus d’une opposition frontale au phénomène par ceux censés être les premiers défenseurs.
La notion de « criminalisation » est difficilement compréhensible. Du point de vue sémantique, cela correspond à l’action de rendre criminel la pratique récusée. C’est pour cela que nous invoquerons et préférerons celle de « judiciarisation », une terminologie sémantique plus vaste, renvoyant à « passible des tribunaux » qui elle-même signifie  mise en œuvre d’une procédure judiciaire débutant par l’ouverture d’une enquête par les services de sécurité, d’une instruction conduite par un procureur et un juge d’instruction et pouvant s’achever par un procès. Ce qui correspond à la mise hors-jeu des sportifs au sens large du terme. Les sportifs ne veulent pas s’impliquer si ce n’est en discours vaseux.  
La notion de « judiciarisation » permet de faire l’économie des subtilités du langage juridique et des concepts liés à l’organisation des tribunaux (la distinction entre « correctionnel », « criminel » entre autre) qui ne sont pas, nous devons le reconnaitre, de celles qu’il est aisé de maîtriser et de restituer correctement. 

Ces subtilités juridiques et les concepts véhiculés donnent la place à un débat byzantin dans une démarche d’implication du système judiciaire qui n’a cependant jamais été considérée comme une solution dans l’univers sportif dominé par l’idéologie (mode de pensée structurant l’action) d’une corporation dont l’ossature est constituée essentiellement par les entraîneurs. 

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