Depuis la nuit des temps, la précarité est la constante de la société
algérienne. Les relations tendues entres les différentes strates sociales ont
aussi été permanentes, traversant les siècles quels que soit les pouvoirs en
place, quelles que soient les couches dominantes, nationales ou étrangères.
Dans les faits, et tout au long de l’Histoire plurimillénaire, les
Algériens ont été conditionnés à croire qu’ils ne peuvent s’en sortir que grâce
à un seul et unique moyen, l’accumulation des pièces d’or ou d’argent ou des liasses de billets, des appartements,
des lots de terrains, ou des titres. A juste raison d’ailleurs puisqu’il s’agit
du mécanisme primaire d’enrichissement et du premier moyen d’intrusion dans la
couche sociale immédiatement supérieure.
Vers le milieu du 20ème
siècle, un psychosociologue s’est intéressé à la question de la
motivation des êtres humains et avait dressé une carte des besoins se trouvant
à l’origine des mécanismes de dépassement de soi. Cette carte ou hiérarchie de
besoins comporte trois niveaux dénommés
et définis simplement en tant que besoins primaires, besoins secondaires
et besoins tertiaires. Les besoins primaires ou aussi besoins de sécurité sont
ceux qui permettent aux êtres humains de survivre dans la jungle qui les
entoure et qui ne peuvent être satisfaits que par la possession, que par la
détention de plus en plus importante d’argent permettant de se nourrir, de
vêtir, de se loger, d’acquérir, lorsque cela n’est pas possible, les
automobiles les plus rutilantes.
Il est compréhensible que l’élévation dans la hiérarchie sociale,
l’emprunt de l’ascenseur social ne puisse effacer les affres de la précarité
connue ou expérimentée antérieurement, pendant la période de la prime enfance
ou de l’adolescence. C’est ce sentiment diffus qui explique les comportements,
les habitudes des dirigeants de clubs mais aussi de la majorité des joueurs
professionnels recrutés justement dans la catégorie sociale la plus dépourvue
de tout. Le football professionnel algérien, plus que dans d’autres pays en
particulier occidentaux, fonctionne sur la base d’un moteur fonctionnant avec
l’argent comme seul et unique moyen de promotion dont la manifestation
essentielle est l’augmentation permanente de la rémunération et des avantages
octroyés ainsi que l’inflation des montants des bonus universellement admis
tels que les primes de victoires différenciées entre prime ₺à domicile₺ et à ₺l’extérieur₺, primes de matchs nuls, primes de
titres (championnat ou coupe) jusqu’à la toute récente innovation de ₺prime de maintien₺.
Le monde du football
algérien a aussi organisé la précarité des joueurs par l’octroi de primes
conséquentes de signatures ou d’avances sur salaires au moment de la signature
du contrat qui les ont remplacées, suivi de longues périodes sans rémunération.
Les salaires en retard, devenant à l’heure du paiement décalé de
plusieurs mois « régularisations de salaires », sont aussi une source
de motivation (ou plutôt de chantage) puisque versée à condition de…..remporter
une victoire, surtout en période de crises de résultats, de famine. L’épargne
est organisée dans les poches des dirigeants et les caisses des clubs. Le fait
est si bien intégré par la société (dirigeants, joueurs, supporters et même la
presse) que cela ne surprend plus et appartient au domaine de ce ₺normal₺ figurant dans les discours des Algériens y compris dans les
situations incongrues.
Dans les déclarations des
joueurs, en période de ₺mercato₺, une expression revient sans cesse « être
considéré à ma juste valeur » renvoyant sans aucune équivoque au montant
du salaire. Une façon très élégante de dire « je vais chez ceux qui payent
le mieux ».
Dani Alves, le défenseur
brésilien du Barça, lassé d’entendre et de lire qu’il était motivé par
l’argent, ce qu’il appelle « beaucoup de bêtises », déclare avoir
« atteint ses limites » et vouloir seulement se défendre. Il dit à ce
sujet « j’entends que je penses à l’argent. Ce n’est pas vrai. Je vais
respecter mon contrat, et ensuite je suis dans l’inconnu». Il poursuit comme
ses confrères algériens « Je ne pense pas que le club me considère à ma
juste valeur » avant d’expliquer « aujourd’hui je suis impliqué à
200% avec l’équipe, mais à seulement à 10% avec le club » signifiant par
là qu’il fait partie intégrante des joueurs mais que sa relation avec les
dirigeants, avec le club est réduite à sa plus simple expression. Alves
aimerait « rester au Barça mais pas à n’importe quel prix ». Le prix
dont il question ici n’est pas monétaire mais se mesure en respect
accordé : « s’ils ne me respectent pas, le chercherai un club où on
me respecte ».
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