Dans le mouvement sportif national, le football est, depuis une époque
si lointaine, considéré comme le sport-roi. Il est vrai que ce qualificatif lui
a été donné à un moment de l’histoire où la pratique sportive n’était
qu’accessoire et qu’il fallait aux commentateurs, analystes et autres
chroniqueurs faire croire que le sport avait indubitablement sa place dans la
société algérienne. Une société qui, en ces temps immémoriaux, avait pour seule
et unique ambition que de vivre et quelquefois de survivre. Un temps, que les
plus jeunes n’ont pas vécu, et qui faisait que le port du short, de la
cuissette était une incongruité, un signe montrant que son propriétaire n’était
pas encore sorti de l’adolescence.
Le sport n’avait pas sa place dans une société qui émergeait à peine
des affres de la misère coloniale. Du moins, n’avait pas l’importance, la place
incontournable qu’on lui accorde aujourd’hui qui en fait un fait social doté de
nombreux attributs dont celui de disposer d’une industrie d’accompagnement et
d’un outil médiatique en constant développement.
Le sport algérien se résumant donc en une seule discipline sportive,
le football (les autres telles que l’athlétisme, la boxe, le cyclisme, les
sports collectifs restant confidentielles) et, auxiliairement, les sports de
combat qui ont pris un essor qu’il faudrait sans doute expliquer par autre
chose que la profusion des salles destinées à la pratique mercantile des arts
martiaux ou la recherche de la voie spirituelle trouvée en d’autres espaces
conditionneurs de mode de vie.
Pourtant, le pivot de la pratique sportive algérienne est l’argent. On
le constate de plus en plus avec l’inflation des budgets des associations
sportives concomitamment, il est vrai, avec l’inflation et les phénomènes
monétaires qui marquent l’économie nationale. Le football, sous l’impulsion des
instances internationales (FIFA et CAF) frappées par des scandales à répétition,
s’est conceptuellement placé dans le cadre de l’économie de marché inadaptée
aux instruments juridiques et surtout mentaux nationaux. La libre entreprise
est revendiquée certes mais attifée des mécanismes de l’économie des
caravansérails, des bazars-lieux de rencontres des caravanes commerçantes,
théâtres de contes des milles et une nuit (₺Ali Baba et les quarante voleurs₺ ou ₺Aladin
et la lampe magique₺) sans
compter les histoires de pirates (Barbe noire) corsaires (Barberousse)
inscrites dans la grande et petite histoire de la course illustrant pillages,
mises à sac et butins de navires, cités et contrées entières.
Le monde du football est représentatif de la société dans laquelle il
évolue. Dans les tribunes et les gradins, toutes les couches de la société sont
assises presque côte à côte. Ici aussi, les signes distinctifs sont apparents.
Les emplacements séparent les nantis des autres. L’aristocratie (élite sociale
aux multiples visages), ghettoïsée dans les tribunes officielles ou d’honneur, est
mise à l’écart de la populace soumise aux intempéries.
Devant les guichets, la débrouille est reine. Les passes droits
également. Tout comme l’est le marché informel des tickets offrant aux entrées
des stades un spectacle identique à celui des marchés populaires fait de
désordres, de bousculades et du respect intransigeant (mais quelquefois négociable
en fonction de l’humeur, des tendances et des partenaires) de la règle de
l’offre et de la demande parfaitement intériorisée.
La violence fait aussi partie du décor. Avant, pendant et après les
rencontres. Elle est l’exutoire des sentiments et ressentiments. Un véritable épanchement de tous les
refoulements retenus, contenus, impossible à exprimer dans une société où les
tabous, les restrictions se multiplient à l’infini.
Les résultats négatifs, les échecs répétés, les espoirs inassouvis
dans tous les domaines de la vie sociale s’expriment dans le sport qui occupe
une place aussi importante que la question du logement, des coupures d’eau ou
d’énergie. L’insatisfaction conduit à des débordements, à des atteintes à
l’ordre public, à des sit-in devant les stades d’entrainement ou les sièges des
clubs, lorsque ce ne sont pas des marches populaires de protestation contre les
agissements des dirigeants. Les insatisfaits étant toujours les mêmes, ceux qui
attendent beaucoup, quelquefois trop.
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