dimanche 31 juillet 2016

« Mo » Farah (7), Les Kenyans perplexes

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n 2015, les journalistes britanniques (engagés dans la défense de leur star tout en pourfendant Salazar et Rupp)  ne se gênent pas pour établir des comparaisons entre le « Fly Mo » national et la « Foudre jamaïcaine ». Bien que certains d’entre eux aient été les premiers à rappeler les deux « no shows » enregistrés par Farah qui l’incriminent un peu plus que le champion venu de la mer des Caraïbes, de l’île aux pirates et fief des corsaires de Sa Majesté qui est passé, jusqu’à présent, sans encombre à travers les mailles de la procédure anti-dopage.

Sorti indemne de toutes les spéculations que sa réussite provoque, Usain Bolt a le mérite de savoir maîtriser sa communication et de se tirer des guêpiers. En particulier, celui qui est placé dans une question qui fait que l’on se demande avec force circonspections  à propos d’un champion « comment quelqu’un peut-il être aussi bon ?», Bolt prend avec doigté la défense du Britannique. Sans s’engager outre mesure, il déclare : « Je pense qu’il travaille très dur. Les erreurs de quelqu’un [Salazar] lui causent des problèmes, j’espère qu’il ne stresse pas trop. Cela fait partie du sport, les gens aiment parfois pointer du doigt». La valeur « travail » est à nouveau mise en avant.

Le coureur de demi-fond britannique, tout comme le sprinteur jamaïcain, domine impérialement ses adversaires. Avant la finale du 5 000 mètres, un des Kényans, en lice pour le titre olympique, croyait en leurs chances tout en reconnaissant que vaincre Mo Farah était une mission très compliquée. La perception de ces coureurs infatigables, dominant outrageusement leurs rivaux, eux aussi suspectés de se doper, écartent cet aspect qui mobilise l’Occident et la grande masse des passionnés de course à pied. Sans doute l’habitude de l’adversité à l’échelon national.  

Pour lui, « rien n’est impossible, on peut le défier ». Tout en reconnaissant la valeur de leur adversaire (« le gars est fort »), Caleb Ndiku, candidat à une médaille, constatait - avant que le départ ne soit donné - que pour le vaincre «  il faudra à la fois être costaud au niveau des jambes et de la tête. Il n’est pas facile à battre. Il court en 2 h 08 sur marathon, j’en serais bien incapable. Et c’est un gars qui court le 1 500 mètres en 3 min 28 s. Il est très fort en endurance et, en même temps, a beaucoup de vitesse».  En quelques phrases, il a rendu compte de la complexité de la tâche.

Ce fut le cas ! Il fut l’ultime adversaire de Mo Farah qui le dépassa au sprint dans la dernière ligne droite. Pourtant, Caleb Mwangangi Ndiku, n’est pas le premier venu. Ses records personnels sont impressionnants (3.29.50 au 1 500 en 2013 et 12.59.17 au 5 000 en 2014) mais le sont un peu moins que ceux de Farah dont le registre est plus large.

C’est là que redeviennent intéressantes les photos de Sulultha (que l’on ne doit pas totalement écarter même si aujourd’hui elles prêtent à équivoque puisque ayant été supprimées de Facebook). Ces photos (datant du début de l’année 2015) dont on dit qu’elles  montrent Mo Farah courant aux côtés de Hamza Driouch sur la piste, pendant ce qui semble être une séance d’entraînement. On les a vus également en train de manger à la même table. Sur d’autres photos, Jama Aden aurait été vu en train de superviser une séance d’entraînement.

Plus que les photos se sont les explications qui sont données sur ce stage avec le groupe Aden Jama qui accentuent la confusion et le malaise. Pour la fédération britannique d’athlétisme, le stage auquel avait participé Mo Farah avait été organisé par Jama Aden qui avait choisi des partenaires d’entraînement du coureur britannique.

Jama Aden, quant à lui, a confirmé la version de Hamza Driouch en affirmant qu’il ne savait pas que le coureur qatari était suspendu depuis le 31 décembre 2014.

Une autre version, celle de l’agent de Farah (Ricky Simms), au lieu d’apporter des clarifications sur cet imbroglio, complique ce que l’on croit savoir. Selon ses déclarations, ce serait Mo Farah en personne qui avait organisé le stage et choisi les coureurs qui partageaient ses entraînements. Une version qui a, au moins, le mérite de mettre à l’écart le sulfureux coach Jama Aden.


samedi 30 juillet 2016

« Mo » Farah (6), Une progression phénoménale

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i les photos prises à Sulultha - diffusées sur son compte Facebook par un Hamza Driouch prétendant n’avoir été informé de sa suspension, par la fédération qatarie, qu’après l’achèvement du stage de préparation en haute altitude puis supprimées par le jeune coureur - et les informations publiées au sujet des accusations portées contre Alberto Salazar et Galen Rupp, sont à l’origine du ternissement de l’image qu’il avait auprès du public, Mo Farah doit aussi vaincre l’incompréhension née de sa progression chronométrique phénoménale.

Une progression qui ne trouve pas d’explications raisonnables pour un athlète mature (28 ans), qui n’avait jamais défrayé la chronique sportive (en se hissant, par exemple, sur les podiums mondiaux et olympiques ou en réalisant des performances sortant de la normale) lorsqu’il rejoint le Nike Oregon Project de Salazar.

Ses meilleures performances personnelles connaissent un bond non négligeable. Sur 1 500 m, son meilleur chrono est passé de 3.33.98 en 2009 à 3.28.81 en 2013, un record d’Europe qui tient toujours. Sur 10 000 m, lui qui n’avait jamais fait mieux que 27.28.44 en 2010 a abaissé son record personnel à 26.46.57 en 2011, l’année suivante, celle de son intégration dans le NOP. Les gains sont trop importants pour passer inaperçus. 5 secondes (en quatre ans) sur le 1 500 alors qu’il n’est pas un spécialiste de la distance et qu’il s’est plus tôt orienté vers les longues distances. 42 secondes sur 10 000 en une saison.

Un journaliste français cherche auprès de Philippe Dupont, entraîneur national à la fédération française d’athlétisme, des explications plausibles, celles que peut communiquer un expert présent dans le « Nid d’Oiseau» le stade pékinois où se déroulent les épreuves d’athlétisme. Des explications, recueillies auprès d’un spécialiste,  qui soient à la fois compréhensibles et qui ne soient pas susceptibles d’être parasitées par la traduction-trahison. Philippe Dupont observe donc, qu’il y a quelques années, l’arrivée d’un athlète trop jeune sur le circuit aurait été suspecte (cas Hamza Driouch ?) car on considérait qu’un athlète de demi-fond arrivait à maturité vers 25 ans. Dupont tempère son propos en affirmant qu’ «  il n’y a pas de vérité sur les âges».

Le coach du spécialiste français du 3 000 mètres steeple Mahiedinne Mekhissi et de Toufik Makhloufi, champion olympique 2012 du 1 500 mètres, ne peut toutefois expliquer la très grande polyvalence de Farah, dont on a vu qu’il fut capable de battre le record d’Europe du 1 500 m tout en étant sacré (la même année) champion du monde du 5 000 m et du 10 000 m, avant de courir son premier marathon, début 2014, en 2 h 08 min.  Dupont qui se dit interpellé ne sent cependant pas autorisé à dire que  c’est impossible  parce qu’il « ne sait comment se passe sa préparation hivernale».

Habitués que nous sommes devenus à renifler dans les émanations nauséabondes qui se dégagent du dopage et à plonger dans les associations d’idées que ce phénomène suscite, nous pouvons nous demander si derrière la parole donnée à l’expert reconnu, ne se cacherai pas l’intention de trouver - auprès de Dupont, touché directement par le dopage (en 2001) de son poulain Ali Saïdi-Sief et dont les athlètes actuellement parrainés (Mekhissi et Makhloufi) ont été, à un moment de leurs carrières sportives, suspectés (à tort ou à raison, peu importe) d’y avoir recours – une justification plausible à l’incompréhensible. Une tentative de piéger Philippe Dupont qui s’en tire (il faut le dire) relativement bien

La presse a observé que les marques de soutien sont venues d’Outre-Manche (l’ex-marathonienne Paula Radcliffe) et de la Jamaïque (Usain Bolt), deux athlètes touchés eux aussi  par les soupçons. Avant que ne débute les championnats du monde, dans un remake digne de Christopher Froome, l’Anglo-kenyan irrésistible sur son vélo pendant le  Tour de France cycliste, Mo Farah a publié certaines de ses données sanguines afin de montrer sa probité. Une publication qui n’a pas suffi à vaincre le scepticisme des uns et des autres. Lance Armstrong, le cycliste américain sorti de l’enfer de la maladie, si clean pendant toute la durée de sa carrière avant d’être rattrapé par le dopage, est passé par là.


jeudi 28 juillet 2016

« Mo » Farah (5), Pékin 2015, l’année du doute

L
orsque Mo Farah arrive à Pékin où se disputent les championnats d’athlétisme 2015, il manque de cette sérénité qui lui fut coutumière. Beaucoup de choses ont été dites à propos de dopage. Bien qu’il ne soit pas visé directement par les journalistes, les agences américaines et britanniques de lutte contre le dopage, le coureur de 5 000 et 10 000, favori numéro un de ces deux courses devant ses rivaux d’Afrique de l’Ouest (Kenya, Ethiopie, Erythrée), est compromis par les accusations à peine voilées qui sont portées contre son entraîneur (Alberto Salazar) et son camarade d’entraînement (Galen Rupp).

Le 26 août, après une qualification qui ne fut pour lui qu’une formalité, il apparait (selon les journalistes présents sur place) détendu, souriant et un brin plaisantin. Le journaliste du quotidien « Le Monde » note que « dans les travées du stade olympique de Pékin, Mo Farah, lunettes de soleil remontées sur le front, s’amuse avec les médias anglophones » et qu’il « affiche ostensiblement sa décontraction ».

Les journalistes britanniques sont encore plus surpris que le journaliste français. L’un d’eux, journaliste au « Telegraph », assure qu’il ne l’avait jamais vu « aussi heureux cette année qu’aujourd’hui ». Après avoir exprimé sa surprise et indiqué que Mo Farah « était comme ça les années précédentes, il rigolait tout le temps », il note que la médaille d’or  remportée quatre jours plus tôt sur le 10 000 m « a changé son attitude ».

Le journaliste britannique estima alors qu’au cours des mois ayant précédé la compétition, Mo Farah ne savait pas qu’elle devait être son attitude vis-à-vis des représentants des médias. L’explication est peut être simpliste mais lisons-là : « il ne savait pas trop quoi dire, il ne savait pas comment ça serait interprété. Comme il a réalisé qu’il était à nouveau sur les “unes” pour de bonnes raisons, après l’avoir été pour de mauvaises, il est heureux à nouveau». Les « mauvaises raisons » étaient celles qui étaient liées aux soupçons de dopage.

En finale du 10 000 m, Mo Farah s’est imposé dans le dernier tour sans grande difficulté. Malgré les trois Kenyans engagés dans une course d’équipe, faisant tout pour maintenir un train d’enfer, il a placé une de ses accélérations dont il a le secret, obligeant ses adversaires à céder.

En zone mixte, après un tour d’honneur enroulé dans l’ « Union Jack », devant des tribunes presque désertées, Mo Farah évoque sa sixième médaille d’or consécutive dans une des grandes compétitions (Jeux olympiques et championnats du  monde) en déclarant que « cette victoire veut dire beaucoup pour moi, ces dernières semaines n’ont pas été faciles » avant de poursuivre « J’ai laissé ma course parler pour moi». Le double champion olympique ne se sentait pas plus stressé que d’habitude. Aux journalistes recueillant ses impressions, il déclara, comme pour ôter les doutes pouvant leur venir à l’esprit,  « de toute façon, je n’aurai jamais autant de pression que pour les Jeux de Londres, où toute une nation m’attendait». Comprendre que cela fut plus dur à Londres qu’à Pékin. Malgré les péripéties du semestre qui a précédé la compétition chinoise.

Héros au Royaume-Uni, après son double sacre aux JO de 2012, son image auprès du public avait connu une dégradation certaine depuis six mois. Le journaliste du Telegraph  remarque, alors qu’une seconde médaille d’or est sérieusement engagée, « le grand public ne croit plus en Mo Farah, à cause de ce qui a été écrit dans la presse. Il n’y a pas de preuves contre lui, mais les gens n’y croient plus. C’est triste».

Depuis le début de l’année 2015, Mo Farah est confronté à une succession d’affaires embarrassantes. En février, les journaux britanniques ont révélé qu’il avait effectué un stage d’entraînement à Sulthula (la base d’entrainement d’entraînement d’Aden Jama en Ethiopie) aux côtés d’Hamza Driouch. Nous avons vu que cet  athlète qatari d’origine marocaine a été convaincu de dopage (sur la base d’anomalies sur son PBA) et suspendu au moment du stage. Les explications de la fédération britannique, de l’agent de Mo Farah et de Hamza Driouch, confuses et contradictoires, n’ont pas dissipé ce premier malaise.


En juin 2015, à quelques semaines des championnats du monde de Pékin, la BBC a révélé qu’Alberto Salazar (que Farah a rejoint en 2011) était au cœur d’une enquête de l’agence antidopage américaine. Quelques jours plus tard, le Daily Mail a fait ses gros titres sur le fait que Mo Farah ait raté deux contrôles antidopage (passés inaperçus) en 2010 et 2011.

mercredi 27 juillet 2016

« Mo » Farah (4), Dans la foulée de Salazar et de Rupp

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elater la biographie d’un champion n’est pas chose aisée. Elle l’est encore plus lorsque celui est encore en  activité et que sa carrière sportive est entachée par des à-côtés peu élogieux comme peuvent l’être toutes les circonstances liées à la tricherie pharmaceutique.

Pour les athlètes (pratiquants l’athlétisme s’entend), cette mission s’avère plus ardue compte tenu de la confidentialité de la discipline. En dehors des grands événements qui mobilisent les médias et qui en ces occasions ne font pas œuvre pédagogique puisque tournés vers le sensationnel traduit d’abord en meilleure performance mondiale, en records du monde ou des jeux et enfin en ces informations croustillantes alimentant les commentaires Facebook et autres réseaux sociaux.

Raconter en quelques lignes la carrière d’un champion dans les colonnes de la presse est une suite de facilités scripturales et de raccourcis réduisant à la limite du possible les résumés proposés par des journalistes généralistes zappant allégrement les informations intéressant les passionnés. C’est le travers de nos précédentes chroniques ayant pour objet Mo Farah. L’entraînement suivi, les différentes périodes, l’apport de chacun des entraineurs dont on ne connait pas avec précision le début et la fin de la relation avec le champion, les généralités méthodologiques etc. ne sont pas éclairants alors qu’ils auraient pu dissiper une partie de la brume qui entoure sa progression de ces dix dernières années.

Contrairement à ce que l’on a tendance à croire, la suspicion entoure Mo Farah dès 2010. Une année avant qu’il ne rejoigne (en février 2011) Alberto Salazar accusé, par les médias britanniques (en particulier the Daily Mail) dans le sillage des autorités américaines, d’incitation au dopage, Mo Farah est signalé en « no show » (absent du lieu où il est sensé se trouver, selon les indications qu’il porte lui-même sur le système dit Adams de localisation permanente des athlètes d’un certain niveau).

Quelques semaines plus tard après l’officialisation de leurs relations (au printemps 2011), Mo Farah fait l’objet d’un second « no show », d’une absence à un contrôle inopiné des inspecteurs de l’UKAD (agence britannique antidopage) à  son domicile à Londres. Sa justification est qu’il n’a pas entendu la sonnerie à sa porte.

En ce temps-là, la réglementation prévoyait une suspension maximale de deux ans pour trois « no shows » en 18 mois. Depuis code mondial antidopage de 2015, la dite durée a été ramenée à 12 mois. Pour corser le tout et indiquer l’inquiétude de l’athlète, le Daily Mail fait état d'un échange de correspondances entre l'athlète (s'inquiétant sur les conséquences de ces deux absences et d'une éventuelle suspension) et Alberto Salazar qui lui répond (le 5 mai 2011): « Si tu rates encore un test, ils vont te pendre ». Une réponse qui laisse à penser qu’Alberto Salazar est un entraîneur « clean » qui ne plonge pas dans les affaires de dopage.

Mais, ainsi que nous l’avons écrit à propos d’Aden Jama, la réussite fait naitre la suspicion. Depuis 2004, son protégé l’Américain Galen Rupp survole le demi-fond long avec d’abord ses records juniors des USA -3 000 m (7.49.16), du 5 000 m (13.37.91) et du 10 000 m (28.15.52) - puis sa longue série ininterrompue (depuis 2009) de titres nationaux. Ses records personnels (tout comme ceux de Mo Farah, son partenaire d’entraînement) affolent les commentateurs et inspirent le doute (5 000 m : 12. 58.90, le 2 juin 2012 ; 10 000 m 26. 44.36 le 30 mai 2014 ; 1 500 m : 3. 34.15, le 5 septembre 2014 ; marathon : 2 h 11 min 12 s le 13 février 2016). Le grand écart entre le 1 500 et le 10 000 réalisé en à peine 3 mois sur deux distances ne faisant pas appel aux mêmes qualités attirent l’attention. Il en est de même pour Farah alignant deux records d’Europe aussi bien sur 1 500 m (3.28.81 le 19 juillet 2013 que sur 10 000 (26.46.57 deux années plus tôt le 3 juin 2011) ainsi que des records personnels incroyables (3 000 m           en 7.32.62 le 5 juin 2016; 5 000 12.53.11 le 22 juillet 2011.


Disons également que Mo Farah n'apparaît pas dans l'enquête de l'Usada (agence antidopage américaine), révélée en  début juin 2015 par la BBC, chaîne de télévision britannique de référence qui cible en revanche son partenaire d'entraînement (Galen Rupp) et leur entraîneur (Alberto Salazar).

mardi 26 juillet 2016

« Mo » Farah (3), Les acteurs de la globalisation ?

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éros du Royaume Uni, depuis son double sacre olympique (5 000 et 10 000 mètres) « at home », dans la  capitale de Grande Bretagne et du Commonwealth, Mo Farah était, jusqu’au début de l’année 2011, un bon coureur de niveau mondial de demi-fond long. Rien ne le distinguait de ses pairs de cette Corne d’Afrique dont il est lui aussi natif si ce n’est qu’il porte le maillot du pays qui l’a accueilli dans sa jeunesse.

En rejoignant le Nike Oregon Project, Mo Farah a franchi un nouveau cap. Les performances qu’il réalisa à partir du  mois de février sont expliquées par les techniques d’entraînement moderne (dont on sait très peu de choses) et des moyens  qui lui sont offert par l’équipementier Nike et bien sur la collaboration avec cet Alberto Salazar qui révolutionna le marathon vingt ans plus tôt.

Dans ces explications, nous percevrons une vision réductrice sur l’athlétisme de cette région d’Afrique fournissant - années après années, de cycles olympiques en cycles olympiques - de grands champions se succédant, comme les vagues déferlant les unes à la suite des autres sur une plage.  Depuis Abebe Bikila (en 1960 et 1964) puis Kipchogue Keino, Naftali Temu, Mamo Wolde (en 1968) et ensuite leurs successeurs (aussi bien Kenyans qu’Ethiopiens ou encore Somaliens ou Djiboutiens), des Africains se sont hissés sur les podiums des courses de demi-fond d’abord aux jeux olympiques, lorsque ceux-ci étaient l’unique compétition sportive à l’échelle planétaire, puis plus tard aux championnats du monde d’athlétisme.

Pour expliquer ces résultats, tous les arguments susceptibles de traverser l’esprit ont été présentés. L’altitude, les conditions de vie sociale, l’alimentation, le morphotype, la biologie, la biomécanique, etc.. Toutes les pistes ont été explorées. Y compris les plus « sottes et grenues ».

On oublie que la pratique sportive normalisée, codifiée par des instances sportives (IAAF, CIO) est un produit culturel arrivé, dans la forme qu’on lui connait présentement, dans les bagages des colonialismes européens (français, britannique, allemand, espagnol, portugais, italien, belge) puis des influences idéologiques américaines et soviétiques qui marquèrent fortement les nations africaines à partir des indépendances (1960) à travers les programmes de scolarisation, de soutien aux pays non alignés ou d’aide au développement.

 Peu importe la forme revêtue, il s’agissait de faire pencher le fléau de la balance  vers l’une des deux idéologies dominantes : le libéralisme ou le communisme. Le « non alignement », né à la conférence de Bandoeng, créant une voie nouvelle, tenta autant que possible de tenir à l’écart des deux grands courants idéologiques les Etats-Nations en gestation d’Afrique et d’Asie, les pays qui formèrent le Tiers-Monde avant de devenir les pays en voie de développement.

Au recouvrement de leurs souverainetés nationales, ces nouvelles nations firent appel aux « pays frères » de l’Europe de l’Est ou aux anciennes puissances dominantes occidentales, à la coopération technique. Une observation très superficielle montre que les aires d’influence de la période coloniale ont perduré. Dans cette « Corne de l’Afrique » qui nous intéresse ici les Britanniques et les Italiens sont en territoire culturellement et sociologiquement conquis. Derrière chaque champion (ou groupes de champion) on retrouve un pasteur, un médecin, un enseignant originaire de ces deux pays.


Pour clore cette parenthèse, nous dirons que la réussite des coureurs africains est le résultat de de la communion des talents naturels (y compris les paramètres qui renvoient aux fondamentaux de la pensée colonialiste) et des conditions sociales (l’ascenseur social) d’une part et des techniques et technologies empruntées à l’Eurasie et à l’Amérique du Nord sans occulter les dérives et autres dérapages provoqués par la course aux médailles dont le dopage. Le nombre d’athlètes de cette région du continent noir concernés par ce fléau pousse à se demander quelquefois si ces athlètes ne seraient pas les cobayes de pratiques expérimentales à l’échelle humaine. Des sortes de testeurs de produits pharmaceutiques comme il existe des testeurs de chaussures. Ils sont les acteurs de la globalisation.

lundi 25 juillet 2016

« Mo » Farah (2), La métamorphose du coureur anglo-somalien

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usqu’aux championnats d’Europe 2010 qui, pour Mohamed Farah, se sont achevés par une double victoire sur 5 000 et 10 000 mètres, celui était un athlète de niveau européen.  Nous remarquerons que pendant la première décennie du 21ème siècle (2001 -2010), la carrière de l’athlète britannique a connu deux périodes dont la seconde a vu véritablement son émergence.

Entre 2001 et 2005, le palmarès, sans être exceptionnel, est cependant intéressant : vainqueur de  course individuelle  des Championnat d'Europe de cross-country (2006) ; second du 5000 mètres des championnats d'Europe (Göteborg), à seulement neuf centièmes de secondes du champion; sixième des championnats du monde d'Osaka (2007).

A partir de 2008, le palmarès de « Mo » s’enrichit. Il est second des championnats d’Europe de cross-country (Bruxelles. 2008) ; élimination aux portes de la finale du  5000 mètres des jeux olympiques de Pékin (2008). Il sera aussi médaillé d'or du 3 000 m des Championnats d'Europe en salle de Turin, finaliste (7ème) des Championnats du monde de Berlin, en août 2009, et à nouveau deuxième des championnats d'Europe de cross (Dublin, 2009).

L’explication, on la trouve avec la présence dans son entourage d’Ian Stewart devenu son nouveau mentor qui serait l’origine d’une nouvelle orientation de l’entraînement. Aux jeux olympiques de Pékin, Mo Farah n’a pu se qualifier pour la finale du 5000 mètres. Avec Ian Stewart, le Britannique commence à privilégier la qualité de l'entraînement plutôt que la quantité. La nouvelle démarche combine le kilométrage et « un programme ciblé au millimètre jusqu'aux compétitions ». Elle introduit également l'entraînement en altitude.

Depuis qu’il a rejoint Alberto Salazar, une nouvelle orientation s’est dessinée. Elle apparait dans des déclarations récentes. Mo Farah explique ce changement : « Je pensais que courir, ce n'était que courir. Mais plus vous montez en niveau, plus vous devez porter des poids, faire des exercices, courir à différentes vitesses. Ce que je préfère, c'est travailler sur la vitesse. J'adore pouvoir sprinter ».

On apprend également qu’il court près de 200 kilomètres par semaine, sauf blessure ou préparation d’une course. Un entraînement décrit comme varié tout en étant spécialisé, intégrant aussi la cryothérapie pour raccourcir le temps de récupération. Cette approche lui aurait permis de trouver son équilibre et d’en faire « la personne à battre».

Sa réussite sportive serait, selon ses déclarations, le fruit de l’entraînement.  Selon des estimations qu’il se fait un plaisir de distiller à la presse, généralement anglo-saxonne, il aurait parcouru, depuis le début de sa carrière,  au moins deux fois, la distance séparant Mogadiscio qui la vue naître et Portland (Oregon), sa ville d'adoption. Depuis qu’il s’entraîne dans le NOP  (Nike Oregon Project) mis en place par Salazar, le crédo est devenu : le kilométrage, l’entraînement.

Quelques mois après avoir rejoint le NOP (en juin 2011), la carrière de Farah s’accélère. En juin, il bat le record d’Europe du 10 000 mètres (26.46.57) puis remporte aux championnats du monde de Daegu le titre du  5 000 et s’empare de la médaille d’argent du   10 000 m.

L’année suivante, il conserve d’abord son titre de champion d’Europe (Helsinki) du 5 000 et s’impose au 10 000 m et au 5 000 m des jeux olympiques de Londres  devenant le 7ème athlète dans l'histoire des jeux olympiques à réussir le doublé 5 000 mètres et 10 000 mètres.

En 2013, à Monaco, en se classant deuxième du 1 500 mètres (derrière le Kényan Asbel Kiprop), il améliore de 14 centièmes de seconde (3.28. 81) le record d'Europe de la distance. Avec ce chrono, il devient le septième athlète (Aouita, Komen, Saïdi-Sief, El Gueroudj, Choge et Bernard Lagat) à avoir couru le 1 500 en moins de  3 .30  et le 5 000 en moins de 13.00.


Les années suivantes, il allonge les distances en compétitions en s’illustrant sur semi-marathon et sur marathon avec des performances de premier plan qui n’ont pas d’effet négatif sur 5 000 et 10 000, des distances sur lesquelles il continue de glaner des titres européens et mondiaux.

dimanche 24 juillet 2016

« Mo » Farah, Le Somalien de l’United Kingdom

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ohamed « Mo » ou encore « Fly Mo » Farah appartient à cette catégorie particulière de champions qui ont changé de nationalité. Des athlètes si nombreux à changer de statut qu’ ils sont à l’origine - présentement en Europe, plus particulièrement depuis les derniers championnats d’Europe d’athlétisme disputés à Amsterdam - d’une polémique qui alimentera certainement, pendant quelques temps, les colonnes de la presse sportive bien évidemment et dans quelques semaines (pendant le déroulement des jeux olympiques) celles de la presse généraliste et des télévisions qui émettent sur toutes la planète.  Celles-ci s’en donneront certainement à cœur joie dans l’ambiance délétère - résultant du renfermement  des nations européennes et des opinions publiques réfractaires  à l’arrivée massive sur leurs territoires de populations migrantes (principalement musulmanes) venues de l’hémisphère sud - prévalant actuellement. Il n’est qu’à constater les commentaires sur la composition de France de football (finaliste de l’Euro 2016) et ceux qui ont accompagné les résultats de l’équipe turque d’athlétisme.
Mo Farah est arrivé en Grand Bretagne, il y a un quart de siècle. A l’âge de 8 ans. Il est arrivé de Somalie, ce pays de la Corne de l’Afrique dont est également originaire Aden Jama. Aucune motivation n’est donnée sur cette émigration familiale que l’on évite apparemment d’évoquer tant « Mo » semble totalement intégré dans la société communautariste britannique. N’est-il pas  un citoyen du Royaume Uni qui fait flotter l’emblème britannique, l’Union Jack, sur le mat central des compétitions planétaires d’athlétisme ? Nous supposerons donc que les relations si policées et si pudiques des sujets de sa Majesté régnant sur le Commonwealth, ancienne puissance coloniale dominant les mers et les continents, empêchent de raviver des blessures à peine cicatrisées dans la mémoire de la vague d’expatriés désireux de jouir des besoins primaires chers à Abraham Maslow, ceux qui font passer avant tout la survie alimentaire et sécuritaire des populations de cette région du continent noir en proie à la guerre civile et à la famine. Souvenons-nous, pour ceux qui le peuvent encore, des images atroces d’enfants faméliques qui illustraient à l’époque les informations venues de ce pays !
Comme la grande majorité des athlètes qui marquent l’histoire de l’athlétisme international, « Mo » Farah fait irruption  dans les bilans en juniors. Pour ce qui le concerne, ce fut quand il remporta, à l’âge de 18 ans,  son premier titre majeur aux Championnats d'Europe junior en 2001, à Grosseto (Italie), sur  5000 mètres (14.09.91) avant de devenir un coureur de demi-fond long de valeur européenne et mondiale plus qu’honorable sans être toutefois exceptionnelle. « Mo » sort du lot, neuf ans plus tard, au cours de l’été 2010, lorsqu’il remporte le 5 000 et le 10 000 mètres des championnats d’Europe. Devenant le cinquième européen (et le premier britannique) a réussir le doublé.
Le tournant de sa carrière sportive se dessine alors. Il quitte, en février 2011, son entraîneur historique, Alan Storey, pour rejoindre l'entraîneur américain Alberto Salazar dans l'Oregon et s'entraîner avec le coureur américain Galen Rupp, une grosse pointure du demi-fond long mondial. Cette même année  2011, il reçoit le titre d'athlète européen de l'année 2011.


Son nouvel entraîneur, Alberto Bauday Salazar, né à La Havane à Cuba à l’époque où le castrisme triomphe de l’impérialisme américain,  est précédé par sa réputation d’athlète. Il fut un athlète américain, spécialiste des courses de fond. Marathonien précoce (selon les normes de l’époque, s’entend), il remporte en 1980 (22 ans), pour sa première participation à une course sur route de cette distance, il remporte d’abord le marathon de New York (référence mondiale s’il peut en être) en 2 heures 09 minutes  41 secondes, avant de conserver (l’année suivante) son titre en s'imposant avec le chrono  2 heures 08 minutes 13 secondes, qui aurait constitué un nouveau record du monde de la discipline s’il avait été homologué. Malheureusement pour lui, il fut constaté (après coup) que la distance parcourue était inférieure de 148 mètres aux 42,195 km officiels. Il s'adjugera par la suite un troisième succès consécutif à New York en 2 h 09 min 29 s. En 2013, les doublées (5 000 et 10 000 mètres) aux jeux olympiques de Londres et aux championnats du monde de Pékin lui valent d’être consacré par l'IAAF entraineur de l'année.

samedi 23 juillet 2016

De Hamza à Farah, Derrière les dates

D
ans la confusion qui règne autour de Hamza Driouch, une partie de la chronologie affichée par le jeune athlète est cependant confirmée par Jama Aden. Celui-ci (tel Ponce Pilate ou mieux Judas dans ce fait biblique qui l’a fait entrer dans la petite histoire) fait porter le chapeau à Abdelkader Kada. Il affirme, sans prendre de gants, que le dopage de son ancien athlète serait survenu après qu’ils se soient quittés en 2012. Il communique ainsi une donnée chronologique qui  confirme indirectement qu’il avait eu sous sa coupe Hamza Driouch antérieurement à 2012. Nous remarquerons qu’il y a comme un air de déjà vu dans cette présentation des faits. L’athlète est surpris dopé après la séparation d’avec son entraîneur (Zahra Bouras) ou de son équipementier (n’est-ce pas Ben Johnson ?).

Les journalistes, qui ont eu à discuter avec Hamza Driouch et à porter médiatiquement sa version des faits, observent que « au Mondial de Barcelone en juillet 2012, comme aux JO de Londres en août 2012, Jama Aden apparaissait bien comme l’entraîneur du néo-Qatari ». Ils situent la relation de proximité du duo Aden-Driouch sur la période critique débutant en septembre 2009 pour s’achever à mars 2013. L’interruption de leur relation aurait eu lieu quelques mois après la constatation de l’anomalie biologique.  A partir de ce moment, Driouch s’entraîne avec Kada. Jusqu’en septembre 2014 qui marque la rupture de la relation contractuelle entre le Qatar et Kada, le coach marocain. Selon Driouch, la fédération qatarie l’aurait contraint à retourner s’entraîner à nouveau (pendant quelques mois, jusqu’à février 2015 où sa suspension est révélée), Kada parti, avec un coach avec lequel il ne sentait plus en sécurité.

Pendant cette courte période (près de 6 mois) de la nouvelle collaboration avec Aden Jama, Driouch s’est rendu à Sulultha, sur les Hauts Plateaux éthiopiens, à 2 400 mètres d’altitude, où le coach a installé sa base hivernale d’entrainement. Un camp d’entraînement qui n’est pas inconnu de certains athlètes algériens pour avoir accueilli quatre d’entre eux (Amina Bettiche, Yassine Hathat, Mohamed Amine Belferrar et Ramzi Abdenouz) qui s’y sont installés (avec la bénédiction de la fédération algérienne d’athlétisme), au début de cette année 2016, pour un stage de préparation ayant duré entre 60 et 75 jours selon les athlètes et les moyens financiers mis à leurs dispositions ou de l’effort financier consenti par les parents (Ramzi Abdenouz).

Au cours du récit de ses mésaventures, Hamza Driouch indique que c’est à l’issue de ce stage (qui a eu lieu de décembre 2014 à janvier 2015) à son retour au Qatar qu’il a été informé de la suspension. Celle-ci, observons-le, est portée à sa connaissance quelques deux ans et demi après la constatation des anomalies biologiques et de comparaisons avec les analyses antérieures et postérieures. Souvenons-nous qu’Aden Jama et ses athlètes étaient (et sont toujours) l’objet d’investigations des instances internationales (IAAF et AMA).

A cette période, un autre entraineur célèbre, l’américain Alberto Salazar, le fondateur du Nike Oregon Project, aussi controversé qu’Aden Jama, est dans l’œil du cyclone. Il est suivi de près dans tous ses mouvements par l’agence mondiale de lutte contre le dopage, la fédération britannique d’athlétisme, les tabloïds de Grande Bretagne qui ne ratent rien de ce qui peut concerner de près ou de loin les histoires de dopage qui alimentent à profusion leur avidité de sensationnel.

Pour cette presse, Salazar est un bon sujet puisque son groupe d’entraînement est basé à Eugène (Oregon), fief de l’équipementier américain Nike dont les relations avec Sébastian Coe (ambassadeur de la firme US appointé à 140 000 dollars par an) sont passées au crible à la suite de soupçons d’un possible conflit d’intérêts dans l’attribution des championnats du monde d’athlétisme 20121 à cette ville et d’un éventuel mutisme sur les affaires de chantage et de corruption à l’IAAF de Lamine Diack and Co.

Au cours de cette période trouble, sur les sommets de l’Afrique athlétique, dans ce camp d’entraînement, Hamza Driouch diffuse sur son compte Facebook une photo sur laquelle on le voit avec Mo Farah, la nouvelle star du 5 000 et du 10 000 devançant dans les grandes compétitions les meilleurs coureurs d’Afrique, du Kenya et d’Ethiopie. Les références mondiales du demi-fond.


jeudi 21 juillet 2016

De Jama à Hamza (3), Le télescopage des dates

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ne année après sa suspension, Hamza Driouch, resté muet sur cette mésaventure interrompant sa carrière sportive, sort de son silence. En prenant la parole, il dénonce Aden Jama qui fut son entraîneur.  Sa version des faits chamboule le récit que nous avons relaté dans notre précédente chronique.

Cette prise de parole nous renvoie à l’époque lointaine, celle où nous prenions place sur les bancs de l’université de Constantine. En un temps où l’on s’intéressait à la rupture épistémologique saussurienne et ensuite aux thèses de Vladimir Propp portant sur l’analyse structurale des contes fantastiques russes posant, au début du 20ème siècle, les bases de l’organisation des séries télévisées : un héros, une quête, des partisans, des opposants. Un récit débutant par un moment de bonheur interrompu par la malveillance, se poursuivant de rebondissements en rebondissements initiés par les amis ou les adversaires et s’achevant par une nouvelle période heureuse prélude à une autre aventure, à d’autres aventures.

En janvier 2016, Hamza Driouch a pris attache avec des journalistes français s’intéressant de près au phénomène du dopage. L’histoire telle que relatée dans notre précédente chronique connait des bouleversements. Hamza Driouch raconte qu’il aurait débuté l’athlétisme dès l’âge de 14 ans. Une petite remarque. En déclarant avoir débuté en septembre 2009, il s’est rajeuni d’une année alors qu’il s’apprête à fêter son 15ème  anniversaire (il est né en novembre 1994). Rien de bien grave d’autant qu’il n’a pas soufflé les bougies du gâteau d’anniversaire qui marque symboliquement le passage d’une année à l’autre. A moins que, comme dans beaucoup de pays du continent, sa date de naissance ne soit pas connue avec exactitude, ou qu’elle n’est pas été portée à la connaissance des services de l’état civil pour enregistrement dans les temps.

On apprend également qu’il est parti, plus tôt qu’affirmé, du Maroc pour rejoindre le Qatar. La date de l’émigration vers la pétromonarchie n’est pas indiquée. Il dit seulement c’est qu’il s’est entraîné durement avec Jama Aden et que son « problème de dopage a commencé en 2011 ». Connaitre la date du décès de son père, la date à laquelle il a rejoint son frère, homme d’affaires au Qatar, lèverait certainement une partie de ce voile d’opacité qui se dégage des informations qu’il propose et des bribes que l’on connaissait auparavant.

Driouch n’est pas dans le discours langue de bois. Il met explicitement en cause Aden Jama, cet entraîneur en qui il croyait et qui aurait trompé sa confiance à une époque où il ne connaissait rien « sur les médicaments, les vitamines ». Heureusement d’ailleurs, se dit-on. Un décompte rapide nous indique que, lorsque débute le problème (selon les indications de Driouch), il aurait juste 17 ans.

En 2011 et 2012, Hamza Driouch était donc au Qatar, s’entrainant avec Aden Jama. La logique, le déroulement de la précédente chronique est modifié. C’est avec ce dernier (Aden Jama) qu’il aurait donc réalisé ses meilleures performances. Pas avec un entraîneur marocain. Celui-ci apparait pendant les deux années suivantes (2013 et 2014), celles où son niveau de performance régresse. Deux années où «il se sentait très fatigué ». Deux années où il s’entraine avec Abdelkader Kada, ancien entraîneur de Hicham El Gueroudj, recruté par le Qatar.

Hamza explique son changement d’entraîneur parce qu’il ne se sentait « pas en sécurité avec Jama Aden ! ». A une question du journaliste qui lui demande si c’était à cause des médicaments  il répond  « Exactement ! » sans pouvoir dire cependant de quoi il s’agissait : « Je ne sais pas exactement. A cette époque, j’étais trop jeune, je ne comprenais pas ce qui se passait ! Il me donnait des vitamines, il disait que c’est bon pour la récupération». Cette affirmation ne correspond pas tout à fait à ce que nous verrons prochainement.

Plusieurs mois plus tard, alors qu’Aden Jama annonçait le futur record de Genzebe Dibaba, le coach qatari, interrogé sur cette affaire de dopage d’Hamza Driouch, affirme ne pas savoir ce qui s’est passé. Une réaction logique d’une personne controversée et voulant se tenir à l’écart de ces scandales qui écorneraient une réputation déjà mal en point.


mercredi 20 juillet 2016

De Jama à Hamza (2), Un parcours parsemé d’anomalies

La courte carrière de Hamza Driouch, survolée très rapidement dans notre précédente chronique, est le témoignage de la précocité sportive du jeune athlète et d’un cortège d’anomalies que les observateurs de l’athlétisme ont certainement remarqué.

 A 16 ans à peine, en cadet 1ème  année, Hamza a réalisé un niveau de performance  que ses prédécesseurs maghrébins (Aouita, Morceli, El Gueroudj) et tant d’autres grands champions avant et après eux, n’ont réalisé que bien plus tard (au sortir de la catégorie junior pour les plus précoces) vers 20 ou 21 ans pour les autres.  En restant, cela va de soi, dans un cadre normal de réflexion, c’est-à-dire sans faire appel à l’amélioration des performances par les produits pharmaceutiques qui aujourd’hui le mine, nous noterons que le pays natal de Hamza (le Maroc) est devenu, depuis les années 80, une terre d’élection pour les courses de demi-fond.

Au début des années 90, des enseignants d’EPS et entraineurs d’athlétisme (dont l’un nous fut présenté comme le découvreur et formateur initial de Saïd Aouita) rencontrés en trois occasions différentes (championnats d’Algérie scolaires d’athlétisme à Sétif en 1990, championnats maghrébins d’athlétisme d’Alger toujours en 1990 et ensuite deux années plus tard aux championnats maghrébins scolaires de cross-country 92 à Saket Sidi Youcef, ville frontalière tunisienne, martyre de la guerre de libération nationale) nous avaient expliqué que, à cette époque-là, l’organisation de l’athlétisme marocain s’était largement inspirée de l’organisation sportive algérienne (issue de la réforme sportive de 1976) avec adjonction de centre régionaux et nationaux conciliant études et pratiques sportives, une sorte de lycées sports-études ou d’académies (spécialisées en athlétisme) qui feront plus tard leurs apparition en Algérie (en pluridisciplinarité ou sous forme d’académies du football telles que celle du Paradou AC ou celles de la FAF).

 Il est impensable qu’à cet âge-là, on puisse entrevoir, ne serait-ce que pendant une microseconde, qu’il soit fait usage de produits interdits. On comprend donc la stupéfaction des observateurs de l’athlétisme mondial en apprenant au début de l’année 2015 que le jeune champion avait été sanctionné d’une suspension de deux années qui prendra fin donc en janvier 2017. Le plus étonnant est que Hamza Driouch n’a pas été contrôlé positif à un produit donné à l’entraînement ou en compétition. Il l’a été pour des anomalies de son profil biologique enregistré dans son PBA (passeport biologique de l’athlète). Pour les spécialistes de la question, ayant bien voulu s’expliquer sur ce thème, la décision a été difficile à prendre en raison des problèmes inhérents à l’interprétation des graphiques qui ne peuvent constater des irrégularités que suite à une observation étalée dans le temps qui permet de détecter des pratiques douteuses illustrées par des courbes décalées.

En raison de son jeune âge et de son niveau de performance, Hamza Driouch a été suivi de près. Les informations publiées dans la presse internationale indiquent que ces anomalies remonteraient à 2012, pendant la période où il a été entraîné par Jama Aden, ex coach de son compatriote Abdi Bile, de quelques stars du demi-fond mondial telles que Boubaker Kaki et Toufik Makhloufi et présentement coach de Genzebe Dibaba, de Musaeb Abdellah, du Djiboutien Souleyman. L’anomalie serait datée du mois d’août 2012. L’année de sa nouvelle nationalité qatarie et de son record personnel à 3.33.69 établi lors du meeting de Doha, le meeting de la capitale du Qatar, disputé en début de  saison.

Ce qui est incompréhensible, c’est que Driouch connait, au cours des années suivantes, et avant sa suspension, un net recul de ses performances. La période au cours de laquelle il s’entraîne avec Jama ne lui est apparemment pas profitable. La conclusion est que Driouch a été à son top niveau pendant la période où il était  ressortissant marocain et au cours de la période de transition.


Tout semble limpide. Trop peut-être. Une année après sa suspension, Hamza révèle que cette histoire connue et rapportée par toute la presse n’est pas la réalité. 

mardi 19 juillet 2016

De Jama à Hamza, Driouch, la succession avortée d’El Gueroudj

D
epuis qu’il est sur le devant de la scène, grâce aux résultats de son groupe d’athlètes aux allures de mercenaires recrutés sur un éventail relativement large de nations portées sur la course à pied ou tentant d’inscrire leurs noms sur le fronton prestigieux des courses de demi-fond, Aden Jama est jalousé. La réussite sportive (et dans les autres domaines de l’activité humaine) fait envie, fait parler, fait naître et propage les commérages et autres médisances. Il ne pouvait échapper à cette manie, à ce travers social universellement partagé. Surtout lorsque les victoires sont insolentes d’aisance. Dans l’histoire de l’humanité, il ne fut pas le premier et il ne sera certainement pas le dernier à subir cette avanie.

La société humaine a toujours cherché des explications à l’inexplicable. En ayant même, dans des temps pas si éloignés et présentement, pour ultime recours la magie, la sorcellerie, et les pratiques ésotériques et/ou cabalistiques.  Les scientifiques, explorant les arcanes de son succès, se sont penchés sur les mécanismes visibles de la « boite noire », du système adenien. Méthodes d’entraînement, intensité des séances, temps de récupération, altitude, génétique, tous les aspects prévalant à la réalisation de performances humainement incroyables ont été passés en revue…..sans aboutir à une conclusion fiable si ce n’est l’explication, jusqu’alors restée sans démonstration scientifique ni preuves tangibles, de l’utilisation de produits rejetés par l’éthique sportive, le dopage.

Les suspicions, les doutes véhiculés par les milieux proches de l’athlétisme international ont pris forme plus sérieuse avec l’accroc porté au mystère par des anomalies constatées au passeport biologique de Hamza Driouch, un très jeune champion marocain devenu qatari, incorporé dans la troupe irrésistible, insatiable, impossible à arrêter dans sa quête de titres, de médailles et de records.

Né en novembre 1994 au Maroc, Hamza Driouch est précocement aux avant-postes du demi-fond. En 2010, relevant de la catégorie U15 (minimes), il se classe à la seconde place du 1 000 mètres des jeux olympiques de la jeunesse. L’année suivante, à peine âgé de 16 ans, il dispute sa première compétition internationale importante à l'occasion des Championnats du monde de Daegu (Corée du Sud) où il s'incline, dès les séries du 1 500 m, derrière les « grands »  coureurs de 1 500 qui, depuis des années, arpentent les pistes d’athlétisme. Quelques semaines plus tard, alors que s’achève la saison 2011, il prend la deuxième des Jeux panarabes de Doha, derrière le Djiboutien Ayanleh Souleiman. Le chrono qu’il réalise est époustouflant et annonciateur de performances incroyables : 3.34.43.

Au Maroc, son pays natal, il est vu comme le successeur de deux très grands coureurs de demi-fond, Saïd Aouita et Hichem El Gueroudj, deux pointures mondiales du 1 500 mètres. Malheureusement, cette terre de coureurs à pieds laisse partir sous d’autres cieux ses meilleurs talents. Hamza Driouch ne peut résister aux sirènes du Qatar, un pays  où son frère réside depuis le décès de leur père. Au grand désespoir des dirigeants de l’athlétisme marocain et à la déception de Hichem El Gueroudj qui impute cette escapade aux conseils de son entourage. Hamza n’a pas encore 18 ans.

L’année suivante, en 2012, le Qatari Hamza Driouch brille de mille feux dans sa catégorie d’âge en décrochant le titre de champion d'Asie juniors du 1 500 mètres, puis celui de champion du monde junior (Barcelone) en remportant la finale en 3 min 39 s 41.  Pour clore cette saison olympique, Il participe, au début août, aux Jeux de Londres. Il y termine d’abord second de sa série du premier tour en 3. 39. 67 et s'incline par la suite en demi-finale dans l’honorable chrono  de 3.36.82. Des performances éloignées de son record personnel établi au mois de mai, à Doha, devant ses nouveaux compatriotes, sous les couleurs son nouveau drapeau. Il avait couru en 3.33.69.


Les années suivantes, Hamza Driouch devient un coureur moyen (3.39 en 2013 et 3.44 en 2014). Cette régression est inexpliquée. Incompréhensible même puisqu’il est conseillé par Aden Jama, en charge de l’équipe nationale qatarie de demi-fond, qui mena Toufik Makhloufi à la meilleure d’or des Jeux olympiques de Londres. Quelques mois plus tard, la vie de Hamza Driouch, 20 ans depuis quelques semaines, bascule.

lundi 18 juillet 2016

Autour de Jama (2), Les dessous algériens de l’"opération Rial"

A
vec l’« opération Rial » (comme le nom de la monnaie dominante du Golfe arabique) visant à prouver les allégations qui enveloppent la réussite d’Aden Jama, ce sont les nations de l’hémisphère Nord - influencées par les puissances de l’argent elles-mêmes marquées indélébilement par le matérialisme issu des schismes religieux nés de la matrice judéo-chrétienne, du catholicisme romain - qui donnent les coups et régentent la société humaine.

Elles rejoignent, dans leurs extrémismes ultra-conservateurs, les  dérives des Haschischins du « cheikh El Djebel » d’El Alamout, groupe sectaire, consommateurs frénétiques de ce haschisch procurateur d’élévation spirituelle, d’énergie combattante, dissipant le sentiment de peur que l’on peut  ressentir face au danger de mort. A nouveau s’insinue la mécanique de domination des autres via les conservatismes religieux et sociétal, les pratiques sectaires, les forces du pouvoir, la possession du nec plus ultra, la technologie la plus récente. Haschischins, anglicans, méthodistes, etc. sont unis dans un même combat : la prise du pouvoir multiforme. 

On sait peu de choses aujourd’hui sur les résultats de la descente policière et douanière de Sabadell. Bien évidemment, les interpellations, les gardes à vue, les interdictions de sortie du territoire espagnol de trois personnes (Aden Jama lui-même, le kiné marocain et l’athlète qatari d’origine somalienne Abdallah Musaeb) ont été médiatisées à grand renfort de cors, de trompettes et de tambours. Comme l’a été la découverte de produits ne figurant pas sur la liste officielle AMA des produits  dopants (mais interdits) en Espagne ainsi qu’une quantité importante de seringues usagées que l’on suppose avoir permis l’injection d’EPO. Mais, jusqu’à présent aucune certitude permettant d’incriminer directement Aden Jama qui….. pour l’instant, s’en tire à bon-compte. En attendant les conclusions de l’enquête policière, des analyses des laboratoires et plus tard de la décision de la justice.

Pour l’heure, nous retiendrons qu’Aden Jama est enserré dans les mailles de ce que l’on pourrait qualifier de filet marocain. Comme tout entraîneur qui réussit un peu trop bien, Aden Jama a été l’objet de multiples suspicions qui seraient restées à l’état de soupçons si deux athlètes d’origine marocaine (Layla Traby naturalisée française et Hamza Driouch ayant pris la nationalité du Qatar) n’avaient pas été sanctionnés pour dopage. La première pour détention d’EPO et ensuite un contrôle positif à ce même EPO. Le second pour des anomalies sur son passeport biologique alors qu’il n’avait pas quitté les rangs de la catégorie des juniors (U20).

L’irruption d’un kiné marocain (Mounir Ouakir) en tant que personne interpellée dans le cadre de l’ « opération Rial » n’est pas surprenante. Nous dirons qu’au contraire, qu’à travers ces liens qui naissent dans l’inconscient à la suite de faits que rien apparemment ne rapprochent, elle fait partie de ces événements qui semblent couler de source, ne surprennent guère et surtout ne devrait surprendre personne. En effet, l’athlétisme marocain – tout comme les athlétismes russe, jamaïcain, kenyan, éthiopien, turc, espagnol, italien, grec et depuis peu les pays du Golfe - est visé par une forte suspicion de pratique systématisé de dopage par les instances mondiales de l’athlétisme (IAAF) et de lutte contre le dopage (AMA) placées sous la direction d’anglo-saxons.

Les coïncidences, dans le domaine du dopage, sont nombreuses. La liste des Marocains, répartis en deux catégories  à savoir ceux ayant conservé leur nationalité d’origine et ceux ayant acquis celle des pays qui les accueillent (Espagne, France, Belgique, Qatar, etc.), est longue. Aussi longue que la liste des athlètes Russes, Kenyans, Indiens, Turcs mis au ban de la société sportive.

Etonnamment, au cours de la période qui a vu l’action policière et douanière catalane, la presse marocaine et les instances sportives, marocaine (FRMA) et mondiale (IAAF et AMA), sont intervenues quasi-simultanément pour sensibiliser sur la question du dopage, demander ou lancer des enquêtes en territoire marocain et européen. Faisant aussi remonter à la surface des affaires classées et la présomption d’existence d’un réseau de commercialisation de produits dopants dans lequel seraient impliquées des champions et dont les plaques tournantes seraient Ifrane et Font Romeu.


Chaque information sur le dopage est dans l’athlétisme algérien l’occasion de régler ses comptes avec des rivaux. Ahmed Mahour Bacha a profité de l’opportunité offerte pour lancer (sur Facebook) des fléchettes en direction d’Amar Brahmia, l’actuel président de la commission de préparation olympique qui, du temps où il était encore au Mouloudia d’Alger, avait pour habitude de mener ses coureurs de demi-fond s’entraîner sur les installations marocaines.

dimanche 17 juillet 2016

Autour de Jama, Le choc de deux cultures

C
omprendre la présente « affaire Aden Jama » - celle qui vient de débuter avec l’opération coup de poing menée par les forces de police et de douanes, mobilisées par l’agence espagnole de lutte contre le dopage à la demande de l’IAAF, qui, selon toutes les apparences, est enfin résolue à mettre fin à ce fléau qu’est l’utilisation de produits illicites en employant les grands moyens – connue sous le nom de code d’ « opération Rial » implique nécessairement de remonter le temps.

Le sport (dans sa dimension professionnelle) est devenu un spectacle attractif. Un volet de la vie sociale moderne  aimantant les médias. C’est l’aspect spectaculaire de l’ « opération Rial », une descente de police dans un hôtel, emprunté au cyclisme, qui a été mis en scène à Sabadell, dans la périphérie de Barcelone, capitale de la Catalogne avide d’indépendance, dans un de ces deux pays (Espagne et Italie) qui, comme ceux qui bordent la mer Méditerranée, ont un point commun, dans leurs habitudes sociétales, l’esbroufe, les fanfaronnades, l’apparat, la magnificence, les sociétés secrètes et les confréries. Des nations minées par le dopage donnant l’illusion de le combattre en le prenant à bras le corps, désirant à tout prix s’attribuer une image de probité. Des sociétés indélébilement marquées par le fonctionnement de la « Sainte Inquisition » et du Vatican, piliers du catholicisme romain et du choc des civilisations entre la Croix et le Croissant, entre la chrétienté et l’Islam, rythmé par l’âge d’or arabo-musulman, les croisades et la Reconquista.

L’histoire trébuche. Et se répète justifiant cette théorie des cycles qui facilite les recoupements, permet à l’inspiration de donner sa pleine mesure en renouvelant ad aeternam cette autre théorie (du complot) qui rythme les rencontres entre l’Occident et l’Orient en cette terre toute proche de l’Andalousie reconquise par Isabelle et Ferdinand.

C’est en ces terres d’élection de connaissances, de jouissances, de massacres que ce sont entrechoqués deux mondes diamétralement opposés et pourtant si semblables. Un territoire où a élu domicile un mode de vie empruntant énormément aux « paradis artificiels » que procurent ces plantes cultivées sur l’autre rive du détroit séparant le « Vieux continent » du « continent noir », celles ramenées du « Nouveau monde », le continent américain découvert par les compagnons de Christophe Colomb, Cortés,  Magellan et autres conquistadores ou celles venues de beaucoup plus loin, des champs d’Afghanistan, dans les bagages transitant par la « route de la soie » (chère à Marco Polo) aboutissant dans les échoppes des marchands vénitiens après avoir transité par les caravansérails de Constantinople. Ou encore celles produites dans les montagnes du Yémen traversant la mer Rouge, chargées sur les boutres de contrebandiers à Aden pour être débarquées à Djibouti où à Zanzibar.

En quelques lignes qui ne restituent guère la densité de ce phénomène social que l’on retrouve dans les milieux des arts, nous avons tenté de schématiser un monde, une culture, un mode de vie où la recherche du nirvana (pour poursuivre encore plus loin le voyage) est un élément incontournable de la vie en société. Plus exactement  d’une société parallèle à la bonne société, enfermée entre les quatre murs d’un harem moyen oriental, où dans ces maisons romaines ou hellènes promises aux orgies.

Le groupe d’entraînement qui s’est formé autour d’Aden Jama est cosmopolite. Il réunit (malheureusement personne ne l’a remarqué ou n’a voulu en parler) des membres de ces sociétés où la drogue (cannabis, opium, cocaïne, etc.) est un élément de la vie festive, nocturne, exubérante ou amollissante. Sous d’autres cieux, mâcher une feuille d’arbuste fait oublier les tourments, fait partie des rites de la vie….depuis la nuit des temps, depuis le règne de la Reine de Saba, depuis les Incas et les Mayas.  


A ce monde profondément ancré dans les  traditions, fait face une société puritaine, feutrée, ouverte sur la modernité, fondée caricaturalement sur le dieu Argent et sur la « main invisible », un monde manipulateur, innovateur, monopolisateur, producteur industriel de cette ivresse artificielle recherchée. Ici, ce ne sont plus les produits de la nature qui dominent mais les comprimés (et autres formes) sortis des laboratoires ultramodernes qui, si l’on écoute ceux qui semblent posséder une bonne connaissance de ces milieux interlopes, partageraient le même bleu que ce Viagra ressuscitant le potentiel érectile des descendants d’Adam, adjuvant à l’impuissance masculine, aux limites humaines.

samedi 16 juillet 2016

Bataille des minima (7), Le principe d’AMB

D
ans notre esprit, nous avions clos cette courte série de chroniques portant sur les minima de participations aux jeux olympiques de Rio. Nous le croyons si fermement que nous avons entamé une autre série sur les relations entre l’athlétisme national et ce que nous pressentons être une partie d’un système généralisé de dopage international qui ne serait pas étatique comme cela est décrit en Russie mais s’inscrirait tout de même dans le cadre d’une organisation où des intérêts étatiques ou privés seraient présents.

En recevant dans notre messagerie un commentaire d’Ahmed Mahour Bacha, nous sommes dans l’obligation de revoir notre programmation. Rendant la monnaie de sa pièce à « Faa Ahmed »,  pirate des comptes Facebook, nous dirons que le commentaire de Dadi (nous espérons qu’il ne sera pas offusqué par l’emploi de ce diminutif utilisé par ses amis), est d’une importance capitale dans la compréhension des rouages de la pensée de la fédération algérienne d’athlétisme.

Le commentaire ne concerne pas au départ (même si par la suite il y viendra) directement la sélection algérienne puisque Ahmed Mahour Bacha s’est penché sur les mécanismes de la sélection française critiqués et objets de commentaires acidulés sur les réseaux sociaux. Une sélection qui entraîne l’exclusion (selon le décompte présenté) de 47 athlètes (près de trois fois l’effectif retenu par la FAA) ayant réalisé les minima de IAAF et n’ayant pu accomplir ceux décidés par la fédération française d’athlétisme beaucoup plus sévères que ceux de l’instance internationale.

 Il relève aussi que la période de réalisation de ces niveaux de performances est plus courte, réduite à sa plus simple expression. Il nous amène à penser que la France ne voulait emmener que les meilleurs des meilleurs (parmi les critères dérogatoires retenons celui-ci : un athlète français n’ayant pas réussi les minima FFA mais classé à la 16ème  place mondiale à la date limite est susceptible d’être retenu): un trimestre au lieu du semestre algérien et des trois semestres de l’IAAF.

Une simple addition situe le niveau de performance de l’athlétisme français estimé à une centaine d’athlètes  sélectionnables au vu des minima IAAF. A comparer aux 15 Algériens retenus auxquels s’ajoute (sans explications de la part du bureau fédéral ayant statué, jouant sans doute sur les facultés naturelles d’oubli de ceux qui ne sont pas concernés directement et le bonheur de l’athlète et de son entourage) Mohamed Ameur, ce marcheur dont la performance avait été invalidée, déclarée non conforme suite, si l’on en croit les propos tenus à l’époque, d’une distance trop courte. Mahour Bacha argumente, nous le verrons, sans le vouloir ( ?), ce revirement au nom du pouvoir décisionnaire de la fédération.

Ahmed Mahour Bacha s’attribue le droit d’estimer que « certains minima français sont exagérément élevés ». Il précise que d’autres pays de l’Union Européenne (Mahour Bacha cite la Belgique et les Pays Bas) sont encore plus sévères, ce qui aurait conduit à ce que la question soit traitée à la barre des tribunaux. Ceci est (pour nous) anecdotique car le plus intéressant reste à venir.

Il situe le débat sur les critères de qualifications dans le cadre organique, un sujet sur lequel il est intarissable (et sur lequel il n’a pas toujours tort contrairement à ce que l’on peut penser lorsque l’on se positionne uniquement en tant que contradicteur permanent des opinions qu’il émet).

Sa pensée sur cette question a le mérite de la clarté. De plus, il a  le bon goût de noter que « la sélection est du ressort des fédérations nationales ».  C’est ici que se situe le tournant de son commentaire, lorsque revenant sur le terrain de l’athlétisme algérien, il assène un vigoureux : «  Et le dernier mot reviendra de toute façon à la FAA ». Il conclue ce point de vue par un argument revisitant l’histoire de l’athlétisme national : « Comme cela a été le cas depuis la nuit des temps ».

Toujours en restant sur le plan organique, il observe (à juste raison d’ailleurs) que « ceux qui ne sont pas d’accord avec les critères de participation n’avaient qu’à les contester et les amender lorsqu’ils ont été présentés lors de l’assemblée générale ». Relevant que, s’il avait été membre de l’AG, il aurait proposé des amendements et contesté certains points.

Ceci étant acté, nous observerons que cette observation s’adresse aux membres de l’assemblée générale de la FAA (100 à 120 membres statutaires) qui, selon le principe cardinal du fonctionnement des assemblées algériennes, ont acquiescé - à mains levées certainement-  aux propositions du bureau fédéral et des organes permanents. Le raisonnement d’AMB se tient sauf que les contradicteurs les plus visibles ne sont pas membres de l’AG et que le droit de débattre leur est dénié. Une autre facette de ce droit qui veut que la critique ne puisse venir que de l’intérieur du système. Avec pour corollaire que ceux qui lui apportent la contradiction sont automatiquement des opposants.

Sa perception de la chose a pour référent idéologique la politique prônée, il y a un quart de siècle, par le président de la FAA d’alors qui cumulait  plusieurs casquettes (dont celle de directeur central au MJS et de membre actif de l’AACS -association algérienne des cadres du sport- fort influente à l’époque).

Cette politique pourrait  se traduire par le « principe d’Ahmed Mahour Bacha » résumé en ceci : participation réduite (minima élevés) lorsque les dépenses sont prises en charge par la FAA (championnats du monde, championnats d’Afrique, championnats arabes), participation élargie (minima plus faciles) lorsqu’il s’agit d’une prise en charge par le COA (Jeux olympiques, jeux africains, jeux méditerranéens) pour …. «..lancer dans le bain, un maximum d’athlètes afin qu’ils acquièrent de l’expérience ».

Ceci a le mérite de la clarté. Dans cette logique, on concourt aux jeux olympiques pour envisager une médaille aux championnats arabes. Un raisonnement que nous translaterons en : suivre des études postuniversitaires (masters, doctorats) pour réussir au brevet des collèges.

     

jeudi 14 juillet 2016

Bataille des minima (6), L’imprévoyance pour ligne de conduite


D
epuis 1990 et le changement de l’idéologie dominante, le concept de « planification » a été mis au oubliettes. Il rappelle trop qu’il fut le support de l’économie socialiste algérienne. Un concept critiqué par tous les intervenants y compris ceux qui en furent les laudateurs acharnés. Il est vrai que sémantiquement parlant, il est lourd à invoquer. Pourtant, les économies à dominante libérale, l’utilise ou le remplace, sans distorsion péjorative, avec « programmation » et « gestion prévisionnelle », porteurs aussi de l’idée d’un processus d’anticipation de faits et d’actions à entreprendre en vue d’atteindre un objectif fixé.

« Planification » et « programmation » font aussi partie du discours  et de la démarche académique enseignés à nos heureux diplômés de l’enseignement supérieur en méthodologie et technologies du sport. Des concepts qu’ils utilisent à tout vat quand il s’agit de se faire valoir auprès de leurs pairs, des médias et du public qu’ils veulent épater. Des concepts que l’on oublie lorsque l’on franchit la barrière qui sépare le terrain des bureaux. Comme si, les tâches administratives de gestion et d’organisation, ne méritaient pas qu’on les programme, les planifie. Comme si l’anticipation et la prévision  n’étaient pas le moteur de la gouvernance d’une fédération.
Les critères de qualification des athlètes aux grandes compétitions d’athlétisme sont d’essence administrative avant d’être un repère technique. Ils permettent de n’accepter que ceux qui ont atteint un niveau de performance. La fédération algérienne n’a certainement pas saisi que l’IAAF (et le CIO dans le cas présent) a (en acceptant de prendre en compte les performances réalisées au cours de la saison sportive européenne précédant les JO) peut être  estimé que cela permettrait aux athlètes de se préparer correctement (sans précipitation, sans tension nerveuse, sans hantise de la blessure) d’atteindre un niveau supérieur à celui qui leur était connu. Un atout que pourront mettre à profit les entraîneurs pour concevoir leurs plans d’entraînement, planifier les moments de charge et ceux de récupération, les lieux et les durées de stages, de prévoir un calendrier de compétitions pour évaluer l’état de préparation. Sans oublier de réfléchir aux arguments susceptibles de faire pencher en leurs faveurs les hésitations des décideurs fédéraux dont la charge est aussi de se pencher sur le financement de cette préparation, sur les questions de logistique, de convaincre les décideurs ultimes, ceux qui en dernière instance sont ceux qui délient les cordons de la bourse, autorisent les décaissements en devises.
Nous remarquerons que les deux chouchous de la fédération (Larbi Bourraâda et Toufik Makhloufi) s’inscrivent, peu ou prou, dans une telle démarche. Il leur suffit d’exprimer un besoin quelconque pour qu’il soit satisfait. Ils ne sont pas contraints aux mêmes exigences que celles que l’on oppose à d’autres. D’ailleurs, ils (eux ou leurs entraîneurs) ne se privent pas de se faire entendre, si besoin est, en ameutant les pouvoirs publics et le grand public via les médias.
L’imprévision est le mot d’ordre de la fédération algérienne d’athlétisme. Des faits récents démontrent malheureusement qu’elle est en effet incapable d’honorer ses engagements vis-à-vis des tiers qu’ils soient entraîneurs, athlètes et prestataires de service. 2015 a montré qu’elle n’a pu financer, par ses propres deniers, l’intersaison et la préparation foncière (sur le territoire national) de T. Makhloufi sans avoir recours à une aide du comité olympique algérien qui exigeait que les dépenses antérieures soient justifiées.

Peut-on aussi concevoir que la préparation de l’ensemble des athlètes algériens précédemment recensés pour une participation possible aux JO (ceux ayant réalisé les minima en 2015) et d’autres athlètes de talent n’ont pu participer à des stages à l’étranger que parce que ce même COA (que l’on houspille à qui mieux-mieux dans la corporation des entraîneurs d’athlétisme parce qu’il est regardant sur ce qu’on fait avec son argent) à contribuer à leurs réalisations en avançant des fonds aux fédérations sportives algériennes ayant consommé l’enveloppe financière 2015 octroyée par le ministère de la jeunesse et des sports et que celles-ci ont été dans l’incapacité de fonctionner normalement attendant (comme sœur Anne ne voyant rien venir à l’horizon) celle de 2016 n’aboutissant (pourtant on devrait le savoir depuis le temps) dans les comptes bancaires qu’à la fin du premier trimestre ?