La semaine dernière, le quotidien d’informations générales en langue
nationale « El Massa » a publié un encart consacré à
l’athlétisme. Cet encart a permis à Baghdadi Si Mohamed (anciennement
Secrétaire Général du MJS et Président du COA) à Djamel Kaced (ex-entraineur
national de demi-fond) et à nous-mêmes de nous exprimer.
A nos amis qui (pour une raison ou une autre) ont raté cette
publication, nous proposons la lecture de la version originale (langue
française) de notre interview.
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Biographie
Natif d’Ifri-Ouzellaguen, commune de la wilaya de Bejaïa qui abrita le
Congrès de la Soummam, Laziz Makhloufi a émigré très tôt (à l’âge de 13 mois)
et résida en France pendant une vingtaine d’années.
C’est dans le Sud de la France qu’il obtint son bac philo et poursuivit
des études en sciences humaines (psychologie, sociologie, économie politique). Il y
découvrit également l’athlétisme qu’il pratiqua « pour le plaisir » avec quelques
résultats qui firent qu’il appartint au groupe des meilleurs jeunes coureurs de
France de sa génération (champion de l’académie de Montpellier du 3000 mètres
juniors après avoir été vice-champion (ex aequo) de l’inter-académies du Sud-ouest
de cross-country derrière un athlète qui fut longtemps membre des équipes de
France sur 1500, 5000…marathon : Alex Gonzales) ; Il a enregistré
également quelques places d’honneur derrière des membres de l’équipe de France
juniors de ces années-là (Hollande, vainqueur du championnat de France juniors
FFA de cross en 1969 ou Masselot, sélectionné sur 3 000 mètres steeple aux
JO de Munich 1972).
Diplômé de l’université de Constantine en lettres françaises puis en
linguistique et sciences de la communication, il est également titulaire d’un D.E.S.
en techniques bancaires.
Sa carrière professionnelle s’est déroulée dans le secteur économique
public en qualité de cadre de la gestion des ressources humaines puis de
l’administration et des finances.
Il est connu dans le milieu de l’athlétisme algérien pour avoir été
officiel auprès de la ligue constantinoise d’athlétisme, vice-président du
conseil national des juges et arbitres en 1996 et membre du comité
d’organisation du meeting international d’athlétisme de Constantine (de 1990 à
1996) et surtout pour ses écrits journalistiques dans « El Hadef »
(où il anima la rubrique « Athlétisme » de 1983 à 1994) qui
firent découvrir très tôt (dès les années 1986 et 1988) aux lecteurs algériens
du pionnier de la presse sportive algérienne ceux qui deviendront (à partir de
1991) les icones de l’athlétisme national : Hassiba Boulmerka, Noureddine
Morceli et leurs successeurs.
Aujourd’hui, il anime le blog
« Sousolivier.blogspot.com » qui
s’intéresse au mouvement sportif et tente de donner du sens aux faits relatés
(au quotidien) par la presse sportive nationale et/ou internationale à travers
une sémiologie pénétrant leurs dimensions sociologiques, psychologiques,
historiques, juridiques, financières, etc.
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El
Massa : D'abord beaucoup de supputations sur les conditions dans lesquelles
se sont préparés les athlètes algériens de l'athlétisme pour les J.O de Rio, d'où les faibles résultats réalisés
hormis Toufik Makhloufi et peut être Bourraâda. Comment peut-on donc analyser la responsabilité de la FAA
après cette participation ?
La responsabilité de la FAA est complète et
entière. Les athlètes ont été placés, dès l’entame du processus de sélection, dans des conditions psychologiques
inconfortables et défavorables.
Tous les athlètes susceptibles de participer
aux JO, bien qu’ayant réussi les minima de l’IAAF et du COA, au cours de la
période réglementairement définie par ces deux instances sportives, ont été mis
dans l’obligation de les renouveler au cours d’une autre période, celle-là
déterminée par la FAA.
Dans la logique
des instances internationales, la période de référence définie en novembre 2015
(1 er mai 2015-11 juillet 2016) est sensée être (pour les athlètes ayant réussi
les minima) une période de préparation destinée à améliorer leurs niveaux de performances. Pour
ceux qui ne les ont pas atteint, il s’agissait de les réussir. Une forme de
semestre de rattrapage.
La FAA a contraint
les athlètes algériens à courir à nouveau après les minima. La période
d’affutage (à partir du mois de mai 2016) s’est transformée en course aux
minima qui a usé psychologiquement et physiquement les athlètes. Sauf deux (Toufik
Makhloufi et Larbi Bourraâda) qui ont été dispensés de cette formalité.
La préparation des
autres athlètes n’a pas été optimale. Nous distinguerons deux groupes. Ceux qui
ont pu se consacrer tant bien que mal à la préparation (Makhloufi, Bourraâda,
Salim Keddar, Hathat, Belferrar, Bettiche) et ceux qui ont été défavorisés sur
ce plan (Lahoulou, Rahmani, les coureurs de steeple, les marathoniens et
marathoniennes).
Notons que la
faute a été imputée à la CPO. Nous voulons bien. Mais, les explications données
par les responsables de la CPO et du COA montrent que la FAA (les fédérations
d’une manière générale) ont été à l’origine de la détermination des besoins et
qu’elle a été l’intermédiaire entre la CPO et les athlètes-entraîneurs. Si elle
a mal rempli sa mission ce n’est pas la faute ni du COA, ni du MJS (disons les
pouvoirs publics).
El
Massa : Quel bilan faites-vous du travail accompli par la FAA durant ce mandat
olympique qui vient de se terminer. La démission de Mr Amar Bouras du bureau exécutif
du COA est-elle aussi synonyme de son échec à la FAA ?
L’olympiade
(2012-2016) qui s’achève est marquée globalement par une régression. La
précédente s’est achevée par une médaille d’or surprise (celle de T. Makhloufi
à Londres), s’est poursuivie par une régression (l’absence de médailles aux
championnats du monde de Pékin) et un résultat loin des espérances fédérales et
des attentes populaires à Rio (double médaille d’argent de T. Makhloufi).
Quelques jeunes
(juniors et espoirs) sont certes apparus. Mais, il nous semble que c’est le
résultat de l’investissement du COA et non de la FAA. Ces jeunes sont le fruit
de l’effort consenti par le COA au cours de l’olympiade en vue non pas des
échéances de la FAA mais de celles du COA (jeux de la jeunesse auxquels
participent les cadets).
En juniors et en
espoirs, le COA passe le relais à la FAA qui est en situation d’échec. La
stagnation des jeunes d’hier (les frères Touil, Anou, etc.) montre
indubitablement l’incapacité de la FAA à produire des champions à partir d’un
réservoir de jeunes talents sportifs.
La démission de
Bouras du COA est plus la marque de l’échec de la FAA dans son ensemble. Au
lieu de rassembler, cette fédération a imposé un clivage au nom d’un concept
mal assimilé, celui de l’excellence. Une politique qui a consisté à donner des
moyens matériels, financiers, logistiques aux athlètes qui ont été reconnus
internationalement (Makhloufi, Bourraâda) et aux entraîneurs
proches de la fédération propulsés sur le devant de la scène grâce aux moyens
mis à leurs dispositions par l’instance nationale.
La démission de
Bouras est la suite logique de l’échec des jeux olympiques et de la polémique
qui les ont précédé, les ont entouré et les ont suivi. Cela a été
essentiellement une tentative de masquer l’échec de son action et son
incapacité également à assumer ses actes et ceux de ses acolytes.
Par ailleurs,
Bouras a été incapable de soutenir celui que l’on dit être son ami, le
président de la fédération de cyclisme.
El
Massa : Quelles sont les véritables causes de la régression que connait l'athlétisme
algérien. Peut-on les lier au retrait d'anciens dirigeants, techniciens, athlètes et autres qui ont servi ce sport ?
Lorsque la « famille »
de l’athlétisme se disloque, laisse partir ses « anciens »
(dirigeants, techniciens, athlètes, officiels), il y a obligatoirement une
rupture avec le passé.
Celui-ci (le
passé) ne doit pas être perçu comme une référence générationnelle mais comme un
passage obligé entre différentes périodes de l’histoire: les « anciens »
doivent inéluctablement laisser la place à la nouvelle génération. L’humanité a
toujours fonctionné ainsi avec cependant une certaine unité qui réside dans la
transmission du Savoir accumulé par les générations précédentes à la génération
montante. Peu importe la qualité de ce Savoir puisqu’il sert de point d’appui
au Présent et à l’Avenir, à l’amélioration, à l’évolution ou à la révolution.
En délaissant
l’athlétisme pour différents motifs d’ailleurs, les « anciens »
ont suscité une rupture dans la chaîne de transmission du Savoir-faire
(l’accumulation d’expériences) qui est différent du Savoir qui lui est
transmissible par la voie académique. On oublie trop souvent que la
transmission du Savoir-faire permet d’accélérer le mouvement d’acquisition de
la Compétence.
Les causes de la
régression sont multiples. La première est le peu d’importance accordé au sport
scolaire et au sport de masse (disparition du cross du Parti et des
collectivités locales) en tant que moyens de détection.
Ensuite, nous
mettrons en cause la mise à l’écart des enseignants d’EPS en tant que
passerelle entre le sport scolaire et le sport de compétition. D’autres
phénomènes sociaux liés à l’Education Nationale, à l’instabilité et la main mise d’une idéologie du secteur
éducatif concourent à cette régression.
La troisième cause
est le peu d’attention apporté à l’amélioration du niveau de Compétence des
entraîneurs exerçant au sein des clubs.
J’y ajouterai
l’esprit corporatiste qui existe chez beaucoup de cadres du sport formés par
l’ex-ISTS (ENS-STS) et la discrimination existant entre les entraîneurs de la
prétendue élite et les entraîneurs de la base (y compris ceux formés par les ex-ISTS
et ITS).
Avec évidemment,
je me garderai de l’oublier, le peu de considération accordée à la discipline
au niveau local (communes, daïras et wilayas) lors de l’attribution des
subventions par les collectivités locales.
El
Massa : D'anciens entraineurs de l'athlétisme préfèrent travailler dans
d'autres disciplines. Quelles sont les causes (rémunération ou autres).
Certainement que l’aspect financier joue un rôle non négligeable dans
cette mobilité. Mais, ce n’est pas le plus important. Nous dirons que tous les entraîneurs
sont animés par la passion de la discipline et que, au final (même si la
question de la rémunération et des avantages sociaux est importante) c’est la
considération sociale (au sens que le sociologue Maslow donnait à ce terme) qui
est le moteur de leurs actions.
Quand il n’y a pas de considération sociale, quand la valeur de
l’entraîneur en tant que producteur de résultats sportifs et de champions (ne
serait-ce que dans les petites catégories : cadets, juniors) n’est pas
reconnue, quand il n’est pas récompensé, quand il n’est pas sollicité pour
transmettre son Savoir et son Savoir-faire, quand sa compétence n’est pas le
souci de sa hiérarchie, il y a irrémédiablement démotivation qui conduit à
chercher ailleurs (dans un autre environnement) son bonheur, sa place.
El
Massa : Comment appréhendez-vous l'AGE prochaine de la FAA. Y aura- t-il
des anciens pour se présenter à l'élection ou bien êtes-vous pour un candidat
de consensus pour présider la FAA?
Je suis intrigué
par votre question. Les candidats ne sont pas encore connus. L’Assemblée Générale
Ordinaire ne s’est pas encore tenue. Le bilan, le vrai n’a pas encore été fait.
On ne connait pas encore le coût des médailles de Makhloufi, ni celui de la
préparation de Bourraâda et des autres amis de la fédération, ni celui des
autres athlètes que la fédération semble avoir trainé comme un boulet aux
pieds.
Il ne s’agit pas
de réfléchir en terme générationnel à savoir d’ « anciens »
vs « jeunes » ou encore entre « anciens
présidents ou dirigeants » vs « nouvelle génération de
dirigeants » mais en terme de Compétence (Savoir,
Savoir-faire et Savoir-être).
La notion de
« candidat de consensus » est également vague.
L’athlétisme a besoin d’un leader qui aura dans son bagage à la fois le savoir
académique (diplôme, cela fait partie des critères obligatoires), l’expérience
qui n’est pas contrairement à ce que l’on croit généralement la pratique du
métier de technicien sur le terrain mais celle qui comprend également la
capacité à gérer les affaires multiformes de la fédération et l’aptitude à
tirer vers le haut l’ensemble de la structure aussi bien le staff fédéral que
les structures de base (clubs et ligues). Ce dont a besoin l’athlétisme est un
manager au sens moderne du terme.
El
Massa : Comment analysez-vous les déclarations de Toufik Makhloufi. Il
s'attaquait à qui ? A-t-il tort ou raison ? Et pourquoi Boulmerka l'a critiqué
?
Nous n’avons pas compris les déclarations intempestives du triple
médaillé olympique. Elles sont d’ailleurs incompréhensibles dans le contexte,
dans l’environnement qui est le sien.
On dit qu’il a pris la défense des autres athlètes. Nous voulons bien
le croire. Comme nous l’avons dit précédemment quel est le coût de sa
préparation ? Le coût de chacune des médailles qu’il a remportées ?
Que représente ce coût par rapport au coût global de la préparation de la
délégation de l’athlétisme ? Par rapport à la délégation olympique ?
Makhloufi est coutumier de ce type d’agissements. Souvenons-nous de
ses déclarations médiatiques à l’entame des saisons sportives 2014-2015
(polémique avec le mouvement sportif : FAA, COA et MJS) puis de celle de
la saison 2015-2016 (polémique avec la FAA et le COA) à propos d’un stage à
l’étranger puis de la délivrance d’un visa pour (croyons-nous sur la base des
informations publiées alors) dissimuler la non-justification des dépenses qui
avaient été engagées pour son compte, sa préparation, les résultats que l’on
connait.
Les déclarations de Makhloufi ont participé, de notre point de vue, à
la dissimulation de la réalité, du gaspillage, à camoufler l’absence du
résultat fixé comme objectif.
Makhloufi a aussi été embrigadé dans la campagne de justification des
résultats qui n’ont pas été à la hauteur des attentes populaires fondées sur
les pronostics des seigneurs de l’athlétisme.
L’icône de l’athlétisme
national a été manipulé par ceux qui ont détruit la discipline. En témoigne les
clowneries auxquelles il a participé en particulier avec Larbi Bourraâda
(remise de médailles, partage d’une de ses primes) pour figurant, lui aussi un
privilégié du système fédéral qui n’a pas tenu ses promesses. Les mises en
scène facebookiennes auxquelles il s’est prêté font aussi partie du scénario.
S’il avait eu réellement à cœur les difficultés (ô combien réelles) de
ses partenaires de l’équipe nationale, il aurait pu laisser une partie de
l’enveloppe financière qui lui a été consacrée à ses camarades. Ne l’ayant pas
fait, tout ce qui s’en suit n’est que gesticulations.
Nous n’avons pas eu connaissance de la totalité des déclarations de
Hassiba Boulmerka, la première médaillée olympique algérienne. Ce que nous
savons c’est que ses détracteurs, ceux de la préparation olympique telle
qu’elle a été menée, ont retenu qu’elle avait qualifié les médailles de
Makhloufi de « gadgets », « bricoles »,
« objets de pacotille ».
Hassiba Boulmerka connait la valeur d’une médaille (fut-elle de bronze)
ou d’un accessit olympique. Elle sait mieux que quiconque ce que cela peut
représenter en investissement individuel (en heures d’entraînement très souvent
difficiles, en hectolitres de sueur) ou en investissement collectif
(difficultés administratives et financières à résoudre par les accompagnateurs
pour que l’athlète soit placé dans les meilleures conditions qui ne sont et ne
seront jamais optimales). Elle connait
les tenants et aboutissants de la préparation de Makhloufi et des autres
athlètes.
Nous pensons que Hassiba ne pouvait pas humainement supporter que l’on
se moque, comme l’a fait Makhloufi, d’une médaille que tant d’athlètes de tous
pays convoitaient. Quand on joue avec la médaille olympique, on en fait un
jouet que l’on peut donner à des enfants qui n’en connaissent pas la valeur.
Hassiba a ainsi défini Toufik Makhloufi : il n’est qu’un enfant !