samedi 31 mars 2018

Ali Saidi Sief (18), La naissance d’une aristocratie


Dans le corps de la nouvelle caste qui prend le pouvoir dans la sphère sportive, pour les cohortes de dirigeants puisés dans les rangs des techniciens-fonctionnaires constitutifs de l’aristocratie du secteur, il s’agit d’un challenge difficile à relever.
Cette nouvelle caste est une catégorie socioprofessionnelle qui a été inscrite dans un cursus de carrière restrictif (celui des sciences et méthodologie du sport) qui, par la suite, se diversifiera. On constate que cette classe sera exclusive (dans la constitution de l’électorat sportif) des anciens sportifs (y compris internationaux) n’étant pas inscrit dans l’orientation académique privilégiée et dominante.
L’association algérienne des cadres du sport est passée par là non pas pour défendre la corporation mais pour devenir un instrument de pouvoir au service de la puissance publique. L’entrée en politique de l’association a été, nous l’avons vu par ailleurs, à l’origine de la dissension entre le clan Brahmia et celui constitué autour de Lounnas qui n’est cependant pas totalement responsable de l’opprobre qui rejaillira plus tard sur ses contrefacteurs.
Nous observerons que les plus illustres de ces anciens sportifs de très haut niveau (champions et/ou  médaillés olympiques et mondiaux) seront plus tard (au 21ème siècle) exclus de l’assemblée générale par une de ces nombreuses pratiques manipulatoires dont la sphère athlétique et les épigones de Lounnas furent friands.
L’exemplarité dont sont porteurs, à travers leurs palmarès, leurs auras, leurs légendes, les grands champions gêne aux entournures à la fois ceux qui n’ont pas percé dans leurs parcours sportifs et dans la dimension universitaire d’une part ainsi que les sportifs (convertis en entraîneurs) soucieux de gravir l’échelle du pouvoir électif sportif après s’être emparé, par le biais des réseaux en action, du pouvoir administratif sportif.
Dans ce maelstrom socio-économique destructeur de la vague rentière, la corporation des sportifs (au sens large incluant aussi bien les athlètes relégués cependant au dernier rang que les entraîneurs et les dirigeants) est habituée à être servi à la demande, conditionnée par le système économique et politique à trouver dans les coffres forts presque jusqu’alors inépuisables les prébendes qui furent ceux de l’Etat-Providence.
Comprenons-nous bien, l’Etat, le secteur productif public et privé sont, comme tous les acteurs du mouvement sportif national, à la recherche de trésorerie, que le marché international des hydrocarbures et de la rente qui en découlait, ne peuvent plus assurer. La sphère sportive a un besoin inextinguible de cash-flow qui n’est plus disponible.
C’est  l’incapacité des fonctionnaires (catégorie sociale à laquelle appartient la bulle sportive) à opérer la rupture épistémologique nécessaire, c’est-à-dire le passage de la vision socialiste du sport à la nouvelle vision (mentalité, attitude) plutôt libérale, qui amena le début de l’agonie des ASP (associations sportives de performance) et des ASC (associations sportives communales).
Le sort des premières étaient liées aux grandes entreprises publiques en très grandes difficultés. Les secondes ont été dépendantes, pour une partie signifiante de leur financement, de la coloration politique des assemblées populaires communales (APC) ou (plus précisément en conformité au schéma administratif transitoire de l’époque) des DEC (délégations exécutives communales), ces entités administratives désignées, par le pouvoir administratif et politique, en lieu et place des assemblées populaires élues accaparées par la mouvance d’inspiration islamiste lors des élections de 1991-1992.
Nous noterons que les répartitions des subventions (un aspect fondamental de la gestion des ASP et ASC) aux associations sportives ont été alors orientées, plus que par le passé, vers deux activités sportives : le football-roi et les sports de combat. Nous admettrons qu’il aurait été difficile, politiquement insensé dans la perspective de la continuité d’un système vacillant, d’écarter (compte tenu de l’importance de la place occupée dans l’imaginaire des citoyens et des décideurs) le football de la manne providentielle.


jeudi 29 mars 2018

Ali Saidi Sief (17), La pyramide tronquée

Pourtant, la masse indistincte des dirigeants composant l’assemblée générale de la fédération est issue de cette base (un concept que nous empruntons aux doubles discours politique et sportif dont la sémantique appartient à la tradition du Parti Unique et des courants idéologiques qui l’ont accompagné dans une vision de « critique constructive ») formatrice de l’assise de la pyramide.
Cependant, on ne dit pas suffisamment (dans la périphérie de la fédération et des ligues, que cette structure    pyramidale est tronquée en l’absence de structures intermédiaires entre cette base et le sommet de l’iceberg.
Les ligues régionales, rouages intermédiaires au sein de toutes les fédérations sportives légalement agréées, sont remplacées dans la structure de l’athlétisme, la puissance idéologique et administrative fédérale aidant, par des conseils de coordination régionale aux statuts juridiques indéfinis.
Ces CCR ont été imposés en toute illégalité (par rapport aux règles juridiques établies par les statuts-types des fédérations nationales et par la loi). Le fondement d’une théorie de coup d’état juridique (déjà en germe dès 1989 avec la mise en place du célèbre « tiers bloquant » réservé à la corporation et dans d’autres structures sociales) repose sur le concept idéologique structurant de la « souveraineté de l’assemblée générale ». Nous constatons qu’elle est remisée au placard en d’autres circonstances, au nom de la délégation de pouvoir exécutif accordée au bureau fédéral et à son président, pour être confiée ensuite aux « cadres permanents ».
Curieusement, ces nouveaux statuts ont été adoptés en catimini par l’assemblée générale dans le sens où cette résolution (et bien d’autres par la suite. Aucun PV de réunion n’a été publié sur le site de la fédération depuis le 30 mai 2017) ne bénéficient pas de la publicité adéquate via la transmission de la nouvelle assise juridique aux instances concernées (le ministère de la jeunesse, le comité olympique, la fédération internationale) afin d’en valider le contenu vis-à-vis des conventions internationales et de la réglementation nationale.
Ce sont ces dirigeants (présidents de ligue de wilaya) qui devraient ressentir le plus lourdement les  conditions dans lesquelles évoluent les clubs et donc faire évoluer le contexte. Ils ne sont malheureusement que des spectateurs d’une pièce théâtrale jouée par les acteurs principaux de la dynamique athlétique que nous rencontrerons plus loin.
En fait, la description de la structure fédérale de type démocratiques est une vue de l’esprit. Depuis 1989, le président de fédération est issu, le plus souvent, de l’autocratique et aristocratique corporation des cadres du sport dont sont extirpés (pour assumer les fonctions de responsabilité) des proches de la tutelle (wilaya et nationale) mise au premier plan et à la commande des ballets électoraux.
La composante des clubs et des ligues de wilaya qui est à la fois émanation de la base et représentation élitiste locale, n’échappe pas à la physionomie de la fédération.  A ces deux autres niveaux (clubs et ligues) de la pyramide sont quasiment exclus les bénévoles, les fameux « hors secteur » dont la représentation numérique est négligeable.
Dans la catégorie basique de l’échelle sont toutefois inclus, dans une attitude proche de condescendance seigneuriale, afin de pallier à la vacance de candidatures, ceux et celles qui appartenant à la grande famille de l’athlétisme par un curriculum vitae sportif qu’il est impossible pour la technocratie en formation, dans les années 1990, d’écarter d’un revers de main : les médecins et les arbitres.
L’écosystème dans lequel évolue l’athlétisme est caractérisé par un repli sur soi. Cet environnement clanique d’essence élective est renforcé par la nomination des représentants de la tutelle, par les membres  techniques des structures (ligues et fédérations), en charge des rouages administratif et financier, de la technique, de l’organisation sportive et du développement. Cet encadrement est choisi exclusivement parmi les cadres salariés du secteur.
  

mardi 27 mars 2018

Ali Saidi Sief (16), Le clash des philosophies


Lorsque Hassiba Boulmerka et Noureddine Morceli s’illustrent au niveau mondial, le plan d’ajustement structurel (P.A.S.) pointe le bout de son nez. Les résistances de quelques acteurs du pouvoir politique, partisans de l‘ « économie de guerre » n’y changent rien.  Les restrictions font déjà partie du quotidien de la population algérienne habituée depuis plusieurs années à un consumérisme de bas étage introduit par le P.A.P. (plan anti-pénurie). 
Concomitamment à la révision de l’idéologie socio-économique alors dominante, l’encadrement juridique et organisationnel du mouvement sportif national fait l’objet d’un amendement révolutionnaire introduisant   une dose de libéralisme (ce que les membres de la grande famille sportive se refusent obstinément et jusqu’à aujourd’hui à voir et à reconnaitre) inscrite dans le concept de « désengagement de l’Etat » que l’on perdra de vue lorsque le prix des hydrocarbures retrouvera des couleurs ou qu’il faudra calmer la colère populaire.
C’est cependant au cours de cette période que l’athlétisme algérien fut au plus haut, connut ses plus belles heures. Pourtant, en ce temps que l’on pourrait dire béni par les dieux de l’Olympe, toutes les difficultés se sont rassemblées, ajoutées, agglutinées les unes aux autres pour le mettre à genoux. Dans l’indifférence quasi-générale.
En ces temps difficiles, où le sang coule sans discontinuer, les athlètes, les dirigeants, les entraîneurs font partie des cibles privilégiées au même titre que les citoyens et les intellectuels progressistes (hommes et femmes le plus souvent non voilées), les journalistes, les représentants de l’Etat au niveau local, les Patriotes et GLD, les policiers, les militaires.
La décennie sanglante, la dernière du 20ème siècle marque également le début de la perte des repères de l’athlétisme algérien. Elle est celle où s’affirme deux troubles mentaux, la paranoïa et la schizophrénie idéologique et sociologique des parties ne partageant pas les idéaux prônés par les deux parties dominantes.
Cette paranoïa et cette schizophrénie sont fondées sur un sentiment d’exclusion. Elles ont aussi pris leurs racines dans les discours populistes et dans cette notion de « démocratie » mal assimilée qui conduit à une forme d’activisme discursif annihilé par la mainmise de plusieurs clans véhéments sur le devenir de la discipline.  
 Au cours de cette période cognitivement instable car en pleine mutation, le sens du devoir et le sens du service public transcendent encore l’action. Le changement de siècle voit déjà apparaitre la transformation du substrat fondé sur l’intérêt général en une autre perspective portant l’intérêt personnel. L’individualisme, l’égoïsme, l’égocentrisme ont pris les commandes. 
L’impact de la perte de repères fut ressenti jusque dans les contenus de la législation et de l’organisation sportives apparues à partir de l’abrogation du système sportif antérieurement basé sur une organisation de type soviétique et son remplacement par une autre législation et une autre organisation distinguant dans la prise  en charge le sport de haut niveau (les équipes nationales) du sport de base (les clubs).
Tandis que le premier niveau de la structure sportive reste à la charge de l’Etat, le second dépend des efforts consentis par les dirigeants appelés à se transformer en lobbyistes, en quémandeurs de subventions auprès des autorités publiques, des entreprises étatiques dont la privatisation est largement entamée et des  moyennes entreprises du secteur privé en germination. Les nouveaux dirigeants ne sont pas préparés à ces nouvelles missions et aux mentalités qui y président.
Le lien ombilical, dans ses dimensions juridiques et administratives, fut rompu dans l’esprit des dirigeants fédéraux qui se tournèrent essentiellement vers le premier des deux niveaux de pratique et, cela fait partie du fonctionnement social, de la satisfaction des desiderata de la hiérarchie administrative dont l’ambition, seule et unique, est de faire valoir la dimension symboliquement politicienne de la Victoire.  

samedi 24 mars 2018

Ali Saidi Sief (15), L’apparition des racketteurs


Le pilier de l’athlétisme, soutien indéfectible de la gestion fédérale, omet cependant de déclarer et d’observer que ces  économies bénéficient prioritairement à la super-élite  réduite à sa plus simple expression (deux ou trois athlètes). Dont l’un (Toufik Makhloufi) échappe totalement à la gestion fédérale.

Dans un tel contexte de laxisme qui s’apparente à un véritable bazar à ciel ouvert, la fonction d’agents d’athlètes, jusqu’alors marginale (bien qu’elle ait animé les débats à l’époque des Morceli et Boulmerka), est mise au  centre du système.

Elle a fait naître une impression désagréable. C’est celle qui transparait dans les récits (de plus en plus récurrents) offerts à la consommation publique par des athlètes constatant à leurs dépens des cas de transformation de dirigeants et  d’entraîneurs en prédateurs.

Certains membres de cette nouvelle race d’entraîneurs-managers se conduiraient en véritables racketteurs, délinquants, escrocs à la petite semaine. On ne peut s’empêcher (en évoquant ce sujet du management des athlètes) de se remémorer que, au cours des années 90 et suivantes, pendant la période de Noureddine Morceli survolant les courses mondiales de 1 500 mètres qui a vu l’introduction de cette fonction dans l’athlétisme national, Amar Brahmia, manager du champion du monde et champion olympique (puis des athlètes du Mouloudia d’Alger) avait été la cible d’accusations du même type de la part du groupe antagoniste installé confortablement dans l’assistanat fédéral.
 Les néo-managers s’approprieraient de parts plus ou moins importantes des primes et récompenses perçues en contrepartie des résultats et performances acquis sur le terrain par ces athlètes que l’on peut considérer sans équivoque comme les sujets d’un esclavagisme des temps modernes.
Pire, ils s’empareraient  de l’ « argent de poche » mis à la disposition des jeunes athlètes retenus dans les sélections nationales par la réglementation nationale relative au financement des participations à des championnats et jeux se déroulant à l’étranger d’une part ou.
Comparativement aux maigres avantages dont ils disposaient au pays, les sportifs exilés (qui ne sont pas tout à fait des harragas car en règle sur le plan consulaire, couverts par un passeport et un visa établis en bonne et due forme, un billet de retour et quelques maigres économies constituées au fil des déplacements ponctués de compétitions à l’étranger avec les groupes d’athlètes fédéraux ou indépendants) survivent grâce aux aides le plus souvent octroyées par des clubs étrangers en quête de champions en devenir pour rehausser leurs statuts dans les classifications nationales et de techniciens, diplômés des instituts algériens,  en situation de précarité.
Dans notre réflexion, nous ne négligerons pas que la situation sécuritaire eût également pour conséquence l’apparition d’une branche féminine de l’exil sportif que l’on n’évoque guère. Les sportives (athlètes, techniciennes ou conseillères des sports) ont fait partie des cibles privilégiées du terrorisme fondamentaliste qui leur reprochait d’abord la pratique sportive et ensuite de se comporter en tant que telles en alliées de la mécréance et de la tyrannie.  
L’ouverture politique dont il a été question plus haut est la conséquence directe et implacable de la chute des prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux. La diminution des recettes pétrolières, sources principales des revenus de l’Etat, l’impossibilité de poursuivre la politique de la rente, a conduit à une négociation (en totale contradiction avec les principes économico-idéologique antérieurs) avec les institutions financières consacrées par les accords dits de Bretton Woods (Banque mondiale, Fonds Monétaire International, Club de Paris et Club de Londres) posant, dès la fin de la 2ème Guerre Mondiale, les premiers jalons de la globalisation et du néolibéralisme.
La volte-face économico-politique est étonnante pour une nation qui, très tôt dans son Histoire de nation  ayant arraché son indépendance, a rejoint le camp « des collectivistes ».

mercredi 21 mars 2018

Ali Saidi Sief (14), La migration en tant que substitut


Cette forme de migration est aussi le corollaire de l’affaiblissement de la fédération, de la diminution de ses moyens financiers et organisationnels.
Les meetings du « Grand Prix FAA », les challenges nationaux de cross-country et de courses sur routes n’attirent (nous devons amèrement le constater) que les athlètes présents sur le territoire national et ceux qui ne sont pas intégrés dans les stages (nationaux ou à l’étranger) mis en place dans le cadre des programmes de préparation aux compétitions internationales formulés par la DTN et la direction des jeunes talents sportifs.
Pourtant, les challenges sont relativement lucratifs. La récompense offerte aux vainqueurs de la course des seniors atteint souvent quatre fois le salaire mensuel d’un travailleur ou dépassant celui d’un ingénieur ou d’un médecin. Elle reste bien loin, il est vrai, des primes de matchs des footballeurs.
 Cette forme de migration temporaire et/ou transitoire est celle à laquelle ont recours les athlètes mis à l’écart du système fédéral, croyant en leurs potentiels et se trouvant (en l’absence de toute aide dont la nature n’est pas toujours exactement définie) dans l’obligation de prendre leurs projets à bras-le-corps pour préparer quelques objectifs et réaliser des performances qui puissent attirer l’attention sur eux.
Ces jeunes athlètes, devenus des habitués des lignes aériennes entre l’Algérie et l’Europe (essentiellement la France) souvent fraichement émoulus de la catégorie junior (appartenant donc à celle des « Espoirs ») dont l’âge  varie entre 21 à 23 ans, font l’objet (c’est aussi une des constante du système) d’une intégration dans des  clubs européens où ils sont entraînés aussi bien par des techniciens français que par des…… entraîneurs algériens, aux parcours sportifs internationaux plus qu’honorables (demi-finalistes et finalistes des championnats du monde ou des Jeux olympiques), de plus en plus nombreux à quitter le pays, leurs carrières sportives et leurs formations d’entraîneurs terminées. Ce ne sont certainement pas les pétrodollars qui, comme d’autres entraîneurs expatriés, les motivent.
Le phénomène des « athlètes migrateurs » a été si important (et est devenu si familier dans le paysage athlétique algérien) que la fédération algérienne du président Bouras en a été venue à légiférer. Une réunion bureau fédéral a pris la décision d’interdire la double licence par laquelle un athlète adhérait à un club en Algérie et à un autre à l’étranger. La représentation d’une double allégeance sportive.
Cette  interdiction, se présentant de notre point de vue comme une formalité administrative prise aux yeux des responsables politiques, ne porta aucun fruit. Il faut dire qu’elle fut rapidement transgressée, bafouée en premier lieu par les proches des responsables fédéraux et par les athlètes de l’élite intermédiaire. 
Pis, certains entraîneurs de l’élite, parmi les mieux considérés, les mieux soutenus par l’appareil étatique, en sont venus à gloser sur cette situation des plus grotesques. L’un d’entre eux y a même vu un nouveau mode de gestion de la FAA en vue du développement de la discipline afin de pallier au désengagement des pouvoirs publics. Nous ne retenons même pas l’argument de l’empêchement des libertés individuelles  invoqué, tant il est ridicule dans un pays où elles sont poussées sur les bas-côtés.

Selon ces propos – tenus, nous devons le préciser, par l’un de ces piliers notoires du système, réputés par leurs excès, leurs exigences et leurs dérives, abonné aux prises en charge fédérale et aux bourses du COA et du MJS et donc peu concernés par la problématique- les athlètes ayant choisi cette voie participent à l’allégement des charges financières pesant sur la fédération terriblement endettée (quelques 12 milliards de centimes lors de la passation de consignes entre l’ancien président Bouras et son ex-premier vice-président Abdelhakim Dib, élu après que le système ait écarté tous les candidats).


lundi 19 mars 2018

Ali Saidi Sief (13), Entre les deux, mon cœur….


Malgré l’écoulement du temps et l’éloignement de sa famille,  Abdi Youcef, bien qu’il ait payé le prix fort du dépaysement, estime qu’il a réussi son aventure australe. Il dit avec pudeur : « je vis très bien et (….) rien ne me manque ». Quand le mal du pays le tenaille, il prend l’avion (avec femme et enfants) pour venir humer l’odeur du genêt.
D’autres athlètes plus âgés, dans la plénitude de leurs capacités athlétiques, ont choisi de tourner leurs  regards vers d’autres horizons, vers le « Vieux continent » ou le « Nouveau Monde » où ils s’installèrent définitivement. Gatte Ryad, ancien membre du  groupe constitué autour de Hassiba Boulmerka, en fait partie. Il s’est installé, aux Etats-Unis où il a fait sa vie en épousant une Cubaine (réfugiée à Miami) rencontrée au cours des stages organisés sur l’île castriste.
Ce furent des émigrants au sens plein du terme. Ils préfigurèrent les « athlètes migrateurs » d’aujourd’hui.
Ces anciens athlètes se distinguent toutefois des athlètes appartenant à la nouvelle génération. Ces derniers ont, pour l’heure, contrairement à leurs aînés auteurs d’un choix cornélien. Ils font le grand écart entre les deux rives de la Méditerranée. Un pied est sur le sol du pays qui les a vus naître et un autre là où se déroule la majeure partie de leurs existences sportives. Là où ils concourent régulièrement et où ils tentent de réaliser les minima de participation aux compétitions internationales, en tant que représentants algériens.
Ils attendent (on ne doit pas en douter) des jours meilleurs perçus par le truchement d’un changement de nationalité sportive. D’ailleurs, ces derniers mois, il n’y a plus aucune gêne à exprimer cette tentation (motivée, expliquent les concernés ou leurs proches, par les mensonges et les déclarations dilatoires, l’indifférence générale des responsables et la déliquescence du mouvement sportif national) sur les réseaux sociaux.
Les tabous d’hier n’ont plus court. Ils ont été brisés par les norias d’universitaires de tous profils, de médecins et par les hommes politiques évincés ou les opposants au régime, et leurs proches familles.
Ce qui n’est pas dit, c’est que dans les pays d’accueil, où les autochtones éprouvent les pires difficultés à vivre, les athlètes vivotent sous un statut peu reluisant qui souvent n’est guère éloigné de celui de SDF.
Ils y échappent parfois grâce à la générosité et à l’assistance multiforme apportée par d’autres sportifs émigrants, leurs aînés, leurs prédécesseurs plus ou moins bien installés. Ces derniers reprennent le flambeau porté par les premières générations d’émigrés. Ils se comportent en une sorte de relais, en acteurs de la filière de l’entraide traditionnelle qui a accompagné les vagues migratoires successives comprises entre l’après-seconde guerre mondiale et la fermeture des frontières à l’émigration.
Le phénomène des « athlètes migrateurs » est apparu, dans sa forme organisée que l’on connait aujourd’hui, vers 2012. Il y a lieu de comprendre qu’il s’agissait alors d’une émigration temporaire ayant pris deux aspects. 
Le premier est celui emprunté par des athlètes perpétuant le mode organisationnel ayant eu cours pendant la période étatique de l’histoire de l’athlétisme algérien.
Ils  s’organisèrent en petits groupes afin de participer à des tournées de compétitions hivernales et estivales leur offrant l’opportunité de se frotter à une adversité prétendument plus forte que celle qu’il serait possible de trouver dans les compétitions du pays, délaissées par les athlètes émergents.
La situation est cocasse. En effet, ces athlètes se retrouvent sur les mêmes pistes d’Europe, participant à des meetings dont le niveau, la qualité ne répond pas toujours à ce qu’ils avaient rêvés. Des compétitions nationales (françaises, allemandes, suisse, italiennes, espagnoles, turques, etc.) à participation internationale dont ils enrichissent le plateau en appauvrissant, dans la foulée, la participation aux meetings algériens.

samedi 17 mars 2018

Ali Saidi Sief (12), En finale des Jeux Olympiques


Nous dirons que, dans l’historiographie du 1 500 m australien, Abdi Youcef rejoignit le légendaire Herbert Elliot, champion olympique de la distance aux jeux de Rome (1960).
Il ajouta d’autres lignes à son palmarès international. Parmi celles-ci, en  2010, huit ans plus tard, on retrouve une place de finaliste (6ème en 8.33.20, toujours au 3 000 m steeple) aux Jeux du Commonwealth de New Delhi.
Entre temps, en 2008, il participa également au nec plus ultra des événements sportifs, à la compétition dont rêvent tout éveillés tous les athlètes sans exception: les Jeux Olympiques.
Pour lui, ce furent les Jeux de Pékin. Il fut donc présent, avec une satisfaction certaine, deux olympiades après les Jeux auxquels participèrent ses pairs, les athlètes qui furent présents et médaillés aux Jeux de Sidney 2000. Pour en revenir à Abdi, souvenons-nous seulement qu’aux championnats du monde juniors de Sidney (1996), quatorze ans auparavant, il avait devancé les deux athlètes dont il est  question: Saïdi-Sief et Ngeny.
Ces Jeux du début du 3ème millénaire avaient été organisés sur le sol de sa nouvelle patrie. Il en fut écarté par les circonstances. Remarquons que sa nouvelle allégeance ne fut pas motivée par une sélection pour ces jeux comme on serait tenté de le croire au vu des pratiques qui ont court, depuis quelques années, au sein des pétromonarchies, en Turquie et d’autres nations occidentales.
Devant le succès de cette démarche, même les Etats-Unis y ont eu recours pour former l’équivalent de la Légion Etrangère française en recrutant des Kenyans. On observera que ces pratiques sont aussi collatéralement impactées par le fléau du dopage.
A ces Jeux de Pékin, il disputa la finale du 3 000m  steeple et se classa à la 6ème place avec un chrono de 8.16.36 (8.17.97 au premier tour) que peu d’Algériens, disposant des meilleures conditions qu’ait pu offrir le système, sans être confrontés aux embuches de toutes genres liées à l’expatriation que sont la perte/recherche de repères spatiaux, linguistiques et culturels, ont été en mesure de réaliser.
Cette place de finaliste fut bien évidemment pour Abdi Youcef l’apothéose d’une carrière sportive manquant de linéarité. La consécration tant espérée mais pas la fin d’un parcours qui dura jusqu’en…. 2016.
Nous devons imaginer que cette place de finaliste des Jeux Olympiques a dû avoir une saveur intérieure particulière. On raconte dans les chaumières facebookiennes qu’Abdi Youcef ne s’était pas coupé totalement de ses concitoyens d’antan. Il recherchait, lors de toutes les compétitions internationales auxquelles il participait, la présence des athlètes algériens, partageant sans doute avec eux  le récit ritualisé de leurs mésaventures et autres tracas avec les structures gestionnaires. A Pékin, Rabia Makhloufi, le représentant à ces Jeux de sa patrie d’origine, fut éliminé lors des séries (8ème  en 8.29.74).
Lorsque en 2016, Abdi fêta son 38ème anniversaire, il pouvait être alors considéré, sans exagération aucune, comme le dernier des Mohicans, le dernier  des internationaux algériens de sa génération encore en activité, à un niveau appréciable (8.33 en 2015) sur sa distance fétiche.
Observons par ailleurs que, contrairement à la majorité des coureurs de demi-fond, il n’est pas « monté », n’a pas fait carrière sur les distances plus longues et il ne s’est pas tourné vers les courses sur route. Même si, son parcours montre qu’il s’est aligné au départ de quelques-unes d’entre elles.
Nous devons reconnaitre que le jeune coureur considéré comme « grillé » par les experts du stade annéexe ne le fut pas autant qu’on l’avait prédit du côté du stade du 5 juillet.

jeudi 15 mars 2018

Ali Saidi Sief (11), Héros au pays des kangourous

Abdi Youcef affirme que c’est grâce à ses efforts personnels, en tentant de concilier l’impossible équation « travail-entraînement » proposée à un migrant sans ressources en territoire étranger, en se « distinguant dans cette discipline » qu’il s’est « ouvert les portes de la consécration dans un pays où seule la performance compte pour se frayer un chemin dans n’importe quel sport ».  
Par cette phrase anodine, il en profite pour enfoncer le clou, pour montrer son ressentiment vis-à-vis du système fédéral où la performance ne serait pas le critère de sélection. Disons qu’Abdi Youcef n’est pas le seul à le faire, à tenir ce discours qui n’est pas audible en ces hauts lieux de la responsabilité sportive coupés du reste du monde.
Mais, c’est sans doute l’avantage, il est l’unique athlète à avoir réussi une carrière sportive correcte (au niveau mondial s’entend) sans avoir été aidé par la fédération algérienne et les autres instances sportives. En attendant que nous ayons la possibilité de connaître le soutien qu’aurait pu lui apporter celles d’un pays avec lequel le seul lien est un passeport.  
Selon les quelques explications données, cette situation difficile, son « calvaire » (une période au cours de laquelle il a du faire ses preuves) aurait duré deux années. Du point de vue chronologique, il signifie qu’il serait arrivé en Australie en 1998.
Ses efforts, nous dit-il, furent finalement récompensés en lui permettant d’obtenir la nationalité australienne. Il précise que ce fut plus précisément au cours de l’année 2000 (qui est celle de l’organisation des Jeux Olympiques par l’Australie) qu’il acquit sa nouvelle nationalité tout en conservant l’ancienne.
Sous les couleurs du pays auquel il a fait maintenant allégeance, il eut une carrière sportive internationale plus qu’honorable. Il est à mettre en avant qu’il a participé à des compétitions (les Jeux du Commonwealth) qui, sous nos cieux, ont un caractère anecdotique, peu familier, exotique et surtout qui ne marquent pas les palmarès des athlètes algériens et ceux du bassin méditerranéen.
Les Jeux du Commonwealth regroupent les nations appartenant à l’ancien vaste empire britannique. Outre les îles britanniques que l’on connait peu ou prou (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande et Eire) connaissent la participation des anciennes colonies de la Grande-Bretagne que sont le Canada, les iles de l’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande), les iles des Caraïbes (Jamaïque, Bahamas, Barbade), les nations du sous-continent indien (Inde, Pakistan, Bengladesh, Malaisie) ainsi que celles d’Afrique (Afrique du Sud, Kenya, Tanzanie Namibie, Nigéria, Botswana, Zambie, Zimbabwe, Cameroun, etc.), la planète de l’anglophonie. On constate à la lecture de cette liste incomplète que ces Jeux rassemblent des puissances athlétiques dont la présence dans les palmarès des championnats du monde et des Jeux Olympiques est attestée.
Réputé être un coureur de 3 000 m steeple, Youcef Abdi remporta en 2002 (deux ans après être devenu Australien et certainement deux années de préparation sportive selon les normes remplaçant deux autres années de difficultés) la médaille de bronze du 1 500 m des Jeux du Commonwealth de Manchester (3.37.77). Son record personnel sur la distance est de 3.36.35. Il a été réalisé à deux reprises en 2002 puis 2003.  
Selon l’Australo-amazigh (l’entretien, à la suite de l’évocation de son intégration dans la société australe, est centré dans sa seconde partie sur la question de l’amazighité telle que perçue par un supporter de la JSK installé à l’autre bout du monde, dans un pays arborant les mêmes couleurs que le club mythique de la Kabylie), cette médaille aurait eu une importance historique et symbolique « pour l’athlétisme australien qui n’avait pas réussi un tel exploit quarante ans durant ».

mardi 13 mars 2018

Ali Saidi Sief (10), Galère pour un "sans-papiers"


La jeune génération doit savoir qu’en 1991, après les championnats du monde de Tokyo, certains entraîneurs, parmi les plus influents de la DTN, s’opposèrent, de toutes leurs forces, à ce qu’Abderrahmane Morceli (ou Amar Brahmia) soient récompensés au même titre qu’Amar Bouras ou Ahmed Mahour Bacha.
Le départ à l’étranger d’Abdi Youcef est encore l’objet de discussions passionnées et passionnantes parmi ceux qui le côtoyèrent. Pour certains, Abdi fut (bien avant les judokas et boxeurs qui défrayèrent les  informations sportives nationales) le premier transfuge, au sens propre du terme. Pour d’autres, son exil s’apparenterait à celui d’Abaoub. Un voyage de reconnaissance des lieux et de préparation (tous frais payés par la fédération) suivi par un aller sans retour.
Pour les premiers, il avait été sélectionné pour participer (en compagnie de Miloud Abaoub et d’Ali Saïdi-Sief) aux championnats du monde junior organisés à Sidney en 1996. Il aurait fait défection pendant la compétition et serait resté au pays des kangourous.
Pour les seconds, il aurait concouru pour l’Algérie, serait revenu avec la délégation puis serait reparti. Un jour sans doute, quand il souhaitera vider entièrement son sac, expliquera-t-il, avec plus de précisions qu’il ne l’a fait, ses motivations et la manière dont il s’y est pris.
A propos du départ de Youcef Abdi, des hypothèses émises laissent à penser qu’il aurait pu subir l’influence de son compatriote (légèrement plus âgé) Nabil Adamou qui lui aurait « préparé » le terrain. Ce sauteur en longueur (PB : 7m 98 lorsqu’il revint lui-même, après les jeux olympiques de Sidney, de son exil en Australie) était déjà sur place et aurait servi de guide à la délégation algérienne. Quoiqu’il en soit les conditions véritables dans lesquelles Youcef Abdi s’est lancé dans l’aventure restent à élucider. Attendons que la parole se libère totalement.
Notons que « Kabylie Times » lui consacra, il y a peu, un court article qui n’apporte rien de bien nouveau si ce n’est quelques confirmations sur les difficultés rencontrées. Le coureur kabyle n’est pas entré dans les détails que nous attendions.
On apprend ainsi qu’il avait voulu partir pour « réussir ma carrière » sportive. Il s’était rendu compte « qu’on ne voulait pas me voir réussir en Algérie ». Un discours que l’on ne connait que trop bien, tant il a été ressassé.
On ne connait presque rien des conditions de vie qui furent les siennes. Ce qu’il en dit se résume en quelques lignes par lesquelles il raconte la première partie (qui parait avoir été la plus difficile) de sa vie australienne. Elles suggèrent qu’elles auraient été très proches de celles par lesquelles sont passés les communautés d’émigrants auxquelles il appartient incontestablement.
Les mots utilisés par Abdi Youcef sont à la fois simples et significatifs. En particulier au moment où il confie que pendant une période de deux années, celles qui suivirent son installation, il a «vraiment galéré ». Il ajouta aussi qu’en certaines circonstances il n’avait pas les moyens de payer une chambre d’hôtel et qu’en conséquence il a dû passer des nuits à la belle étoile.
Abdi Youcef n’a pas été prolixe sur ce thème qui n’était pas la préoccupation première, il faut en convenir, du journaliste ayant recueilli ses propos. On apprend cependant que, au cours de cette période, la pratique de l’athlétisme a été presque reléguée au second plan tout en restant le moteur principal de sa motivation.
Il affirme que, même dans les moments les plus durs, il ne pouvait oublier que l’objectif de son aventure était la réussite sportive. Il reconnait également que ce fut dur « de travailler et m’entraîner » pour une raison toute simple connue des migrants illégaux: « je n’avais pas de papiers ».

lundi 12 mars 2018

Ali Saidi Sief (9), Abdi Youcef, le migrant


Sans doute, l’ex-enfant prodige des Aurès a-t-il emprunté la voie des courses aux primes, celle du mercenariat. Nous n’avons pas malheureusement suffisamment d’informations sur cette question pouvant tarauder l’esprit de beaucoup d’observateurs et d’analystes, soucieux de comprendre les raisons de son échec. S’il en existe encore. Bien que nous devions admettre que la course aux cachets soit (pour un athlète dans la situation de Miloud Abaoub) le meilleur moyen d’arrondir les fins des mois difficiles en terre étrangère.
On pourrait raconter à l’envie, certainement sans beaucoup dévoyer la réalité,  la saga de Miloud Abaoub en nous inspirant des récits des jeunes athlètes marocains de demi-fond. Si ce n’est que, par bonheur, pour le coureur algérien la fin soit plus heureuse.
Il parait ne pas avoir son nom cité dans la moisson des faits divers marquant la diaspora marocaine dont de nombreux membres alimentèrent, plus que de raison, la chronique européenne (France, Espagne, Belgique) du dopage amenant à la conclusion, toutefois superficielle et rapide, suivante : la précarité conduit aux dérives éthiques ou dans le meilleur des cas à la stagnation. La prolifération des champions ne doit pas une bonne chose dans l’esprit des responsables.
A ce que l’on sait, après quelques recherches documentaires, c’est que l’aventure sportive française de Miloud Abaoub a tourné court. Ses meilleures performances chronométriques sont restées orphelines.
Après avoir atteint le seuil du niveau mondial de son époque, il fournit la norme à de jeunes coureurs algériens qui firent mieux que la génération précédente (celle des années 80 : Abderrahmane Morceli, Rachid Kram, Amar Brahmia) qui ne put franchir la barre des 3.36 au 1 500 m. A quelques exceptions près, les espoirs algériens du 1 500 m (course devenue emblématique) restèrent longtemps en deçà de 3.32. Jusqu’à l’apparition de Saïdi-Sief puis de Toufik Makhloufi !
Le second « fugueur », fut Youcef Abdi. Au cœur de la décennie 1990 (nous l’avons retenu car il appartient à la même classe d’âge que Miloud Abaoub et Ali Saïdi-Sief), il fut  un coureur. Il l’était déjà en minimes et cadets.
Il est originaire d’Azazga, une localité de cette wilaya de Tizi Ouzou qui commençait, sous l’impulsion des enseignants d’EPS et de jeunes techniciens fraichement émoulus des instituts de formation, à faire bouger les idées reçues sur les places fortes de l’athlétisme algérien. Les spécialistes des courses de demi-fond le voyaient au même niveau chronométrique que Morceli (dont il tutoya les records jeunes) ou plus exactement d’Azzedine Brahmi, médaillé de bronze du 3 000 m steeple des championnats du monde de Tokyo.
Comme tant d’autres athlètes, avant et après lui, il n’était pas dans les petits papiers de la fédération, sur la liste des athlètes devant bénéficier du soutien fédéral. Il faut dire que la voix de Tizi Ouzou ne portait pas jusqu’au stade annexe et que les méthodes de son entraîneur n’étaient pas en phase avec le discours ambiant. On l’accusait alors de « griller » son athlète.
L’autre hypothèse, faisant suite à la polémique signalée ci-dessus, est qu’il était inscrit sur une autre liste, celle de ceux (athlètes entraîneurs) refusant de passer sous la coupe réglée des entraîneurs dits nationaux. Des techniciens appâtés (comme le montreront, au cours des années suivantes, les actes des uns et des autres) par les récompenses et avantages divers qui furent offerts aux entraîneurs de Hassiba Boulmerka et Noureddine Morceli, après leurs titres de champions du monde de 1991.
La motivation par l’argent (la rondelette somme de 1 000 000 de dinars soit environ 100 fois le salaire minimum  de l’époque) et les logements attisent les tentations et clivent les relations.

samedi 10 mars 2018

Ali Saidi Sief (8), Gloire et déclin


Quelques semaines après cette tentative d’émigration clandestine, le tout nouveau champion du monde cadet du 3 000 m battit le record national de la distance en 8.16 à l’occasion des championnats d’Algérie scolaires par équipes d’établissements, organisés alors traditionnellement par la ligue de wilaya des sports scolaires de Constantine, au début du mois de juin de chaque année, depuis 1988.
Quelques mois plus tard, à la rentrée scolaire, Miloud Abaoub partit en respectant les règles de   franchissement des frontières, pour l’Ouest de la France où l’attendait une place en formation professionnelle qu’avait pu lui  obtenir un ancien entraîneur de Prosider Annaba devenu manager ou plutôt un agent d’athlètes au statut mal défini. On dit encore qu’il puisa sans compter dans le vivier des jeunes. Certaines « médisances » laissent même entendre qu’il se serait investi en particulier dans les effectifs scolaires.
En 1996, après deux années passées en Vendée (une province française qui fut, à la fin du 18ème siècle, avec les Chouans, aux idées républicaines et se rangea aux côtés des monarchistes), Abaoub se classa à la première place du championnat de France junior de cross-country. L’été suivant, il conquit la médaille de bronze du 1 500m des championnats du monde junior de Sidney (3.39.37). 
Dans cette finale qui vit le jeune Batnéen tirer brillamment son épingle du jeu, deux noms, qui plus tard seront auréolés de gloire, ressortent. Il s’agit de ceux de son compatriote Ali Saïdi-Sief (7ème en 3.42.12) et du Kenyan Noah Ngeny (8ème  en 3.42.44).
Les années qui suivirent cette finale des championnats du monde juniors de Sidney  furent brillantes pour les  deux adversaires de Miloud Abaoub. Aux championnats du monde de Séville de 1999, le Kenyan sera médaillé d’argent du 1 500 m (3.28.73). Il se classa derrière Hichem El Gueroudj (dont il fut le « pace maker », le meneur d’allure dans les meetings) qu’il devança, une année plus tard,  aux Jeux Olympiques de Sidney (2000). A ces mêmes Jeux Olympiques de Sidney, Ali Saïdi-Sief fut sacré vice-champion olympique du 5 000 m.
En 1998, deux années après les championnats du monde junior, Miloud Abaoub courut le 1 500m en 3.34.37 et le 3 000 m en 7.45.75 (ses records personnels). Cette année-là fut pour lui remarquable. A la fin de l’hiver précédent, il s’était classé à la 26ème  place du cross court des championnats du monde de la discipline.
L’année suivante, en 1999, il fut demi-finaliste (11ème) du 1 500 m des championnats du monde d’athlétisme disputés à Séville (Espagne), juste devant Ali Saïdi-Sief (12ème). Noureddine Morceli, sur le déclin depuis la finale d’Atlanta, abandonna en finale. Séville marqua un tournant de l’athlétisme algérien.
A nouveau, dix années après 1988, à la fin de la décennie dorée, une croisée des chemins se présente pour les meilleurs jeunes coureurs de demi-fond algériens.
Observons que, au début du 21ème siècle, dans le prolongement de ce qu’il advint à Abaoub, Saïdi-Sief et d’autres jeunes brillants jeunes champions, médaillés ou finalistes des championnats du monde juniors ultérieurs, la discipline connait un drôle de destin. Comme Chronos, elle dévore ses meilleurs enfants.
Le récit connu de l’existence et du parcours sportif de Miloud Abaoub est réduit à sa plus simple expression. La seule certitude que nous ayons est qu’à partir de 1999, il est engagé dans une courbe déclinante faite de régressions chronométriques accompagnées par de nombreuses participations à des cross et à des courses sur route.
Le destin de Saïdi-Sief sera quasiment semblable à celui de Toufik Makhloufi, les mêmes entraineurs (Brahmia et Dupont), la même progression prodigieuse. La différence est que des vents contraires entraînent l’un (Saïdi-Sief) vers une carrière sportive incomplètement aboutie et le second (Makhloufi) vers la gloire olympique, leur objectif commun.

jeudi 8 mars 2018

Ali Saidi Sief (7), La comète Miloud Abaoub


La volonté de se tenir éloigné des affaires publiques et sportives (une attitude qui a été aussi celle de nombre de ses prédécesseurs dont beaucoup étaient en outre tenus, en considération de leurs appartenance aux corps constitués, par une forme d’obligation de réserve et d’esprit de corps) a souvent été reproché à Morceli par ceux, de toute appartenance idéologique, qui auraient voulu obtenir ne serait-ce qu’un soutien de pure forme, de façade à leurs actions et déclarations.
Bien que répondant favorablement à toutes les sollicitations à participer aux cérémonies protocolaires en lien avec le sport, il se tient donc à l’écart des instances sportives (fédération d’athlétisme, ministère, comité olympique algérien) usant de tous les moyens pour l’attirer dans leurs girons respectifs.
On peut penser que cette attitude participe de sa réserve naturelle et de l’adage populaire du «  le chat échaudé craint l’eau froide » reposant vraisemblablement d’une réaction reposant sur l’épisode des semaines qui suivirent les Jeux Olympiques de Barcelone qui auront fortement marqué à la fois sa mémoire, son esprit et son comportement vis-à-vis des institutions nationales qui n’avaient pas été en mesure de lui apporter le moindre soutien psychologique alors qu’il était à la fois soumis à un lynchage médiatique des nationalistes et loué par les islamistes.
Nous devons admettre que, dans certains esprits, Noureddine Morceli n’était sans doute pas suffisamment Algérien du moins dans la définition de l’identité nationale qui était la leur et qui fonde l’idée que la majorité des Algériens ont de leurs concitoyens dérogeant aux normes érigées par les forces sociales dominantes.
C’est ce conditionnement que l’on pourrait introduire dans un raisonnement conduisant à disqualifier également ces jeunes athlètes qui ont suivi cette voie en invoquant la trahison et vilipendant ensuite les footballeurs (et autres sportifs) franco-algériens sélectionnés en équipe nationale.
Remarquons que ce mode de pensée (« le compter sur soi »), dans une forme très édulcorée et  malheureusement de moins bonne qualité, deviendra prépondérant au cours de la seconde décennie du 3ème millénaire. Il emporta l’univers athlétique dans une vague lorsqu’interviendra le déclin managérial de l’athlétisme et de ses structures qui elles aussi été habituées aux postures d’assistés inscrites dans la permanence de la doxa nationale.  
Dans le sillage de Morceli, quelques années plus tard, après les JO de Barcelone, de jeunes athlètes - ne faisant pas partie des plans sur la comète concoctés dans les bureaux de la fédération ou postulant (à tort ou à raison) qu’ils ne sont pas intégrés dans la réflexion menant au soutien fédéral - aux prises avec les mêmes contraintes dogmatiques s’imposant à l’ensemble des membres de la société algérienne, subjugués par le mirage véhiculé par le jeune prodige ténésien, lorgnèrent vers ces horizons lointains.
Certains de ces jeunes « aventuriers » trouvèrent refuge sur cette île-continent de l’Océanie chère à l’humoriste Mohamed Fellag, abordable seulement par ce « Babor pour l’Australie » illustrant les mirages d’adolescents désespérés  en quête de repères et d’un sort meilleur que celui proposé par la mère-patrie.
Deux faits divers illustrent les équipées des jeunes athlètes désireux d’un ailleurs plus heureux qui ne le fut pas toujours.
Le premier « fugueur » (jeune qui tenta de trouver une échappatoire  aux contraignantes emprises sportives et sociales) fut Miloud Abaoub, un cadet de Batna. Ce coureur, sur le chemin du retour vers le pays, à l’issue des  championnats du monde scolaires d’athlétisme disputés à Chypre (1994), profita de l’escale de Rome, pour prendre, avec un petit groupe d’athlètes tentés par l’aventure, la poudre d’escampette en prenant le train en direction de la France. Rattrapés avant la frontière par les carabiniers, ils furent remis dans l’avion à destination d’Alger.

mercredi 7 mars 2018

Ali Saidi Sief (6), A la conquête de la gloire


Hassiba Boulmerka est alors un des symboles du sport soutenu par l’Etat. Après sa finale des JO de  Barcelone, elle sera la version algérienne (popularisée par les médias et les « replays » interminables de la télévision Unique) de la « Marianne » de Delacroix, celle que les amoureux des arts picturaux perçoivent entraînant les armées républicano-révolutionnaires françaises à l’assaut des armées royalistes et impériales coalisées. L’ennemi étant ici les groupes terroristes islamistes.
 Sans contestation, elle devint le fleuron sportif de la politique du « tout Etat » sécuritaire, le porte-drapeau  d’un emblème national qui est de moins en moins représentatif d’une Histoire vaillante, d’une Algérie dénigrée par tous y compris ses propres citoyens attérés.
Au contraire de Hassiba Boulmerka, restée dans les girons fédéral et national,  Noureddine Morceli devint le représentant d’une perception philosophique tranchant avec un passé perdurant, avec les principes d’une politique sportive, en place depuis le milieu des années 1970, qui bientôt, après avoir atteint son apogée, se mettra en position géostationnaire, avant de faire connaissance avec la gravité terrestre et chuter comme la pomme de Newton.
Un amer retour à la réalité qui conduisit progressivement vers ce présent dans lequel s’associent les méfaits du népotisme, de l’incompétence, de la déprédation et de la prédation pour s’enfoncer dans les affres de l’endettement.
Le processus de réussite de Morceli (il faut l’admettre en dépit des discours tenus par les partisans d’un récit réécrit à l’aune du révisionnisme sportif) appartint à une vision alors naissante, minoritaire et tenue en laisse, celle du « compter sur soi », qui se met en place.
Cette vision s’oppose à la posture du « tout assistanat » qui fait fureur dans l’ensemble de la société algérienne. Les sportifs ne pouvaient donc en être exempts. Bien au contraire, ils en étaient les meilleurs représentants, ceux qui la symbolisaient le mieux.  
Morceli fut aussi, à sa manière, un de ces pionniers de la conquête du « Nouveau Monde », les Conquistadores en quête de l’Eldorado. Une conquête qui aura pour remake la « Ruée vers l’or » qui fit que le Far West, repoussant toujours plus loin, vers l’Ouest, en territoires amérindiens, les frontières connues, cessa son avancée en arrivant sur les rives  de l’Océan Pacifique.
Pour Noureddine, c’est à quelques encablures des rivages de  cet Océan, à une centaine de kilomètres de Los Angeles, la « Ville des Anges », que débuta réellement l’aventure sportive et son ascension. Il s’est lancé dans une aventure qu’il doit affronter seul, assuré du minimum.
Son exil triomphateur aux Amériques sera, plus tard (après 1991), récupéré essentiellement par ses proches qui formeront une sorte de cour, dans ce qui sera « le groupe Brahmia »ou aussi appelé « groupe Mouloudia ».
La puissance politique, administrative avide de ces exploits indispensables pour l’écriture du récit national historique de l’athlétisme idyllique pris aussi sa part. Dès les lendemains heureux des championnats du monde de Tokyo, il fut inséré dans le giron de la compagnie nationale pétrolière que faillit rejoindre Hassiba Boulmerka.
Il est à remarquer que, en dépit des multiples appels du pied qui lui ont été faits pour rejoindre les rangs, Noureddine Morceli conserva une indépendance intellectuelle et idéologique et surtout une attitude de non-implication et de non-immixtion dans les affaires souvent troubles qui ont agité le mouvement sportif. Cependant, l’enfant d’une fratrie nombreuse, sans doute en contrepartie des divers avantages sociaux (primes, logement, statut de conseiller des sports attribué aux deux champions du monde par décret dérogatoire) octroyés par les représentants de l’Etat, laissa utiliser son image de champion.
A cette époque de gloire naissante, sans en faire part ouvertement, Noureddine était déjà agacé par les exhibitions oratoires et posturales de son manager, Amar Brahmia.  

lundi 5 mars 2018

Ali Saidi Sief (5), L’icône nationale et le harrag


En cette année 1988, Hassiba Boulmerka, tout juste âgée de 20 ans, se fit remarquer après avoir conquis les titres africains du 800 et du 1500 aux Championnats d’Afrique d’Annaba. Puis, elle confirma son entrée dans le monde restreint du niveau mondial lors de sa participation aux Jeux Olympiques de Séoul. Elle échoua cependant à obtenir la qualification aux finales des deux courses sur lesquelles elle avait été engagée (800 m   et 1 500 m).
Noureddine Morceli, quant à lui, plus jeune (18 ans seulement) que Hassiba, après s’être classé   honorablement (9ème) aux championnats du monde junior de cross-country à Auckland (Nouvelle Zélande), il est devenu vice-champion du monde (juniors) à Sudbury (Canada). Cette performance lui vaudra de faire partie de la délégation algérienne qui se rendit à Séoul. Il fit partie du groupe des jeunes athlètes talentueux invités par le CIO à assister aux Jeux Olympiques.    
Au cours des semaines qui suivirent les Jeux Olympiques de Séoul, le statut social de Hassiba changea. De simple « athlète de performance » qu’elle était, elle devint membre à part entière du groupe dit de l’EN, stationnée à demeure à Dely Ibrahim et autres lieux, aux petits soins de la fédération.
Avec, comme cela coule de source, un changement d’entraîneur. Le nouveau coach n’a pas encore fait ses preuves mais, la proximité de ce dernier avec les coulisses de la fédération aidant, elle reçoit les moyens logistiques dont elle ne disposait pas auparavant.
Les conceptions philosophiques de son entraîneur valent à l’athlète d’être visée par des accusations de dopage. La préparation biologique était entrée dans le discours de certains entraîneurs parmi les plus proches de la « fédé ». Pour faire la part des choses, Noureddine Morceli, en raison de ses exploits à répétition, n’échappa pas (plus tard) à des accusations identiques.
Son appartenance à ce groupe d’athlètes de « l’élite nationale » fait qu’elle est appelée, au cours des mois qui suivent, sous l’impulsion de son président de la FAA, à traduire sur le terrain (en attendant la promulgation d’une législation amendant très fortement l’encadrement juridique de la pratique sportive algérienne en lui donnant une orientation moins étatique) toutes les possibilités de marquer les imaginations en disposant des moyens financiers pour ce faire. Nous ne devons pas oublier que déjà s’annonce la crise financière qui conduira au P.A.S (pacte d’ajustement structurel).
Dans le même temps, ce qui deviendra dans le discours économico-politique dominant, « les capitaux marchands de l’Etat », regroupant un portefeuille d’entreprises publiques économiques mises sous la tutelle des fonds de participation, se délestent progressivement de l’ensemble des activités qui ne sont pas en relation directe avec les missions fondamentales des entreprises.
Les premiers dégraissages des EPE, supports financiers du mouvement sportif, concernèrent les ASP dont la pratique à la base du système organique fut fortement impactée. Cette législation sportive a contrario maintint puis accentua le soutien à la gestion étatique du haut et du très haut niveau. L’élite sportive est une arme médiatique mise au service du pouvoir.
Quant à Noureddine Morceli, il prend l’avion (en compagnie de Lotfi Khaida et de Réda Abdenouz) à destination du Riverside Collège, en Californie où l’attend une bourse d’études qui ne doit presque rien au microcosme athlétique national. Ce sont son proche entourage et les amitiés ou relations de son frère Abderrahmane et d’Amar Brahmia au sein  de l’athlétisme international qui facilitèrent le départ.
Nous dirons (en exagérant à peine) que Noureddine Morceli fut le premier « harrag » (brûleur de frontières) médiatiquement connu. Toutefois, à l’inverse des « harragas », Noureddine partit en totale conformité avec les règles du pays qui l’accueillit et formellement avec les règles algériennes de sortie du territoire national.