mercredi 31 août 2016

Polémiques (3), Ahmed Mahour Bacha, l’agitateur

N’allez pas croire que l’interview ne se soit pas déroulée dans de bonnes conditions. Bien au contraire. En fait, l’échange questions-réponses s’est déroulé le plus normalement du monde. Aucune question n’a été esquivée et toutes les réponses ont présenté (au souvenir que nous en avons aujourd’hui) les symptômes de la franchise.
La gêne que nous avions ressenti pendant toute l’interview était due - avons-nous compris plus tard, après d’abord en avoir discuté avec mes confrères, puis à partir de 1990, dans nos rapports de plus grande proximité avec des éléments de la composante de l’athlétisme  national -  à son attitude qui avait parasitée l’interview, qui incitait à repousser ou à restreindre les contacts avec lui.
Physiquement, Ahmed Mahour Bacha en impose. Il est en effet le lanceur tel que  représenté par les images d’Epinal. Grand et fort ! Ce n’était certainement pas celui vu (sur les écrans de télévision) au retour de Rio, vieilli et le visage émacié. Malgré notre 1 m82, nous avons ressenti une impression d’écrasement qui n’existe pas auprès d’autres athlètes de ce gabarit (nous pensons plus particulièrement à Youcef Boufelfel, un de ses prédécesseurs aussi bien au décathlon que dans les autres lancers où il excella) et de tant d’autres lanceurs algériens (ou étrangers) dont certains (copies de Lou Ferrigno-Hulk) font de Mahour Bacha un individu d’apparence physique moyenne.
En plus du gabarit, Ahmed Mahour Bacha est tout en rudesse, en brusquerie. Loin de l’impression de douceur que donne la maitrise de la force. « Rudesse » est un mot que l’on pourrait croire déplacé, exagéré si ce n’est que, lors de nos pérégrinations, à l’intérieur du pays, dans des endroits reculés des hauts plateaux  du Sétifois  ou des Aurès, nous avons retrouvé cette façade rébarbative qui s’estompe toutefois rapidement lorsque la population (contrainte de composer avec les rigueurs climatiques et à la dureté des travaux des champs en solitaire et de la vie de manière générale) laisse libre cours à une sensibilité et à une générosité sans limites.
Ce caractère abrupt, une forme de violence physique retenue mais prête à exploser, nous l’avons perçue aussi dans ses rapports avec les autres….entraîneurs et dirigeants. Ahmed Mahour Bacha prenait de haut les autres, les traitants avec mépris et condescendance.  Déjà, en ce temps-là (entre 1989 et 1996), Ahmed Mahour Bacha se comportait en seigneur de l’athlétisme, ravalant les autres au rang de simple faire-valoir, les humiliant en public. C’est l’image que nous en avons lorsqu’il fait ses déclarations à la presse.
Contrairement à beaucoup de champions  (Boualem Rahoui, Sakina Boutamine, Rachid Habchaoui, El Hachemi Abdenouz, Othman Bellefaa, etc.), Ahmed Mahour Bacha ne fait pas dans la simplicité, dans la modestie. Que dire alors si on le compare avec Hassiba Boulmerka, Noureddine Morceli  ou l’adorable Nouria Benida-Merah (pour rester dans le groupe restreint des champions olympiques)  abordables par le commun des mortels.
Ce portrait (négatif jusqu’à maintenant) ne peut laisser passer une intelligence, une capacité d’adaptation aux circonstances qui en font un caméléon machiavélique que les polémiques entourant la participation algérienne ont mises en valeur. Mahour Bacha est connu également pour être un agitateur qui se complait dans les situations équivoques qu’il planifie avec une certaine habileté, avec cette particularité que, comme les footballeurs considérant que « la meilleure défense est l’attaque »,  il est toujours l’initiateur de l’ « agression » (celui qui porte le premier coup), de la polémique.
Surnommé, par certains de ses détracteurs, « El commandante » en référence à « Che » Guevara (le penseur-guérillero de la révolution cubaine dont il porte le couvre-chef), il se veut (se voit) l’idéologue, l’enfant terrible, le rebelle permanent de l’athlétisme national.
Contrairement à la croyance, à l’image qu’il s’est construite ces dernières années, Ahmed Mahour Bacha ne se contente plus d’un combat solitaire depuis qu’il a regroupé autour de lui un groupe d’ « abeilles butineuses » (cette engeance est de plus en plus nombreuse au sein d’une nation où la médiocrité, l’incompétence et l’allégeance sont  érigées en règles primordiales dans l’accession aux postes de responsabilité) qui se sont d’elles -mêmes marginalisées de leurs pairs en n’ayant pas su valoriser sur le terrain (les résultats des athlètes) les compétences acquises dans les instituts de formation.
La force d’Ahmed Mahour Bacha est qu’il a su fédéré autour de lui ceux qui ont besoin d’un leader, d’un bouclier, d’un bulldozer  pour…..tenter de se réinsérer dans un milieu dont l’unique critère de valorisation est - selon l’expression que l’on doit à un technicien humble parmi les humbles, un entraîneur au patronyme pourtant célèbre, Abderrahmane Morceli (frère de Noureddine) envoyé « pourrir à la cave » - « l’athlétisme ne connait qu’une langue, celle du chrono et du mètre ».
Abderrahmane Morceli, dont les anciens connaissent la capacité à produire un discours, malmené par un système où régnait déjà les apparences, malgré toutes les mésaventures  qu’il a pu rencontrer  au cours de ses carrières d’athlète et d’entraîneur, de passage à Alger (venant du Riverside Collège où étudia son frère et où il entraîna) proposa à son pays (aux plus hautes institutions sportives) un système d’échanges profitable à nos athlètes d’élite, des sessions et des camps d’entraînement avec les meilleurs américains que (à ce que l’on dit dans le milieu olympique algérien) Mahour Bacha et son athlète Larbi Bourraâda refusèrent pour se rendre au Portugal et en Espagne, un des paradis européens du dopage.
Ahmed Mahour Bacha, avec la complicité, l’aide de ses « collaborateurs » (au sens de la Résistance française au nazisme), ses supplétifs (au sens donné par l’armée française combattant les maquis de l’ALN) a créé un immense réseau de guérilleros (vrais et virtuels) sévissant sur l’Internet où ils ont pollué la blogosphère par des manipulations et des intoxications communicationnelles menées simultanément à partir de Rio et d’Alger.
Sur la place d’Alger, au stade du Sato, son expertise dans ce domaine est saluée à sa juste valeur. C’est cette expertise qui a conduit la fédération algérienne d’athlétisme à payer le billet d’avion Alger- Rio de Mohamed Hocine présenté sous différentes casquette (entraîneur et/ou entraîneur adjoint de Bourraâda, assistant de Mahour Bacha et de manager général de la fédération) puis à créer une nouvelle polémique pour son retour pendant que les autres athlètes (sauf Makhloufi) étaient sans soutien. Nous reviendrons sur l’ensemble de ces polémiques, des accidents de la préparation et de la participation olympique.


mardi 30 août 2016

Polémique (2), Les débuts de rapports distanciés

Nous avons rencontré  pour la première fois Ahmed Mahour Bacha à Constantine en juillet 1989. C’était à l’occasion des championnats nationaux « Open ». A notre connaissance, c’était à l’aube d’une longue carrière d’entraineur d’un diplômé de l’ISTS, d’un ancien athlète passé par l’école russe. Une école qui l’a fortement marquée et dont fièrement il se revendique.
Beaucoup de choses se sont dites sur cet entraîneur (mais bien avant sur l’athlète) déjà controversé, sur ses relations étroites avec la préparation biologique. Certains, parmi ceux qui - à l’époque déjà - étaient nombreux à ne pas le porter dans leurs cœurs, disaient qu’il était le spécialiste algérien du dopage, le produit revendiqué d’une « école » en marge de l’esprit olympique.
Les résultats obtenus d’abord comme athlète (record d’Afrique du décathlon, ses performances au javelot qui en faisait un des meilleurs africains de sa génération), puis plus tard (en tant qu’entraîneur) ceux de Yasmina Azzizi (une formidable athlète, finaliste des championnats du monde de 1991) ont toujours été connotés négativement. Comme le sont et le resteront pendant encore longtemps ceux de Larbi Bourraâda convaincu de dopage (heureusement  lors d’une compétition se déroulant à l’étranger) en juin 2012.  
Souvenons-nous de Yasmina Azzizi repoussant dans les limbes de la mémoire la fringante madame Nacera Zaaboub, ambassadrice d’un athlétisme alliant résultats sportifs et grâce féminine. Le passage de témoin entre deux générations d’athlètes et de championnes mais aussi entre deux types (de critères, de repères, d’idéologies, de méthodes d’entrainement, etc.) de pratiques sportives dont celle, qui à ce moment-là (avec Mahour Bacha), conduisent à la transformation de la femme (au plein sens du terme) en mutante masculinisée.
Lors de notre première rencontre, nous ne cacherons pas que nous avions un certain nombre d’idées préconçues (dont  celle qui précède) sur le personnage. Des préjugés construits à partir des relations que nous avions pu entendre aussi bien de la bouche des entraîneurs et dirigeants qui le connaissaient depuis plusieurs années et de confrères qui l’avaient côtoyés l’année précédente à Annaba.
 Des idées préconçues non fixées et surtout ambivalentes. Pour dire vrai, elles le sont encore aujourd’hui. Contrairement à ce que peut être nos écrits peuvent quelquefois laisser à penser, elles ne sont pas toujours négatives. « Le diable », comme on le surnomme dans le milieu, possède des côtés attachants qu’il faudra mettre en valeur….quand le temps des polémiques sera derrière nous.
Le premier contact (dans les tribunes du stade du 17 juin), qui pourtant dura près de deux heures - dans le cadre d’une interview pour le compte de l’hebdomadaire « El Hadef », pionnier et pilier de la presse sportive de l’époque, un titre de ce qui fut le représentant de la presse qui n’était pas encore publique et où pourtant, contrairement à une idée encore répandue, chacun de nous (membre de la rédaction) avait entière liberté dans le cadre d’un schéma préétabli, d’une feuille de route institutionnalisée (présentation et couverture de l’événement sportif, déclarations succinctes,  faits divers, portraits, interviews,) – fut très déplaisant.
L’interview est un exercice journalistique difficile. Elle nécessite pour être pleinement réussie,  de l’empathie (que le courant passe entre les deux personnes) qui née de contacts réguliers, pas nécessairement prolongés, qui permettent à chacun de connaitre les codes de l’autre, de rompre en premier lieu la glace qui est obligatoirement là, présente à chaque interview, chaque rencontre, à chaque retrouvaille (seraient-elles mille fois renouvelées), créer à chaque fois un pont entre les deux protagonistes de la communication. On revient à nouveau à l’énonciation.
Ahmed Mahour Bacha nous était connu. Il est vrai par le prisme déformant de ce qui est rapporté par autrui. Mais, en fait rien de bien méchant alors.
Pour Mahour Bacha, cela devait être le contraire. Le champion en présence d’un journaliste de province exerçant dans un hebdomadaire sportif (majoritairement consacré au football) édité et réalisé loin des centres de décision algérois et qui pour cette seule raison était difficile à amadouer. L’hebdo, tirait quand même à l’époque en moyenne 120 000 exemplaires par édition,  dépassera, avec l’épopée Boulmerka-Morceli, les 350 000 en deux éditions hebdomadaires. Un journaliste aussi dont les articles (et ceux de ses confrères) avaient permis aux envoyés spéciaux du journal présents à Annaba (ce sont eux qui le racontèrent après les championnats, à leur retour à la rédaction) d’assister aux entraînements et de ne pas être refoulés du stade. Un journaliste que l’on n’avait pas l’habitude de voir.

Donc, en théorie, pas de contentieux, pas de litiges. Rien qui puisse (en apparence) contrarier cette première interview.

lundi 29 août 2016

Jeux olympiques. Polémiques/ Les contours du déballage médiatique


Mohamed Ghozali, il y a quelques jours, en vigile, en gardien du temple (athlétique), lassé par le déballage nauséeux se répandant à l’infini et se métastasant sur les réseaux sociaux repris sans discernement par certains titres de la presse nationale avides de sensationnel, a poussé ce qui peut être interprété comme un signal d’alarme.
Certains agitateurs-nés, très à l’aise aux alentours du stade annexe du 5 juillet où ils opèrent depuis des décennies, déroutés d’avoir raté des objectifs présomptueux de médailles promis aux instances sportives et politiques et au peuple en quête d’espoirs multiformes, ont repris du service en s’appropriant avec une expertise de bon aloi dont il est à remarquer que les mécanismes, la stratégie et les tactiques, ont été précédemment rodés dans des escarmouches communicationnelles envahissant les réseaux sociaux.
L’athlétisme algérien, à l’image des groupes sociaux, repose sur des piliers fondateurs indéracinables. Ils ont pour nom Ammar Brahmia (qui a su se caser, ses compétences indéniables aidant, dans les coursives du mouvement olympique algérien où il occupe une position non négligeable), Ammar Bouras qui occupe présentement le fauteuil de président de la fédération algérienne d’athlétisme (et celui de premier vice-président du COA) et se fait discret en attendant la fin de son mandat qui interviendra dans quelques mois. Il avait bien évidemment l’intime (et faible) espoir de le conserver (le fauteuil), le temps d’une autre olympiade qui viendrait s’ajouter à celle agonisante (et un demi mandat antérieur à celui-ci) et d’occuper celui qui lui a échappé (lors du congrès de Pékin 2015) au sein du bureau de l’IAAF - et Ahmed Mahour Bacha qui de ce trio est le plus mal loti, lui qui n’a pas su organiquement se positionner et surtout n’a pas été très apprécié comme il l’aurait souhaité là où il est passé.
Comme toutes les familles, la « famille de l’athlétisme algérien » est divisée lorsqu’il faut partager un héritage qu’ils n’ont pas su féconder. Si les deux Ammar (Brahmia et Bouras) ont su, à divers degrés, faire fructifier la renommée acquise à travers les résultats des athlètes qu’ils ont dirigé (essentiellement Morceli pour l’un, Boulmerka pour l’autre sans compter d’autres athlètes d’un niveau international appréciable), Ahmed Mahour Bacha n’a pour palmarès que deux places de finalistes en championnats du monde (Yasmina Azzizi en 1991 et Bourraâda en 2015) et la récente place du même Larbi Bourraâda en finale du décathlon olympique. Là encore, il est en retrait.
En outre, une comparaison de leurs carrières respectives d’athlète montre que ses titres d’excellence (champion et recordman d’Afrique de décathlon et/ou de javelot), bien que meilleurs que ceux de Bouras (niveau régional en demi-fond), ne sont pas comparables à ceux de Brahmia, outsider international sur 800 et 1500 de son temps, deux courses qui parlent au cœur et à la mémoire des Algériens et à ses bagages universitaires (on évoqua longtemps un double magister en droit et EPS) qui le firent sortir du lot.
Nos trois compères trainent des casseroles que l’Histoire de l’athlétisme a enregistrées. Des amitiés politiques (et des alliances systémiques) décriées pour l’un, des cas de dopage avérés ou supposés pour nos trois lascars. Les passionnés d’athlétisme, les anciens athlètes, les entraîneurs d’hier et d’aujourd’hui, les dirigeants en poste ou retirés, évincés des fonctions qu’ils occupaient savent pertinemment que si l’athlétisme national s’agite autour de ces trois pivots, il en existe d’autres qui savent s’immiscer adroitement dans les interstices délaissés.
Autour de ces "marqueurs" actuels de l’athlétisme cherchant à se placer en prévision des prochaines assemblées générales dont la plus importante de toute est l’assemblée générale élective, volètent sans aucune discrétion, de l’un à l’autre, une multitude de papillons, d’essaims d’abeilles et de guêpes en quête d’un futur pollen à butiner lorsque le moment sera venu.
Dans les polémiques actuelles toutes sans exception initiées par Ahmed Mahour Bacha et consorts, exploitées à juste titre par les "marqueurs", prétendants à la présidence fédérale, employant la technique de guérilla, des incursions guerrières, les deux Ammar sont en position défensive soumis à des tirs de barrage de l’artillerie lourde. Les deux Ammar, en position de responsabilité sportive, ont les mains liées par le droit de réserve inhérent à leurs positions respectives.
Ammar Bouras a été réduit au silence par son ancien compagnon de route. Celui-ci a su faire de lui un allié précieux et silencieux (presque un complice) en faisant venir à Rio  (au frais de la fédération) son acolyte (Mohamed Hocine) pour être présent aux côtés de Bourraâda. Mais, Bouras avait été déjà circonvenu lorsqu’il a dû abandonner ses velléités de rébellion dès l’épisode qui l’avait vu négliger sa propre fille. Celle-ci fut contrôlée positive dans ce qui pourrait être un acte revanchard de dépit qui eut pour victime collatérale Larbi Bourraâda.
Brahmia, lui aussi est impliqué dans beaucoup de controverses. Comme Mahour Bacha (sanctionné à deux reprises par les plus hautes instances sportives du pays), elles ont commencé très tôt. Au début des années 80, quand il fut suspendu par les instances sportives de l’époque avant d’être repêché en accomplissant son service militaire ce qui le mis hors de portée de la réglementation sportive civile avec un titre de champion du monde militaire du 800 déjà au Brésil. Pour l’heure, Brahmia (connaissant très bien les rouages) retient les coups.

De temps à autre, lorsqu’il est personnellement concerné, il lance un "jab" pour tenir à distance ses adversaires. Issu du même milieu, marqué par les mêmes tares que ses adversaires, son capital-expérience des jeux et des manœuvres de coulisses est plus fécond. Il est allé à une bonne école qui n’est pas celle du Sato. Ce qui explique qu’il soit, jusqu’à maintenant, passé à travers les gouttes. 

jeudi 25 août 2016

L’athlétisme constantinois

Introduction

Nous dirons que Hamid Meradji (ancien athlète, éducateur sportif, dirigeant de club) a fait œuvre utile en partageant (sur sa page Facebook) ces fragments, ces « bonnes feuilles », comme on l’écrirait dans les pages culturelles d’un organe de presse généraliste, d’un texte dont la première mouture remonte à 1995, rappelant les belles heures de l’athlétisme constantinois.

Nous saluons l’effort fourni puisqu’il lui a fallu saisir un texte qui a connu plusieurs version depuis sa première publication, dans un opuscule destiné à présenter l’édition 1995 du « meeting international d’athlétisme de Constantine » à plusieurs catégories de public dont les chefs d’entreprises (et les autorités locales) visés par les démarches de sponsoring et les pouvoirs publics en priorité, puis « les honorables invités » installés  à la tribune officielle du stade du 17 juin ainsi que les autorités sportives (MJS, FAA, CAA, IAAF) qui en reçurent des exemplaires dans le paquet-bilan qui leur fut adressé après la compétition.

La disposition de ce document (dont nous ne possédons pas le moindre exemplaire mais qui doit encore être disponible dans les archives de la ligue constantinoise d’athlétisme à moins que les dirigeants actuels aient profité du déménagement pour jeter ou brûler les « vieux papiers ») ne correspond pas tout à fait au souvenir que nous en avons.

Ceux qui ont eu l’opportunité de lire ces « fragments » dans la version Meradji (et la version originale ou celle remaniée en 1996) auront conscience de constater que nous l’avons restructurée  de manière à ce qu’elle se rapproche autant que possible de la version originale reprise, dans son intégralité dans un journal local par un journaliste qui a eu la « délicatesse » de le signer de son nom, en tant que présentation de l’édition 1996 du meeting.

+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

  • Le précurseur

« Ammi Moussa», Semeur de passion

Moussa Embarek découvrit l’athlétisme après un passage par la gymnastique. Il fut le premier constantinois à suivre une formation d’entraîneur à l’I. N. S de Paris (Institut National des Sports), « la Sorbonne » des entraîneurs, qui inocula « le virus de l’athlétisme » aux athlètes qu’il prit en charge.
Il fut à l’origine de l’introduction de l’intervall- training et de l’entraînement fractionné à la fin des années 50. Il incita également de nombreux athlètes à la reconversion en qualité d’entraîneurs. Il fut également avec feu docteur Bencharif, un des piliers du mouvement sportif constantinois, l’un des fondateurs de la Fédération Algérienne d’Athlétisme.

Note : Si sur le plan technique « Ammi » Moussa Embarek fut le précurseur et sur le plan administratif et légal le docteur Bencharif furent les fondateurs de la Ligue Constantinoise d’Athlétisme couvrant un territoire plus vaste que la wilaya actuelle (en firent partie, Jijel, Oum El Bouaghi( ?), Mila), lhistoire ne doit pas oublier monsieur Maghmoul, un commis de l’Etat qui assura la transition avec Youcef Boulfelfel.

  • Des entraîneurs

Grabsi Chérif,  Le premier « mondialiste »

Chérif Grabsi, actuellement en retraite des P et T, a été l’un de ces athlètes drivés par Moussa Embarek.
Avec son compère Erridir, Grabsi marqua le demi-fond long (5000 et 10.000 m.) et le cross-country. Il fut en 1965 le premier athlète constantinois, à prendre part aux championnats du monde de cross-country. C’était à Ostende, lors de ce qui était alors dénommé « Cross des Nations ».
 A 50 ans passés, Grabsi fait partie des meilleurs coureurs sur route (dans sa catégorie d’âge). Mais, il est aussi un entraîneur passionné et performant. Un coup d’œil sur la liste des athlètes ayant représenté le pays dans les compétitions internationales comporte, depuis une quinzaine d’années, au moins un de ses athlètes par saison athlétique.
Naima Souag, Riad Gatte, Tarek Zoghmar, Lyes Ramoul… ont été, depuis 1989, les athlètes formés par ce personnage passionnant et méconnu qui intégrèrent les équipes nationales juniors de cross-country ayant couru les championnats du monde. Bourfaa Noureddine, Filali Tayeb (de Hamma – Bouziane) en sont les derniers de la série sans oublier Saidi Sief Ali et beaucoup d’autres.

Note : Erridir était également un « postier » Il faudrait ajouter à cette version récente du document les noms d’Amel Boudjelti  et (400 et 800) et de Fatima Zohra Oulmi (marche) qui firent partie des athlètes de la génération de Hassiba Boulmerka et furent internationales.
Après une longue éclipse, Fatma Zohra Oulmi, classée en V2, bouscula (au plan régional et national, pendant quelques années, au début de la présente décennie, les jeunes athlètes sur le 20 kilomètres marche et les courses sur route.
 Ali Saidi Sief n’a pas été entraîné par « Ammi » Chérif Grabsi. L’entraîneur de Saidi Sief, avant qu’il ne rejoigne le MCA de Brahmia, fut Boulkadid, entraîneur au club de Hamma Bouziane, un ancien athlète de Grabsi.

Kamel Benmissi,  Le passionné

Kamel Benmissi, international junior de cross-country des années 70, est l’enfant terrible de l’athlétisme constantinois et algérien.
Il est lui aussi passionné, compétent et impétueux. Les athlètes qu’il a découverts et entraînés ont conquis des titres et des médailles maghrébines et arabes et nombre d’entre eux sont devenus entraîneurs (T. S. S. et conseillers des sports).
Il fut entraîneur de l’équipe nationale junior de demi-fond, au niveau de la fédération algérienne d’athlétisme avant de devenir chef de département « Athlétisme » à la fédération algérienne des sports scolaires puis entraîneur national dans un pays du Golfe.
Diplômé de l’institut des sports de Leipzig (Ex- R. D. A), Kamel Benmissi, en sa qualité de responsable de la formation à la F. A. A, est à l’origine de la révélation de nombreux jeunes entraîneurs de valeur sur tout le territoire national.
En novembre 1995, Kamel Benmissi a été porté à la présidence de la fédération algérienne d’athlétisme avant de devenir directeur de la jeunesse et des sports à Skikda puis à Guelma.

Note : L’ensemble du « portrait » a été remanié. Le dernier paragraphe n’appartient pas aux versions originales.

Amor Benhabyles, Le roi des haies

Le troisième membre du quatuor de l’athlétisme constantinois est Amor « Zizi » Benhabyles. Contrairement aux autres entraîneurs (répertoriés ici) portés sur les courses de demi-fond, ce fut un spécialiste du sprint, des courses de haies et des sauts. Sa valeur d’entraîneur est reconnue au niveau national.
A maintes reprises, il lui a été proposé de prendre en charge les équipes nationales de sprints et de haies. Il a refusé toutes les propositions pour se consacrer à la formation des jeunes.
Ceux-ci l’ont dignement représenté à tous les niveaux. Le plus brillant des athlètes qu’il a formé est incontestablement Noureddine Tadjine, le leader incontournable du 110m/haies arabe et africain à partir de 1988.
Note : Dans l’histoire de l’athlétisme constantinois et dans la mémoire des « Anciens », le nom d’Amor « Zizi » Benhabyles est indissociable de celui de son frère « Tenoune » Benhabyles, décédé prématurément. Il n’est plus en activité.

Abboud Labed, le spécialiste de l’athlétisme féminin

L’athlétisme constantinois repose également sur un autre entraîneur de valeur, Abboud Labed.
Celui-ci a acquis sa réputation pour ce qui est de la prise en charge de l’athlétisme féminin constantinois.
Il est celui qui découvrit et forma les deux stars de l’athlétisme féminin constantinois et algérien qui ont pour nom Sakina Boutamine et Hassiba Boulmerka, deux athlètes qu’il est inutile de présenter.

Note : Abboud Labed fut un entraîneur polyvalent. On lui doit la découverte et la formation initiale de Saliha Djeblahi, une heptathlonienne qui fut prise (en catégorie junior, nous semble-t-il) en charge par Ahmed Mahour Bacha qui la conduisit sur la voie de garage. Djeblahi était, à notre humble avis, aussi talentueuse que Yasmina Azzizi . Abboud Labed seconde (sur les plans administratif et technique) Hassiba Boulmerka, fondatrice et présidente du MAC.

Observation : L’athlétisme constantinois a connu d’autres entraîneurs qui marquèrent l’histoire de la discipline. Ce sont les spécialistes des lancers : Abdelmadgid Kahlouche, Rachid « Tarzan » Latreche qui se tournèrent vers l’handisports, une discipline où ils formèrent des champions du monde et paralympiques.
Trois de leurs poulains seront présent aux jeux paralympiques de RIO (Karim Bettina, Nadia Medjmedj et Asmahan Boudjadar)
Nous citerons également Salim Beniou encadréur d’une école de lanceurs de javelot qui brilla au le plan continental au début des années 80.

  • Les présidents de la LCA

Youcef Boulfelfel, un décathlonien « prof » d’université

Aux côtés de ces entraîneurs, on trouve des dirigeants anonymes qui eux aussi font partie, depuis leurs adolescences, de l’histoire de l’athlétisme algérien.
Youcef Boulfelfel, président de la Ligue Constantinoise d’Athlétisme jusqu’au 1984 a été un athlète complet (décathlon), détenteur de nombreux titres maghrébins dans différentes épreuves.
Il a été entraîneur au MOC. Il enseigne aujourd’hui à l’Université de Constantine comme professeur à l’institut des sciences de la terre.
Note : Nous retiendrons, sous la foi du témoignage d’Abboud Labed, que c’est Youcef Boulfelfel qui orienta les entraîneurs cités précédemment vers la spécialisation.

Messaoud Zaarour, Porteur du développement de ligue

Pendant huit années, Messaoud Zaarour succéda à Youcef Boulfelfel. Cadre à la SNTA (note : société nationale des tabacs et allumettes), Messaoud Zaarour, aidé par un groupe de plus en plus important de dirigeants et d’officiels, fit de la Ligue de Constantine celle dont la compétence, le savoir-faire et l’expérience en matière d’organisation des compétitions d’athlétisme ont dépassé les frontières.
Toutes les compétitions nationales ou internationales se déroulant en Algérie (championnat d’Algérie, du Maghreb, arabes, d’Afrique) font appel aux officiels constantinois pour garantir une technicité de haut niveau.

Tewfik Chaouche Tayara, Président de la FAA

L’ancien Président de la L. C. A, Tewfik Chaouche Tayara, élu en 1992, fait partie de ceux qui ont marqué l’histoire de l’athlétisme.
Ce fut d’abord en tant que meilleur sprinter du pays et du Maghreb, ensuite en qualité de dirigeant lorsqu’il présida aux destinées de la D. N. C de Constantine qui devint L’ E. C. Mila avant de disparaître, à son départ. C’était lors de la « Reforme Sportive », une période qui vit la D. N. C. Constantine rivaliser avec les plus grands clubs Algériens (MCA – DNC Oran – DNC Alger – CRB) regroupant, récupérant les valeurs nationales sûres et qui malgré cela les devança au classement du Championnat National Inter - Clubs (1982).

Note : Tewfik Chaouche Tayara a été ensuite élu à la présidence de la FAA.

  • De la ligue constantinoise d’athlétisme

Imprégnés des mœurs qui prévalent dans le circuit international athlétique où les dollars dominent, conscients de la situation financière du pays, les responsables de la ligue d’athlétisme espèrent un changement des mentalités suite à l’ouverture des marchés. Celle-ci est, pour eux , synonyme de sponsoring, c’est à dire d’une manne financière supplémentaire pouvant leur permettre de passer à une étape supérieure qui consisterait à accueillir un effectif d’athlètes proches des normes internationales.
 Constantine s’est spécialisée aussi dans l’organisation des courses sur route à l’image du semi-marathon « Chihani Bachir» d’El Khroub qui a débuté en 1989. Il a vu la participation des Tunisiens, Marocains et Français en 1989, 1990 et 1991. Au niveau local, 35 Wilaya y prennent part chaque année grâce à l’apport de l’APC D’El Khroub et des entreprises étatiques et privées de la localité.
Le 2ème Semi-Marathon organisé par la LCA a pris de l’ampleur au fil des ans. C’est celui de la ville de Constantine baptise ces dernières années au nom révélateur de « Ben-Badis ».
Cette manifestation organisée tous les 16 Avril, à l’occasion du « Youm El Ilm», a vu la participation de la Tunisie et de la France au début des années 1990.
Une autre compétition, qui n’a pas fait long feu pour des contraintes autre que sportives, est la course appelée « Parcours du cœur » qui se déroula sur le site de Djebel - Elouahch et patronnée pour l’ex EGILCO. Elle traînait aussi une grande foule des adeptes de la course à pied.

Le corps arbitral

En mars 1986, la L. C. A organisait pour la seconde fois après l’édition  de 78 le Critérium National Hivernal (Championnat National d’Hiver) dans des conditions atmosphériques apocalyptiques (froid glacial, pluie battante). l’élite de l’athlétisme national réalisa des performances jamais atteintes depuis Boulmerka (vainqueur du championnat arabe juniors de cross-country deux semaines plus tôt) qui remportait ce week-end là son premier titre senior et améliorait le record national junior du 3000 m. (9’39’’).
 Alors que tout concourrait à une annulation pure et simple de la compétition, les officiels restèrent sans bouger aux postes qui leur avaient été assignés. Les organisateurs acquièrent alors leurs lettres de noblesse et les officiels méritèrent un respect jusqu’à aujourd’hui glorieusement évoqué par ceux qui assistèrent à cet exploit dans les annales de l’athlétisme national.

Corps arbitral féminin

La Ligue Constantinoise d’Athlétisme a fait preuve en 1984 d’une innovation. Des femmes ont été intégrées dans une formation d’officiels et ont exercé cette tâche délicate pendant au moins quatre années. Elles sont certes parties, mais elles ont été remplacées.
A Constantine, il est impensable de ne pas trouver au moins un groupe de 3 où 4 officiels de sexe féminin sur le terrain. Elles réalisent les mêmes fonctions que les officiels de sexe masculin.

Note : L’importance de ce paragraphe anodin est à examiner après l’avoir situé dans le contexte temporel de la première version (1995). A un moment où l’islamiste radical stigmatisait la participation féminine aux compétitions sportives.

  • Meeting international de Constantine

En 1988, à l’issue des championnats d’Afrique disputés à Annaba, le président de l’IAAF (fédération internationale) les encouragea à organiser un meeting international d’athlétisme pouvant bénéficier du label de l’I. A. A. F. Le meeting international d’athlétisme
 Encouragée par les félicitations recueillies à cette occasion, la Ligue se décida à franchir le Rubicon : organiser un meeting international d’athlétisme à Constantine.
La première édition en 1990, a connu une participation d’athlètes Marocains, Tunisiens et d’un athlète Bulgare. Les éditions suivantes virent la venue des Syriens puis des Egyptiens.
En raison d’une infrastructure hôtelière insuffisante, les délégations étrangères (représentant des fédérations nationales) sont, à la demande des organisateurs réduites. Cela n’empêcha que chaque fois, elles furent composées de leurs meilleurs représentants où de leurs meilleurs espoirs.

Constantine connu ainsi les premiers pas internationaux des Marocains (Nezha Bidouane, Mohamed Choumassi, Salah Hissou et Lahlou Benyounes) des Tunisiens (Mordjane Rabia, Hend Kebaoui, Lamia Nouar), des Egyptiens (Karima Meskine Saad, Ahmed Kamel Dia, Mohamed Kamel Abdelkader) des Syriens (Ghada Shoua, future championne du monde de l’heptathlon, Zeid Abouhamed) que l’on retrouvent dans les palmarès des meetings du Grand Prix IAAF-Mobil, des meetings internationaux sur invitation de l’IAAF et de l’UEA ainsi que ceux des Championnats arabes, d’Afrique et d’Asie.


Note : L’avant dernière édition (celle de 1996) a vu une importante participation étrangère  venue de tous les continents : Europe (Allemagne avec la lanceuse de javelot Steffi Nerius, la Russie avec une délégation faisant escale à Constantine avant de se rendre à Madrid pour une participation à la Coupe d’Europe, l’Espagne, la Belgique, Grande Bretagne), d’Océanie (Nouvelle Zélande avec un coureur de 100 qui sera suspendu suite à un contrôle positif dont le dispositif avait mis en place par le médecin de la fédération, le docteur Baba), d’Amérique du Sud (Argentine), de la CONCACAF (Cuba qui repartie avec un record continental junior à 78 mètres), d’Asie (Qatar, Arabie Saoudite, Koweït), d’Afrique (Tunisie, Egypte, Ethiopie, Afrique du Sud).

mardi 23 août 2016

Article publié dans « El Acil » du 20 juillet 2015 ++++++++ Athlétisme Toufik Makhloufi, Attendu au tournant des Mondiaux de Pékin


Dans un mois environ, le 22 août, débuteront à Pékin, les championnats du monde d’athlétisme. La seule chance algérienne de médaille et de titre est cristallisée sur un athlète : Toufik Makhloufi. Une chance seulement ! Une candidature pour une médaille.
Depuis, les J.O de Londres de 2012, le coureur de Souk Ahras n’a pas été transcendant, suscitant mille et une controverses. Jusqu’à la meilleure performance mondiale  de  l’année du 1 000 (record d’Algérie de Morceli battu) et son top chrono sur 1 500 mètres au meeting de Monaco (record personnel), dans la soirée de l’Aïd el Fitr qui succède à un autre bon chrono à Paris. Toujours en Diamond League.

L’athlétisme algérien ne fait pas beaucoup de bruit. En fait, la discipline reine des sports olympiques, pour reprendre une expression si galvaudée qu’elle n’a plus aucune signification crédible, ne fait pas souvent la « une » des médias. En dehors des périodes où un(e) athlète se fait remarquer au niveau mondial (championnats du monde ou jeux olympiques) ou par quelques polémiques savamment menées pour faire « du bien » à des protagonistes sciemment visés, la discipline vit dans le plus grand anonymat que déflore de temps à autre une performance remarquable ou un  « scandale » rapidement oubliés.

Les plus grands moments de l’athlétisme sont connus, depuis la dernière décennie du 20ème siècle, de tous ceux qui, par l’intermédiation de la télévision, ont pu  assister, entrer en transe (comme dans une soirée animée par les Aïssaoua)  aux titres (ou médailles) conquis et aux performances de Hassiba Boulmerka, Nouredinne Morceli, Abderrahmane Hammad, Djâbir Saïd- Guerni, Nouria Merah-Benida.

Toufik Makhloufi, le dernier champion olympique algérien du 1 500 mètres (jeux olympiques de Londres, 2012), appartient certes à cette liste des médaillés qui ont fait vibrer le cœur des Algériens mais il est aussi inscrit dans une autre catégorie d’athlètes (celle où sont recensés les parias de l’athlétisme) en compagnie des athlètes attrapés par la patrouille de la lutte anti-dopage - les derniers noms connus étant ceux de Zahra Bouras, fille du président de la fédération et spécialiste du 800 mètres (championne d’Afrique) qui se fait discrète sur le plan chronométrique depuis qu’elle a été réintégrée, et du champion et recordman d’Afrique de décathlon, Larbi Bouraâda (qualifié pour les mondiaux de Pékin) qui ont purgé leurs deux années de suspension.

Pourtant, Toufik, jusqu’à maintenant, n’a pas été pris en flagrant délit de dopage. Mais, il pourrait, selon certaines langues de vipères, prendre la succession d’un autre paria, cet Ali Saidi Sief (natif de Hamma Bouziane, dans la très proche banlieue - et anciennement jardins et vergers - de cette Constantine qui donna à l’athlétisme algérien sa première médaille d’or aux championnats du monde et aux jeux olympiques avec Hassiba Boulmerka).

Londres (2012) : le diable sort de la boite

On ne sait trop pourquoi, Toufik Makhloufi, en 2012, en remportant la médaille d’or du  1 500, en avait sidéré plus d’un. Sur un site électronique consacré à l’athlétisme qui a publié dernièrement un portrait de l’athlète algérien, on écrit que Steve Cram, ancien recordman du monde du 1 500 et du mile, devenu commentateur à la BBC, se serait écrié « Mais d’où diable sort il celui-là ?». Une victoire surprise, comme celle qu’obtinrent tous les médaillés algériens. Le journaliste français Gilles Bertrand rapporte également que, « dans leurs chemisettes blanches bien repassées », les deux compères de l’athlétisme télévisuel français (Patrick Montel et Bernard Faure) « s’étaient eux aussi enflammés, embrasant l’échafaud pour condamner la performance du coureur algérien, champion olympique d’un 1500 asthénique et tétanisé, dynamité d’un dernier 300 en apesanteur, à la Bekele, à la Gebre, en apnée ». Dans l’article, écrit quelques jours après le record national du 1 000 mètres et ses 3.30 au meeting de la Diamond League à Saint de Denis (Paris), l’auteur se demande si Makhloufi n’est pas un « mal aimé », s’il ne porte pas « la cuirasse du maudit ». Une appréciation qui n’est pas sans valeur, à juste raison d’ailleurs.

A Londres, Toufik Makhloufi, avant qu’il ne remporte la victoire sur le 1 500, n’était pas un prétendant potentiel à l’une des médailles en jeu. A la DTN, à la FAA, personne ne croyait vraiment qu’il puisse remporter le titre, devenir champion olympique. Ce serait l’explication, à son double (et inimaginable, certains disent même stupide) engagement sur 800 et 1500, qui mettra le coureur de Souk Ahras dans une situation plus qu’ambigüe et au cœur d’une polémique qui aurait pu être évitée s’il avait su gérer son abandon sur 800 mètres qu’il ne souhaitait pas disputer et surtout ce qui s’en suivit (sanction de l’IAAF, vraie-fausse blessure, atermoiements de la FAA, certificat médical de complaisance (?)validé par le médecin commis par l’IAAF) pour qu’il soit admis à courir la finale olympique du 1500 m. La presse sportive internationale avait catalogué Makhloufi alors que la fédération algérienne avait fait preuve de cet amateurisme que l’on retrouve dans la dénomination de la fédération internationale bien que la discipline au plus haut niveau  appartienne au monde du professionnalisme.

Depuis la médaille d’or londonienne, Toufik Makhloufi s’est engagé dans une spirale négative, dans une parenthèse de près de deux années où les résultats n’étaient pas présents ou plutôt pas à la hauteur des attentes des spécialistes et du grand public. En arrière-plan, des problèmes de santé et des changements de coach, c'est-à-dire un ensemble déstabilisant y compris pour  les plus endurcis. Le remplacement d’Amar Brahmia - mentor de N. Morceli (3.27.77, record du monde en son temps), Boukenza (3.30.92), Zerguelaïne (3.31.21), Boulahfane (3.32.44), etc. tous d’excellents coureurs de 1 500, auteurs de chronos de valeur mondiale - par Souleymane Djamaa Aden n’est pas encore expliqué. Pourtant A. Brahmia est précédé par une réputation de grand communicateur. Son silence, il faut le reconnaitre intrigue, tous ceux qui savent qu’il n’a pas la langue dans la poche et qu’il a toujours été présent dans les moments chauds qu’a vécu l’athlétisme algérien. Surtout que Makhloufi le quitte après le titre de champion d’Afrique du 800 mètres et à quelques semaines des J.O de Londres.

La valse des entraîneurs

Toufik Makhloufi lui-même ne s’est pas exprimé sur le sujet. Le journaliste français se laisse à dire que, depuis le 7 août 2012 (date de la victoire olympique), le champion  est « sentiments à vif et cœur sanglant ». L’explication est trouvée dans une phrase « Toufik Makhloufi et la presse se regardent en chien de faïence, chacun retranché dans les coursives et les arcanes de leur propre vérité. Les uns à distribuer des coups en commentaires trempés, l’autre à chercher l’esquive ». Jusqu’à la fin de l’année 2014 où il (lui ou ses poches) utilise la presse nationale pour s’en prendre aux instances sportives (fédération et ministère de la jeunesse et des sports).

Les histoires d’entraîneurs rythment la vie de l’athlétisme. Autant que les performances et les titres. Nous dirons même sur un fond de titres et de records qui exacerbent les passions et les ambitions personnelles. Si la polémique Makhloufi-FAA s’articule médiatiquement sur une question de financement de la préparation et de retard de déblocage du budget qui lui est consacré, il est possible de subodorer que la question d’entraîneur s’inscrit en toile de fond. Makhloufi s’était envolé aux Etats Unis, lieu controversé de sa préparation hivernale, sans être accompagné par un entraîneur. Une situation si incompréhensible qu’elle attira l’attention du ministre, ou du moins qu’elle fut portée à l’attention du ministre, qui évoqua le sujet dans une interview accordée à la presse.
On apprendra plus tard que Toufik Makhloufi avait eu à ses côtés, pendant la durée de son stage de préparation, un entraîneur algérien présent sur place, Abderrahmane Morceli, frère aîné de Noureddine, lui-même ancien athlète de 1 500 mètres, ancien recordman national avec un chrono de 3.36.26. Une très bonne marque mondiale en son temps, dans les années où régnèrent sur le 1 500 les Coe, Walker et Cram, les grandes pointures de l’époque. Juste avant l’arrivée de Saïd Aouita et la vague maghrébine. Abderrahmane Morceli a disparu du paysage de l’athlétisme algérien depuis la fin de carrière de son frère dont il fut l’entraineur sous la férule d’A. Brahmia qui récolta tous les lauriers. Abderrahmane Morceli, depuis 2005-2006 entraine, en Californie, des athlètes américains dont certains sont des valeurs montantes du demi-fond US.

Makhloufi avait rompu avec Djamaa comme il l’avait fait avec A. Brahmia. Sans fracas. Sans tambours, ni trompettes. On dit que le coureur est versatile, ambitieux, doté d’une puissance de travail incroyable, quasiment animale. Le champion d’Europe du 3000  mètres steeple Yoann Kowal - coéquipier de Mahiedinne Mekhissi-Banabad (un français d’origine algérienne, anciennement champion d’Europe du 3 000 steeple et actuel champion d’Europe du 1 500) - ayant partagé son stage américain en serait, selon les déclarations faites à la presse sportive française spécialisée, resté ébahi.

Entraîneur somalien d’un groupe d’athlètes de valeur internationale originaires de plusieurs pays, Djamaa a cependant une réputation sulfureuse. Coach de la jeune star éthiopienne Genzebe Dibaba (3 minutes 54 secondes au 1 500 mètres avant de battre (à Monaco) de quelques centièmes (en 3.50.07) le record du monde de la distance (3.50 46), vieux de 22 ans de la chinoise Yunxia Qu et 14 minutes 15 secondes au 5 000, en fin juin-début juillet), Djamaa a été cité indirectement lors de deux contrôles positifs. Le premier étant de la franco-marocaine Laila Traby qui s’était rapprochée de lui lorsqu’elle a voulu « monter »  sur marathon. Le second étant celui du jeune qatari Hamza Driouch (3.33.69 en 2013 à l’âge de 18 ans) prédestiné à prendre la succession des Aouita, Morceli et El Gueroudj.

Makhloufi pareil à Saidi Sief ?

Pourtant, ce ne sont pas ces considérations qui seraient à l’origine du divorce du duo Toufik Makhloufi-Djamaa Aden. Certains prétendent que la fédération algérienne d’athlétisme aurait refusé de signer l’accord de coopération qui avait été annoncé. Un accord qui sera signé une année plus tard avec Philippe Dupont
Ce choix ne laisse pas indifférent. En Algérie (et en France aussi), personne n’a oublié l’affaire Ali Saidi Sief, médaillé d’argent sur 5000 mètres à Sydney en 2000 puis convaincu de dopage, l’année suivante, lors des championnats du monde d’Edmonton où il avait à nouveau terminé à la seconde place avant son déclassement, après un contrôle positif à la nandrolone.

Saidi Sief et Makhloufi présentent des similitudes morphologiques. Les deux coureurs ne répondent pas au morphotype du coureur de 1 500 mètres. Tous deux sont trapus, cuisses imposantes et torse puissant. De véritables forces de la nature. Loin, bien loin du profil d’Aouita et Morceli.

En Algérie, le choix est jugé inapproprié par beaucoup. Ce ne sont pas les compétences du technicien qui sont remises en cause. Bien au contraire. N’est-il pas l’entraîneur de Kowal, de Mekhissi, des spécialistes du 3 000 mètres (8.12.53 et 8.OO.O9, record d’Europe) qui brillent aussi sur 1 500 mètres (respectivement 3.33. 75 et 3.33.12) après avoir été celui, à la fin des années 1990 de Patricia Djaté (1.56.53 au 800 et 4.02.26  au 1 500) et du coureur constantinois.
Philippe Dupont a été un bon spécialiste du 800 (1.45. 55) et du 1 000 (2.17. 64), retenu une vingtaine de fois en équipe de France A et sélectionné  pour les J.O de Moscou (1980) et de Los Angeles (1984) et pour les championnats du monde d’Helsinki (1983). Sous sa coupe, Ali Sidi Sief réalisa ses records personnels sur 1500 mètres (3.29.51), 3 000 m (7.25.02) et  5 000m (12.50.86).

Lorsqu’il s’occupe de Saidi Sief, il est entraîneur national de demi-fond à la fédération française d’athlétisme, une fonction qu’il délaissera, après le contrôle positif de Saidi Sief à Edmonton, pour retrouver l’anonymat des fonctions au niveau de la ligue des Pays de Loire (Angers). Avant de retrouver des années plus tard la fonction de manager du demi-fond à la FFA. Notons que son contrat de coopération avec Makhloufi a dérouté beaucoup dans les milieux de l’athlétisme français où la prise en charge d’un athlète étranger a été diversement appréciée. L’entraîneur français explique pour justifier sa mission auprès de Makhloufi qu’il a « envie de lui faire confiance ». Une confiance perdue avec Saidi Sief, avons-nous pu comprendre.

De son côté, T. Makhloufi explique son choix. Quand il est interrogé sur ce sujet, il dit « Philippe, il était dans ma tête depuis 2013 ». L’année qui a suivi les jeux olympiques, Toufik   a rencontré Mahiedinne Mekhissi, lors d’un stage de préparation à Font Romeu. L’explication en fait est laconique : « Moi, j’étais seul, lui était seul. Tu sais, l’athlétisme, c’est dur. Philippe, c’est l’entraîneur que je voulais ».  Philippe Dupont est un peu plus prolixe, mais guère plus. Il raconte avoir connu « Toufik lors d’un stage en juillet 2013 à Font Romeu. On a l’habitude de nous préparer là-bas avec les équipes de France. La rencontre s’est faite par hasard.».

A voir de plus près, la coopération est intéressée. Dupont y voit une forme de mutualisation des efforts des uns et des autres, une coopération gagnant-gagnant, une entraide entre Makhloufi et Mekhissi qui « s’entendent bien ». Sur ce   plan, le discours de Dupont est clair. Notant d’abord que « l’entraînement de demi-fond est difficile » et qu’il « y avait un intérêt pour Toufik et Mahiedinne à travailler ensemble », Dupont observe que le partenariat « n’a pas été possible cette année, car Mahiedinne s’est blessé » avant d’affirmer que « l’objectif était qu’ils se retrouvent pour se servir des qualités de chacun et de progresser vers le top niveau ». Il souligne un aspect qui peut faire la force du duo « Ils ont une culture commune et c’est intéressant ».

C’est à Colorado Springs, non loin de Denver, que Toufik Makhloufi a rejoint Philippe Dupont en stage de printemps avec une équipe de France demi-fond, décimée par les blessures. Le champion olympique argumente: « Avec Philippe, les choses sont plus étudiées, plus programmées et Inch Allah, on fera de grands résultats dans l’avenir. Philippe est très proche de l’athlète. Il nous connaît et connaît des français originaires d’Algérie. Il connaît notre mentalité. Je sens qu’il écoute. Philippe, son expérience dans l’athlétisme, c’est plus que mon âge. Je vais profiter de cela ».

Toufik ne renie pas son découvreur

Depuis cette prise de contact dans le centre olympique américain, Toufik Makhloufi a rejoint Angers, là où réside Philippe Dupont et où il semble avoir trouvé ses aises. Il y a loué un pied à terre et fait l’acquisition d’une voiture pour faciliter ses déplacements. De son nouveau lieu de résidence, il dit que « C’est une belle ville, c’est mignon. Je suis tranquille. Je descends prendre mon café, les gens sont sympas. Le stade, c’est à cinq minutes seulement ».

Toufik Makhloufi n’est pas oublieux. Il cite son premier entraîneur (Ali Redjimi) qui lui a fait découvrir la course à pied et qui semble être encore proche de lui lorsqu’il s’agit de prendre les décisions qui engagent la carrière sportive. Au journaliste français, il confie (ce qui prend toute son importance dans un contexte où l’article ne sera pas lu en dehors du cercle fermé des habitués du site et donc loin des coups bas au sein de la fédération algérienne) toute sa reconnaissance en déclarant que  «c’est comme un père car je sais ce qu’il a fait pour moi lorsque j’étais enfant. C’est une personne qui a vu en moi un bijou. Il me guide, sans cela je peux être perdu ».

Dans une interview publiée dans un quotidien national, juste après le meeting de Monaco, Dupont est interrogé sur ses relations avec Ali Redjimi. Il affirme d’abord qu’il a «beaucoup de respect » pour cet entraineur qui « connait Toufik depuis tout jeune ». La suite est sans équivoque mais surprenante pour qui connait les milieux de l’athlétisme algérien et la guerre des entraîneurs qui y règne. En une toute petite phrase, l’entraîneur français fait l’éloge de l’entraîneur de Souk Ahras : « Ce n’est pas un hasard s’il a réussi à faire 3’30 avec lui ».

Cette année, ou plutôt en ce début de saison prélude aux championnats du monde de Pékin (22 au 30 août), la présence de Makhloufi sur les pistes a été marquée par quelques résultats prometteurs (meilleure performance mondiale de l’année sur 1000 mètres et record d’Algérie de la distance détenu par Morceli battu puis deux chronos époustouflants sur 1 500, le premier légèrement au-dessus de 3.30 à Nancy et la 7ème performance mondiale (2ème performance nationale, derrière Morceli et devant Saidi Sief) de tous les temps à Monaco, le jour de l’Aïd, avec 3.28.75).

On note aussi, cela a été fortement remarqué et commenté dans la presse nationale, des ratés comme ses absences à des meetings où il était annoncé (Birmingham, Rabat) qui ont déclenché un début de polémique rapidement éteinte. La thématique : qui doit gérer la carrière et la programmation de la saison du coureur ? 

En tant que coach de Makhloufi, Dupont a son idée sur le début de saison de Toufik. Il le juge très positif, « contrairement à ce que peuvent penser certains ». Il explique que le pari de courir à Paris trois jours après la course de Nancy « était osé par rapport à la récupération. On a réussi à faire 3’30’’50 ». Pourtant, toutes les conditions n’étaient pas réunies. Son évaluation de la course de Saint Denis vaut la peine qu’on s’y arrête un instant. Ecoutons-le : « les lièvres n’ont pas été rapides comme ils devaient l’être. Il a pris la course à son compte dans l’euphorie de son 1000 m nancéen. Il a assumé. C’est très fort de sa part. S’il avait couru pour gagner, cela aurait été différent ».

Les objectifs sont assumés : gagner le titre mondial et remporter une seconde médaille d’or aux jeux olympiques. Dupont ne cache pas l’espoir de réaliser ce challenge. Dès le mois d’avril, début de leur partenariat, Toufik lui a posé la question. La réponse du manager français laisse supposer que le pari pourrait bien être tenu puisque dépendant « de l’investissement sur les trois-quatre mois avant le championnat du monde » qui semble avoir donné ses fruits avec les chronos de Nancy, Paris et Monaco mais qui est lié également à « bonne préparation terminale » qui aura lieu à Font Romeu selon le DTN de la FAA. Pourtant, Philippe Dupont se laisse à émettre un bémol en considérant que « sur la période hivernale, il manquait un peu de structuration». Pour nous, il s’agit de toute évidence d’un point de vue tout à fait pertinent sur une période où l’athlète a été ballotté entre la fédération et le MJS, avec un début de préparation perturbé aussi par un choix d’entraineur correspondant aux desiderata des instances sportives nationales et semble-t-il de la récusation d’Ali Redjimi qui ne répondait pas aux critères administratifs. 

Globalement, Dupont considère que sur la base du début de saison, Toufik « a les armes pour aller chercher une médaille ». Dans une projection plus lointaine, Dupont ne dissimule pas que « l’objectif sera d’aller chercher l’or ». Toutefois, il émet une condition objective que tout entraineur se doit de poser à savoir que Toufik « a besoin de faire une saison entière sans problème de santé ». En rappelant que le champion olympique « est un grand champion », Dupont remarque que « cela n’a pas été le cas ces dernières années » et que le coureur « a besoin de confiance et de sérénité pour faire une saison pleine ».