Nous retiendrons du premier article paru que la fédération algérienne
de cyclisme (FAC) a été approchée et
qu’elle s’est, en toute logique, « abstenue de commenter cette
affaire qui a eu l'effet d'une bombe ».
Cinq jours plus tard, le 14 septembre, dans un autre titre de presse,
le président de la fédération rompra le silence et confirmera en laissant
échapper des bribes d’informations relatives aux rapatriements des coureurs et leurs passages devant la CNAD. Par
cela, il atteste de l’existence des informations essentielles qui sont la
présence de produits dopants dans les analyses de 5 coureurs cyclistes dont le
statut de sportifs internationaux est réaffirmé.
L’intervention des services de police surprend. Elle est cependant implicitement
expliquée par deux faits qui sont
que « le fléau du dopage en Algérie qui n'est pas criminalisé
est une réalité », d’une part et que ce « énième
scandale de dopage en Algérie n'est guère une surprise », d’autre
part.
L’article nous incite à penser en
filigrane que la médiatisation de ce « scandale de dopage»
était en quelque sorte attendue par les sportifs. Pour le journaliste (et les
autres acteurs du mouvement sportif), en position de spectateur permanent du
bruissement des rumeurs, cette médiatisation (à laquelle il participe peu ou
prou) ne pouvait intervenir que par le biais de l’implication des services de
sécurité et de la justice.
Il est sous-entendu que le dopage
bénéficie d’une protection, d’une organisation que seuls les services de
sécurité et la justice pouvaient combattre. L’ensemble des intervenants
semblent être des otages consentants de cette pratique.
Nous remarquons aussi que la
certitude de l’existence du dopage en Algérie et de son organisation en réseaux
maffieux est posée en un postulat qui serait connu de tous. Nous devons donc comprendre
que les acteurs (sportifs, entraîneurs, dirigeants) seraient victimes d’une
forme particulière du syndrome de Stockholm.
Ils seraient partagés, dans une
ambivalence admirablement incompréhensible, entre l’admiration hypocrite et la valorisation
des résultats obtenus par le dopage (les athlètes dopés et les entraîneurs
inspirateurs sont souvent cités par les rumeurs) ainsi que la stigmatisation de
celui-ci lorsqu’il importe de nuire à ces athlètes et entraîneurs que pourtant,
dans un passé si proche qu’il se compte en jours et même en heures, on portait
aux nues. L’athlétisme est un monde où règne Janus, le dieu à deux visages.
Ce postulat est
traduit dans le discours du journaliste matérialisant l’inconscient collectif
de la communauté sportive, à travers « fléau du dopage »,
« réalité », « énième scandale »,
« n’est guère une surprise ».
Un extrait de cet article mérite
une remarque. En affirmant que « Le fléau du dopage en Algérie qui
n'est pas criminalisé est une réalité », notre confrère introduit
une thématique à la fois riche de sens et créatrice d’une forme de confusion révélatrice
du refus d’une opposition frontale au phénomène par ceux censés être les
premiers défenseurs.
La notion de « criminalisation »
est difficilement compréhensible. Du point de vue sémantique, cela correspond à
l’action de rendre criminel la pratique récusée. C’est pour cela que nous
invoquerons et préférerons celle de « judiciarisation »,
une terminologie sémantique plus vaste, renvoyant à « passible des
tribunaux » qui elle-même signifie mise en œuvre d’une
procédure judiciaire débutant par l’ouverture d’une enquête par les services de
sécurité, d’une instruction conduite par un procureur et un juge d’instruction
et pouvant s’achever par un procès. Ce qui correspond à la mise hors-jeu des
sportifs au sens large du terme. Les sportifs ne veulent pas s’impliquer si ce
n’est en discours vaseux.
La notion de « judiciarisation »
permet de faire l’économie des subtilités du langage juridique et des concepts liés
à l’organisation des tribunaux (la distinction entre « correctionnel »,
« criminel » entre autre) qui ne sont pas, nous devons
le reconnaitre, de celles qu’il est aisé de maîtriser et de restituer correctement.
Ces subtilités juridiques et les
concepts véhiculés donnent la place à un débat byzantin dans une démarche
d’implication du système judiciaire qui n’a cependant jamais été considérée
comme une solution dans l’univers sportif dominé par l’idéologie (mode de
pensée structurant l’action) d’une corporation dont l’ossature est constituée essentiellement
par les entraîneurs.
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