mardi 3 juillet 2018

Ali Saidi-Sief (42), La perte de repères


Ses sportifs de haut niveau (ce que furent, n’ayons garde de l’oublier, Tayeb Kalloud entre 1990 et 2000 et son épouse) étaient, souvent à leur corps défendant - sans doute parce qu’ils défilaient, lors de certaines cérémonies protocolaires sportives, derrière la bannière nationale ou se dressaient sur des podiums représentatifs de l’excellence tandis que l’emblème s’élevait le long du mat - une forme de porte-drapeaux d’un système politique particulièrement honni.

Pourtant, il faut admettre qu’à cette époque-là, la partie de la population endoctrinée par les discours rigoristes comportait un nombre élevé d’entre les membres de la famille sportive. Une famille disloquée dont une part non négligeable a été identifiée par les services de sécurité et reconnue (et à ce titre mis en détention) par la justice nationale en raison de leurs qualités de simples partisans, de membres des réseaux de soutien logistique à l’activisme armé ou incriminés  pour appartenance aux groupes armés.

Dans une forme minimaliste et le plus souvent mimétique, ils étaient des porteurs ostentatoires des attributs revendiqués du radicalisme religieux véhiculés, selon les cas et les situations, par les tenues vestimentaires portées et par les discours prosélytes tenus.  

Tayeb Kalloud, vers le milieu des années 1990, au summum de la tourmente, écumait depuis quelques années déjà les compétitions (cross et courses sur route) rémunératrices organisées en France. Son épouse (une ancienne championne d’Algérie, internationale des lancers) « chassée » d’une des villes portuaires de la Kabylie maritime, était inscrite (disait-elle alors à ceux auprès de qui elle pouvait se confier, s’épancher), sur la liste des affichettes (« wanted »  plutôt morts que vifs) collées sommairement sur les portes des édifices de référence.

L’épouse de Tayeb Kalloud vivait dans la plus grande précarité et insécurité à Alger où une occupation lui avait été trouvée dans les bureaux de la FAA. Elle attendait, avec l’espoir que fait naître le plus insoutenable des désespoirs, que la situation administrative de son époux en France soit régularisée pour entreprendre les démarches du regroupement familial salvateur.

Le sort précaire des athlètes algériens (ayant vécu cette situation de fragilité sociale) n’est malheureusement  pas très documenté. Il semblerait, à écouter ou à lire deux décennies plus tard, les récits d’une relative insertion réussie dans la société française elle-même fragilisée, que la solidarité agissante (familiale, amicale et des ONG) ait permis à beaucoup d’entre eux de supporter la dureté de l’exil forcé, de ne pas sombrer dans les pièges du dopage, lorsque pratique sportive de haut niveau il y avait et qu’il fallait « croûter », survivre avec le minimum dans une société impitoyable pour les désargentés.
Nous noterons qu’il n’en est pas de même pour les athlètes marocains. Pour ces derniers, les récits médiatiques de leurs difficultés sociales sont plus abondants. Ils ont fleuri après chacune des sanctions sportives prononcées à leur encontre par les agences nationales de lutte contre le dopage de France, d’Espagne, de Belgique où la diaspora sportive marocaine est importante ou les institutions internationales.
Ces mêmes récits montrent que les sanctions ont souvent (surtout en France) été émaillées, suivies par des actions en justice aux vertus retardatrices des effets de la sanction. Les récits des mésaventures permettent d’observer que l’Eldorado européen a souvent été un mirage pour les migrants sportifs le plus souvent fragilisés par des pertes de repères identitaires, familiaux, sociaux.
Leila Traby a été ballotée entre ses identités sahraouie, marocaine ou française pour finir dans le groupe d’entraînement d’Aden Jama, un entraîneur controversé également en quête de repères.
Hamza Driouch, orphelin très jeune, s’est retrouvé avec la nationalité qatarie et impliqué dans une affaire de dopage qui n’a pas révélé tous ses détails.
Quant aux autres, ils ont en commun Font Romeu et à Ifrane, qualifiés de sites de préparation en altitude et de marchés de produits dopants.

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