Ses sportifs de haut niveau (ce que furent, n’ayons garde de l’oublier,
Tayeb Kalloud entre 1990 et 2000 et son épouse) étaient, souvent à leur corps
défendant - sans doute parce qu’ils défilaient, lors de certaines cérémonies
protocolaires sportives, derrière la bannière nationale ou se dressaient sur
des podiums représentatifs de l’excellence tandis que l’emblème s’élevait le
long du mat - une forme de porte-drapeaux d’un système politique particulièrement
honni.
Pourtant, il faut admettre qu’à cette époque-là, la partie de la
population endoctrinée par les discours rigoristes comportait un nombre élevé
d’entre les membres de la famille sportive. Une famille disloquée dont une part
non négligeable a été identifiée par les services de sécurité et reconnue (et à
ce titre mis en détention) par la justice nationale en raison de leurs qualités
de simples partisans, de membres des réseaux de soutien logistique à
l’activisme armé ou incriminés pour
appartenance aux groupes armés.
Dans une forme minimaliste et le plus souvent mimétique, ils étaient des
porteurs ostentatoires des attributs revendiqués du radicalisme religieux
véhiculés, selon les cas et les situations, par les tenues vestimentaires
portées et par les discours prosélytes tenus.
Tayeb Kalloud, vers le milieu des années 1990, au summum de la
tourmente, écumait depuis quelques années déjà les compétitions (cross et
courses sur route) rémunératrices organisées en France. Son épouse (une
ancienne championne d’Algérie, internationale des lancers) « chassée »
d’une des villes portuaires de la Kabylie maritime, était inscrite (disait-elle
alors à ceux auprès de qui elle pouvait se confier, s’épancher), sur la liste
des affichettes (« wanted » plutôt morts que vifs)
collées sommairement sur les portes des édifices de référence.
L’épouse de Tayeb Kalloud vivait dans la plus grande précarité et
insécurité à Alger où une occupation lui avait été trouvée dans les bureaux de
la FAA. Elle attendait, avec l’espoir que fait naître le plus insoutenable des
désespoirs, que la situation administrative de son époux en France soit régularisée
pour entreprendre les démarches du regroupement familial salvateur.
Le sort précaire des athlètes
algériens (ayant vécu cette situation de fragilité sociale) n’est
malheureusement pas très documenté. Il
semblerait, à écouter ou à lire deux décennies plus tard, les récits d’une
relative insertion réussie dans la société française elle-même fragilisée, que
la solidarité agissante (familiale, amicale et des ONG) ait permis à beaucoup
d’entre eux de supporter la dureté de l’exil forcé, de ne pas sombrer dans les
pièges du dopage, lorsque pratique sportive de haut niveau il y avait et qu’il
fallait « croûter », survivre avec le minimum dans une
société impitoyable pour les désargentés.
Nous noterons qu’il n’en est pas
de même pour les athlètes marocains. Pour ces derniers, les récits médiatiques
de leurs difficultés sociales sont plus abondants. Ils ont fleuri après chacune
des sanctions sportives prononcées à leur encontre par les agences nationales
de lutte contre le dopage de France, d’Espagne, de Belgique où la diaspora sportive
marocaine est importante ou les institutions internationales.
Ces mêmes récits montrent que les
sanctions ont souvent (surtout en France) été émaillées, suivies par des
actions en justice aux vertus retardatrices des effets de la sanction. Les
récits des mésaventures permettent d’observer que l’Eldorado européen a souvent
été un mirage pour les migrants sportifs le plus souvent fragilisés par des
pertes de repères identitaires, familiaux, sociaux.
Leila Traby a été ballotée entre
ses identités sahraouie, marocaine ou française pour finir dans le groupe
d’entraînement d’Aden Jama, un entraîneur controversé également en quête de
repères.
Hamza Driouch, orphelin très
jeune, s’est retrouvé avec la nationalité qatarie et impliqué dans une affaire
de dopage qui n’a pas révélé tous ses détails.
Quant aux autres, ils ont en
commun Font Romeu et à Ifrane, qualifiés de sites de préparation en altitude et
de marchés de produits dopants.
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