mercredi 27 juin 2018

Ali Saidi-Sief (41), Dans les filets de la précarité

La promotion de la course à pied portée par les médias européens montre que certains coureurs surtout africains (essentiellement kenyans, éthiopiens, marocains) sont réputés pour avoir ce type de conduites  sportives que l’on dit pourtant n’avoir aucun lien avec le haut niveau de performance.

L’un des derniers exemples offert par la presse internationale est celui d’Habib Mosbah, un franco-algérien alpagué au début de l’année 2018, qui s’est rendu célèbre pour avoir écumé les courses régionales   françaises (du Sud de l’Hexagone) et pour avoir participé, en quelques jours (une semaine), à trois courses excessivement médiatisées sur les réseaux sociaux.

Le docteur Dupré affirme aussi que « dans le haut niveau, pour les sportifs sans double projet, en cas de  blessure ou de baisse de performance (forcément logique au fil du temps), ils vont au-delà de leurs possibilités naturelles, en prenant des produits ».

Le double projet dont il est question ici (mais que ne définit pas le docteur Dupré) est celui qui, dans le discours sportif de ces dernières années, permet d’allier, ou de tenter de réaliser, en synchronie le projet sportif placé prioritairement parmi les objectifs personnels à atteindre et un projet socio-professionnel se traduisant soit par un parcours scolaire, universitaire, d’apprentissage professionnel temporellement adapté aux exigences du haut niveau sportif avec en ligne de mire une activité envisagée dans la perspective d’une reconversion ultérieure matérialisant le passage d’une vie sportive (y compris de type professionnel) provisoire à une activité laborieuse inscrite soit dans la durée soit dans la mobilité.

Dans cette vision, l’absence de ce double projet, pressenti comme salutaire, serait synonyme d’une réduction de l’avenir à un projet personnel basée sur l’unique réussite sportive. Elle conduirait inéluctablement au dépassement de soi-même par le recours aux aides illicites.

On serait certainement tenter d’accoler cette explication du docteur Dupré au quadragénaire Tayeb Kalloud,  à la carrière sportive déclinante, si les explications fournies par ce  dernier devant les membres de la commission fédérale française n’avaient pas emprunté une autre voie de défense qui fut, nous l’avons vu, démontée.

Pourtant, le degré de crédibilité d’une explication de ce type est élevé lorsqu’un regard sur le passé du coureur renvoie à une période où le contexte d’évolution ne fut pas des plus enviables.

Ce que l’on ne sait pas (ou que beaucoup d’acteurs sportifs algériens de l’époque ont certainement oublié s’ils en eurent un jour connaissance) c’est que Tayeb Kalloud a fait partie d’une des premières vagues d’athlètes-migrateurs des années 1990.  En des temps difficiles qui culminèrent avec la « décennie noire ».

Tayeb Kalloud appartint  à cette catégorie d’athlètes (sportifs et sportives de toutes disciplines) considérés comme des suppôts de Satan, obligés de vivre en semi-réclusion en attendant que passe la tempête de l’islamisme radical, obscurantiste pourchassant sans pitié les « taghouts » (les tyrans) au pouvoir et leurs partisans.

Les « taghouts » ont été, dans une société bouleversée dans ses fondations par les massacres et les attentats, une catégorie sociale à laquelle les athlètes, à l’instar (nous ne devons pas l’oublier) de nombreux autres citoyens sans défense dont le statut d’universitaires, de hauts commis de l’Etat, d’agents au service du public (tels les militaires, les gendarmes, les policiers et ainsi que d’innombrables humbles fonctionnaires de l’Education, des Postes ou du fisc) furent promptement et impitoyablement assimilés aux représentants de la société et aux pratiques mécréantes signalées comme celles qui n’étaient pas en phase avec les nouvelles règles, étrangères aux mœurs religieuses locales, que d’aucuns avaient importées de contrées lointaines.

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