Pendant ce semestre de transition, sur le plan de l’accompagnement technique,
Yahia Azaidj a été écartelé, comme peut l’être un jouet que de grands enfants
se disputent, entre les programmes de préparation concoctés les entraineurs
nationaux (Mohamed Salem, entraîneur de l’EN junior de cross-country et de demi-fond
fut l’un d’eux) et par les entraîneurs rémunérés par le MCA.
Il était également partagé entre les objectifs (devenus secondaires)
du club de Ksar El Bokhari, évincé et confiné au simple rang de façade
administrative, et ceux du MCA et de la fédération qui, au début de la décennie
1990, se percevait plus comme un opérateur et non tel un régulateur. La
compréhension des textes réglementaires en vigueur à l’époque aidant avait fait
d’elle, en accord avec la vision du
centralisme démocratique hérité du Parti Unique et du jacobinisme légué par le
colonialisme, un super club réceptacle ultime de l’élite nationale.
Il fait partie de la nature de l’athlétisme, ou plutôt de la politique
sportive telle que perçue par les entraîneurs en mal de notoriété ou désireux
de la conserver, sous l’impulsion d’une politique plus libérale, de se disputer
les jeunes talents émergents.
Nous avons vu que l’encadrement administratif d’Ali Saidi-Sief fut
stable. Comme ce fut le cas pour Azaidj et tous ceux qui firent partie de
l’association sportive pétrolière. Ayons en permanence à l’esprit que celle-ci est
adossée à la plus importante entreprise économique et industrielle, le pis
nourricier du pays. Toutefois, des informations tardives (les langues ont tardé
à se délier) laissent à croire que tout ne fut pas toujours rose, aussi limpide
que ce qui a été raconté dans les chaumières et dans les cénacles sportifs.
Aïssa Belaout a narré sur les réseaux sociaux les mésaventures qu’il a
rencontrées lors de la fin de son parcours avec le Mouloudia et ceux
(entraîneurs, manager, etc.) avec qui il était en contact. C’est au cours de
cette période que semble avoir débuté la fragilité que connue Ali Saïdi-Sief.
Le temps passé, se comptant maintenant en décennies, n’efface pas toujours
les ressentiments et les frictions d’hier. Il se dit aujourd’hui, dans cet
univers que l’on ne voit qu’à travers le prisme déformant des grands moments de la fabuleuse décennie
athlétique (1990-2000), que les rapports entre les individus, plus particulièrement
entre les membres du couple de base que sont les athlètes et leurs entraîneurs,
ne furent pas toujours aussi harmonieux que ce que l’on peut entrevoir lorsqu’on
est à distance ou lorsque les résultats sont présents et sont exposés « à
la Une » des journaux télévisés. Ce qui a pour conséquence
d’attiser de toute évidence les convoitises naissantes.
La décennie 1990 a enregistré l’essentiel des titres et médailles
mondiales et olympiques attribuées aux athlètes algériens. Boulmerka, Morceli,
Merah-Benida, Hammad, Saïd-Guerni, Saïdi-Sief sont synonymes de moments de joie
populaire.
Cette séquence temporelle de joies éphémères tranche paradoxalement
avec le contexte de la décennie sanglante. Les victoires sportives, les plus
belles qu’ait connues l’Histoire de l’athlétisme, furent le seul et unique
rempart immatériel au sentiment de terreur que l’Algérie eut à connaitre. Un
rempart qui transcendait les hommes (et les femmes) debout.
Les sportifs de haut niveau, mis dans un cocon quasi-imperméable aux
effets et méfaits de la vie quotidienne, étaient perçus, médiatiquement
parlant, par le petit bout de la lorgnette chère à Gulliver, ce personnage
romanesque de Jonathan Swift, à travers la mise en avant du soutien polymorphe
accordé par Sonatrach et l’Etat à ces ambassadeurs sportifs devenus des idoles
nationales (et internationales) de la résistance à cette barbarie que la
planète ne découvrit réellement qu’avec une décennie de retard.
Pendant longtemps (la décennie comprise entre 1996 à 2005), Djabir
Saïd Guerni fut le compagnon, au club et en équipe nationale, de Saïdi-Sief et
de tant d’autres champions dont beaucoup restèrent en plan. Contrairement à la
leur, la carrière internationale de Djabir fut jalonnée par des médailles et
des titres africains, mondiaux et olympiques.
Djabir Saïd-Guerni eut la chance (dont on ne mesure pas toute
l’importance) d’avoir été accompagné, dès son plus jeune âge (13 ans), par son
père. Zine El Abidine, un entraîneur venu de l’EPS qui ne fut pas apprécié de
son vivant à sa juste valeur car il n’appartenait pas au sérail, sut protéger
son fils, un champion musculairement fragile et, à ce titre, sujet à des
blessures à répétions qui handicapèrent sa carrière.
Il ne fait pas de doute que cet
aspect (la protection de l’athlète) n’aurait certainement pas été au cœur des
motivations d’un autre entraîneur qui ne serait pas lié à l’athlète par ce lien
de parenté très fort. Préparation, repos, respects des consignes médicales,
participations à des meetings soigneusement sélectionnés semblent avoir été préoccupations
primordiales des Said-Guerni.
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