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a dernière décennie du 20ème siècle marque les esprits et
la mémoire des sportifs algériens. Les exploits s’accumulent à ce niveau mondial qui avait été juste effleuré
pendant la « Réforme sportive ». Celle-ci a permis
cependant de poser les bases idéologiques, organisationnelles et
infrastructurelles d’un mouvement précédemment quasi-inexistant.
Le sport qui n’était qu’une forme décriée de loisirs, difficilement
acceptée par une population (à majorité rurale) dont les besoins primaires
(tels que définit par A. Maslow) sont, au sortir d’une guerre de libération
ayant bouleversé les modes de vie, des plus pressants est devenu un élément
incontournable de la société algérienne déboussolée par les multiples
changements qui lui sont imposés.
Bien que non listé parmi les « constantes »,
il en devient cependant l’étendard et souvent même un des symboles de la
souveraineté nationale que l’on exhibe en toutes occasions. Ses résultats, ses
réalisations infrastructurelles sont brandis presque au même titre que
l’emblème ou l’hymne national. Le déchirement sanglant de la décennie 90 est
surmonté en partie par l’adhésion unitaire qu’apportent les performances
sportives de ceux et celles considérées comme ces « héros de la
Nation » qui renvoient à d’autres pays et d’autres temps. Alors
que le sport est moribond.
Lorsqu’est abordé le 21ème
siècle, la loi sur l’éducation physique et sportive (2004) est
promulguée. Elle déclenche une « rupture épistémologique» qui
connaitra une seconde avancée avec la loi de 2013 portant sur les activités
physiques et sportives. La loi algérienne reconnait alors deux formes très
distinctes de pratiques sportives et légalise le « sport professionnel »
en créant des personnes morales - sociétés sportives commerciales ayant le
statut de société sportives par actions (SSPA) ayant juridiquement le droit de
faire des bénéfices et de distribuer des dividendes) - et des clubs sportifs
amateurs (CSA).
La privatisation, érigée en dogme dans la sphère économique, atteint
maintenant de plein fouet le système sportif. Il s’agit en fait de la poursuite
de la politique de désengagement de l’Etat entamée aux débuts des années 90 qui
autorise les opérateurs économiques du secteur privé (sans l’interdire
expressément à ceux du secteur public) à investir dans le domaine du sport. Les
pouvoirs publics conservent la main sur le sport amateur (ayant le statut
d’activités à caractère social et public) mais aussi sur la gestion des équipes
nationales.
Répondant à l’insistance des dirigeants du football (essentiellement
ceux des clubs les plus réputés et ceux de la fédération s’inscrivant dans une
perspective d’émancipation de la tutelle étatique), la nouvelle législation
avait pour ambition première d’alléger le fardeau que faisait peser la gestion
du sport-roi de haut niveau sur les finances publiques et le mouvement sportif
national. Ce sont les autres disciplines sportives (enkystées dans
l’amateurisme et persistant dans les réflexes d’antan du « professionnalisme
de façade ») qui en ont indirectement payé le prix fort. Le
football bénéficie de dérogations qui ne sont pas élargies aux autres
disciplines.
Les dérives des gestionnaires du football (salaires mirifiques, prises
en charge logistique luxueuses, irrespect du code du travail et des assurances
sociales, infractions à la réglementation fiscale, mésusage des règles
footballistiques, etc.) ont amené ces dirigeants à tenter de revenir dans le
giron de l’Etat protecteur et salvateur tout en préservant leur autonomie.
Alors que la fédération, s’appuyant sur les importantes rentrées financières
qu’induit le sponsoring depuis les exploits de équipes nationales s’étant
qualifiées aux Coupes du monde de 2010 et 2014), se désiste des subventions
publiques, les clubs des Ligues professionnelles 1 et 2 quémandent auprès des
pouvoirs publics des terrains d’assiettes au dinar symbolique, la prise en
charge de la réalisation de centres de formation et de préparation inexistants jusqu’à
aujourd’hui et un soutien financier pour la prise en charge des charges de
logistique détournés ouvertement afin de régulariser les salaires
perpétuellement en instance des différents staffs (joueurs, entraineurs et
autres employés de la SSPA). Les plus influents sollicitent même que leurs SSPA
soient affectées à des entreprises publiques…. comme au temps de la « Réforme
sportive ».
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