samedi 11 août 2018

Ali Saidi-Sief (46) Les dogmes venus de l’Oural


Le « cross du Parti », quelles que furent ses dénominations ultérieures, a été un formidable outil de détection et de promotion de la course à pied pénétrant les coins les plus reculés de cette « Algérie profonde » au cœur des discours politiciens. Une machine, une partie de l’appareil idéologique de l’Etat qui sut s’adapter, aussi bien qu’aurait pu le faire un caméléon, aux mutations politiques, idéologiques et administratives. Ces dernières étant liées aux découpages territoriaux.
Ce fut un appareil qui conserva, au fil du temps, quasi immuablement la même philosophie sportive issue de la pensée agissante en dogme régissant la société sportive dans les pays de l’ex-bloc de l’Est et dans les pays amis. Tant que cette pensée et ces dogmes furent le moteur de la société.

Il est possible de retrouver le mode de pensée et de structuration de la politique sportive (en déclin, agonisante lorsqu’apparaissent les deux jeunes champions) dans ce qui a été tangible, à divers degrés, dans la « République des sports », ancêtre de la « Réforme sportive » de 1976 mais aussi (le partage de l’inspiration  originelle est très forte lorsque l’on se penche sur le modèle de base) dans le cross organisé en France par le journal « L’Humanité », organe du parti communiste français. « La République des sports » et le « cross de l’Humanité » sont contemporains des années 1960.
  
C’est un schéma organisationnel quasiment identique qui fut en action. Le « Cross du Parti » a été une structure pyramidale dont la base fut, dans le maillage sociétal sur lequel il reposa, le quartier et l’école avant de se propager vers le niveau national en transitant par les échelons territoriaux intermédiaires que sont la commune, la daïra et la wilaya. Des territoires portées à bout de bras  par les différentes structures (kasmates et mouhafadates) du Parti (unique jusqu’en 1989) doté de tous les pouvoirs.

Comme le cross de « L’Humanité » (auquel il faut associer, en tant qu’étapes sélectives, les cross organisés par les titres locaux et régionaux liés au parti communiste), le « cross du Parti » a été un outil d’animation sportive de proximité semi-élitiste puisque les meilleurs athlètes nationaux licenciés au sein de la fédération algérienne d’athlétisme en étaient exclus.

Les organisations du Parti (en Algérie) et la FSGT – la Fédération Sportive et Gymnique du Travail, proche du syndicat CGT (Confédération Générale des travailleurs) et du PCF (Parti Communiste Français) se tournaient essentiellement vers les non-licenciés. On perçoit d’autres similitudes entre la FAST (fédération algérienne sport et travail) et la FSGT qui sont deux fédérations sportives liées à un syndicat et à un parti politique dit « progressiste ».

Les deux jeunes champions se sont retrouvés dans des situations associatives opposées. Miloud Abaoub était licencié dans un grand club de Batna où existait une riche tradition de la course à pied symbolisée par une manifestation sportive plongeant ses racines dans la nuit des temps, le « Challenge des Aurès » et son « Relais d’Argent », son marqueur temporel si inoubliable qu’il figure dans tous les programmes d’épreuves à chaque résurrection. Le Challenge des Aurès est, il faut le dire, comme le Phoenix. Il renaît périodiquement de ses cendres.

L’athlétisme batnéen a reçu (on aurait tendance à l’oublier), au début de la décennie 80, le soutien des coopérants techniques soviétiques. Une collaboration de si haut niveau qu’elle ne pouvait donner que de nombreux champions au sein du CAB et du MSPB, deux associations sportives initiatrices  de deux écoles réputées en demi-fond (fond, courses sur route et cross-country) et en courses de haies dont ont émergé (entre autres) Allaoua Khelil et Nabil Selmi.

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