Le « cross du Parti »,
quelles que furent ses dénominations ultérieures, a été un formidable outil de
détection et de promotion de la course à pied pénétrant les coins les plus
reculés de cette « Algérie
profonde » au cœur des discours
politiciens. Une machine, une partie de l’appareil idéologique de l’Etat qui
sut s’adapter, aussi bien qu’aurait pu le faire un caméléon, aux mutations
politiques, idéologiques et administratives. Ces dernières étant liées aux découpages
territoriaux.
Ce fut un appareil qui conserva, au fil du
temps, quasi immuablement la même philosophie sportive issue de la pensée
agissante en dogme régissant la société sportive dans les pays de l’ex-bloc de
l’Est et dans les pays amis. Tant que cette pensée et ces dogmes furent le
moteur de la société.
Il est possible de retrouver le mode de pensée
et de structuration de la politique sportive (en déclin, agonisante
lorsqu’apparaissent les deux jeunes champions) dans ce qui a été tangible, à
divers degrés, dans la « République
des sports », ancêtre de la « Réforme sportive »
de 1976 mais aussi (le partage de l’inspiration originelle est très forte lorsque l’on se
penche sur le modèle de base) dans le cross organisé en France par le journal
« L’Humanité »,
organe du parti communiste français. « La République des sports » et le « cross de l’Humanité » sont contemporains des années 1960.
C’est un schéma organisationnel quasiment
identique qui fut en action. Le « Cross du Parti » a été
une structure pyramidale dont la base fut, dans le maillage sociétal sur lequel
il reposa, le quartier et l’école avant de se propager vers le niveau national
en transitant par les échelons territoriaux intermédiaires que sont la commune,
la daïra et la wilaya. Des territoires portées à bout de bras par les différentes structures (kasmates et
mouhafadates) du Parti (unique jusqu’en 1989) doté de tous les pouvoirs.
Comme le cross de « L’Humanité » (auquel il faut associer, en tant qu’étapes
sélectives, les cross organisés par les titres locaux et régionaux liés au
parti communiste), le « cross
du Parti » a été un outil d’animation
sportive de proximité semi-élitiste puisque les meilleurs athlètes nationaux
licenciés au sein de la fédération algérienne d’athlétisme en étaient exclus.
Les organisations du Parti (en Algérie) et la
FSGT – la Fédération Sportive et Gymnique du Travail, proche du syndicat CGT (Confédération
Générale des travailleurs) et du PCF (Parti Communiste Français) se tournaient
essentiellement vers les non-licenciés. On perçoit d’autres similitudes entre
la FAST (fédération algérienne sport et travail) et la FSGT qui sont deux
fédérations sportives liées à un syndicat et à un parti politique dit « progressiste ».
Les deux jeunes champions se sont retrouvés dans des situations
associatives opposées. Miloud Abaoub était licencié dans un grand club de Batna
où existait une riche tradition de la course à pied symbolisée par une
manifestation sportive plongeant ses racines dans la nuit des temps, le « Challenge
des Aurès » et son « Relais d’Argent »,
son marqueur temporel si inoubliable qu’il figure dans tous les programmes
d’épreuves à chaque résurrection. Le Challenge des Aurès est, il faut le dire,
comme le Phoenix. Il renaît périodiquement de ses cendres.
L’athlétisme batnéen a reçu (on aurait tendance à l’oublier), au début
de la décennie 80, le soutien des coopérants techniques soviétiques. Une
collaboration de si haut niveau qu’elle ne pouvait donner que de nombreux
champions au sein du CAB et du MSPB, deux associations sportives initiatrices de deux écoles réputées en demi-fond (fond, courses
sur route et cross-country) et en courses de haies dont ont émergé (entre
autres) Allaoua Khelil et Nabil Selmi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire