mardi 16 août 2016

David Torrence (2), L’atavisme péruvien

A
près que les médias eurent eu connaissance du changement de nationalité sportive de David Torrence la question qui lui fut posée marque distinctement la surprise des journalistes américains. En effet, dans leur inconscient collectif, il est très difficile d’accepter, en vertu de l’image de puissance que dégage cette nation, qu’un citoyen américain, présentant les apparences d’une intégration parfaite ( ?) à la société dans laquelle il vit, puisse acquérir une nationalité sportive autre et, qui plus est, d’un des pays sud-américains véhiculant une image de déconsidération.

Ne soyons pas naïfs. Si nous avions tendance à l’être, un élu français dans le Sud du pays des droits de l’homme, anciennement premier responsable d’une ONG internationale, s’est chargé de nous rappeler que le patronyme est un marqueur identitaire, ethnique. David Torrence a, par bonheur dans cette nation où les « hispaniques » sont aussi bien vus que le sont les maghrébins en Europe, la chance de ne pas détoner.

La première question qui lui fut posée est : « Pourquoi courir pour le Pérou plutôt que d'essayer de faire partie l'équipe des États - Unis? » suivie par un appendice qui prouve bien que les apparences sont trompeuses et qui situe la place qu’occupe le pays (Etats Unis) à la fois dans l’esprit de ses citoyens et dans l’univers du sport. Ce changement de nationalité sportive est perçu comme une forme de régression dans la hiérarchie des nations : « Parce que vous avez participé à des compétitions internationales avec l’équipe des Etats Unis l’été dernier ». Pour mémoire en juillet 2015, David Torrence non seulement participé aux jeux panaméricains, avec  la « bannière étoilée » pour étendard mais y remportait aussi une médaille d’argent.

David Torrence, comme dans une partie de pétanque fleurant le Pastis de l’édile languedocien, pousse le bouchon un peu plus loin en notant qu’il avait représenté son pays (les Etats Unis) à plusieurs reprises. Les explications données nous semblent manquer de netteté. Sans doute les conséquences d’une traduction très approximative dont nous avons pu tirer que ce changement de statut sportif est la conséquence d’ « un peu d’introspection » à laquelle se sont ajoutés la possibilité d’aller au bout de soi-même et d’être un modèle pour trois catégories de personnes : « les athlètes, les non-athlètes et les enfants ».

Il réalise aussi que les États - Unis peuvent remplir les quotas de places autorisés par la réglementation aussi bien dans les épreuves auxquelles il peut participer mais aussi dans les autres épreuves et les autres disciplines sportives. Ce n’est pas le cas du Pérou qui ne peut aligner qu’une « une poignée d'athlètes » qu’il estime à une vingtaine.

Dans sa réflexion qui stupéfait par sa rigueur, sa logique, sa froideur, l’impact d’une participation à une finale aurait  un impact beaucoup plus important sur la population péruvienne et apporterait un changement de la culture sportive du pays (possédant de bons marathoniens) en introduisant l'idée de parcours professionnel permettant aux coureurs de demi-fond d’exploiter leurs qualités.

On retrouve, en y prenant garde, le côté bon samaritain des Américains et un égo surdimensionné qui perce lorsqu’il dit : « Je me sens plus "percutant" (représentatif ?) en qualité d’athlète péruvien que comme athlète américain ». Il a conscience des commentaires que cela va entraîner dont celui du choix de la voie de la facilité pour l’obtention du ticket pour Rio.

Devenir Péruvien implique dans l’esprit du journaliste l’obligation de parler la langue du pays sportivement rejoint, l’espagnol : « Parles-tu espagnol? », lui a-t-il était demandé. On apprend que c’est sa langue maternelle, qu’il la parle presque couramment, que c’était le moyen de communication avec sa mère et les membres de sa famille péruvienne qu’il retrouvait presque tous les deux ans. Dans ses explications, on sent comme une forme de communautarisme qui trouve son origine dans le décès de son père américain lorsqu’il était âgé de 6 ans et l’entourage maternel qui l’a pris sous son aile : « Quand j'avais environ six ans, mon père est décédé. Mon père était américain, ma mère était péruvienne. Quand il est décédé, j’ai été recueilli par le côté péruvien de ma famille. Chaque jour après l'école, j’allais chez ma grand - mère pendant que maman travaillait. Là-bas, c’était comme un petit Pérou. Elle me parlait espagnol. Nous avons mangé la cuisine péruvienne, écouté de la musique péruvienne. J'ai un lien très fort avec mon patrimoine péruvien. Par cette éducation, je me suis toujours considéré comme péruvien-américain et non pas seulement américain ».


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