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id Ali Boudina a été notre représentant aux jeux olympiques
de Rio de Janeiro dans une discipline que l’on ne connait pas (ou si peu) et à
laquelle on n’accorde habituellement pas d’intérêt. Pour ne pas dire autre
chose ! C’est en effet un sport qui
n’est pas médiatisé si ce n’est pendant le déroulement des grands événements sportifs
(les jeux olympiques en sont le plus grand) ceux qui sont retransmis par les
caméras des chaines de télévisions planétaires à un moment où la retransmission
ne coûte pas ces sommes folles que demandent les acquéreurs habituels des
droits télévisées que sont en premier lieu les Qataris, premiers investisseurs
dans le secteur de la communication. Un sport que l’on regarde d’un œil
distrait avant de zapper, d’aller voir d’autres disciplines sportives qui font
partie de notre espace cognitif : L’aviron.
Sid Ali Boudina est sorti de la pénombre (l’obscurité serait
sans doute le terme le plus adéquat pour décrire la situation dans laquelle il se meut habituellement) pour
une raison toute simple et ô combien incroyable. L’agence nationale de presse a
annoncé, juste après son élimination aux quarts de finale que le champion
ignoré de tous, ce rameur dans cette légère embarcation qu’est le skiff,
prendra sa retraite internationale après une dernière participation sous le maillot
national lors des prochains championnats d’Afrique.
On raconte aussi de-ci de-là (c’est-à-dire sur les réseaux
sociaux) qu’il a été mis dans l’obligation de faire l’impasse sur les
championnats du monde (qui débuteront 20 août) car à cette date-là il sera
encore à Rio attendant le décollage de l’avion spécial qui ramènera la
délégation algérienne sur Alger. On ne sait (en fait on s’en doute un peu) pour
quelle raison, le rameur n’a eu la possibilité, l’insigne avantage accordé à
certains athlètes (Makhloufi, Keddar, Aït Salem) et certains entraîneurs (Mohamed
Hocine) et dirigeants de fédération (Ammar Bouras) d’emprunter un vol
commercial. Dans le paysage sportif algérien, l’aviron et Sid Ali Boudina ne
compte guère.
Son talent, son exploit a été reconnu par nos experts au
moment où il se retire sous la tente (comme le fit Achille, héros mythique grec
de la guerre de Troie mis en valeur par Homère dans son poème épique l’Iliade
à la mort de son ami Patrocle) pour
entamer une carrière professionnelle (sans doute reprendre d’’abord des études
universitaires qu’il a délaissée à l’amorce de la troisième année) pour
réaliser une autre carrière (sportive) honorablement remplie par cet exploit
que fut la qualification pour ces quarts de finale. Un exploit qui en font,
alors qu’il exprime un malaise existentiel profondément ressenti, un héros
national (dans la discipline) puisque ce stade n’avait (dit-on) jamais été
atteint par ces prédécesseurs. A son actif également, selon ses supporters (ses
parents et proches) très actifs sur les réseaux sociaux, une très belle place
en finale "A" de la dernière coupe du monde de ce sport. Une donnée
qu’il confirma dans la déclaration recueillie par l’agence de presse nationale.
Sa coéquipière, dans le même sport, dans la même épreuve
mais chez les dames, Amina Rouba a réussi un exploit de même dimension tout en
passant (un exploit à porter à son
actif) totalement inaperçue. La pauvrette souffre de l’absence d’un fan club qui
puisse se porter sa parole, son image sur Facebook et elle…..n’a pas pris sa
retraite. Elle n’est citée que pour mieux accompagner l’information, le sujet
principal. C’est certainement la facette machiste de la vision que l’on a dans
les milieux médiatiques de la femme dans le sport algérien. Des médias qui ne les
encensent que lorsqu’elles surpassent de très loin les sportifs de sexe
masculin. Hassiba Boulmerka, Nouria Merah, Soraya Haddad, Baya Rahouli, Salima Souakri
et, en des temps plus lointains, La Kahina, Fatma N’Soummer en sont les
exemples les plus flagrant.
Les deux Algériens - bien qu’éliminés en quarts de finale,
par un de ces aspects philosophiques inspirant les réglementations techniques
que peuvent se permettre les disciplines sportives en retrait médiatique et à
la participation réduite - restent en course jusqu’à la fin des compétitions
puisque participant à des épreuves de classement (demi-finales C et D)
épargnant par leurs désignations les egos et les réputations des uns et des
autres. Ils auront participé à autant de tours de compétitions que les
médaillés et les finaliste A.
A première réflexion, le départ à la
retraite (sportive) de Sid Ali Boudina est incompréhensible. A 26 ans, l’âge de
la maturité sportive, Sid Ali a de beaux jours devant lui. Celui de redevenir à
nouveau finaliste A dans les plus grandes compétitions de cette discipline.
Nous avons vu que la possibilité de le faire cet année (après une préparation
et quelques courses de haut niveau dans le cadre de ces jeux olympiques qu’il
n’aurait sans doute jamais envisagé en d’autres circonstances) ne lui est pas
offerte (ne pourrait-on pas dire qu’elle lui a été retirée,
interdite ?) puisqu’il sera encore au village olympique.
Mais voilà, Sid Ali n’en peut plus. Après
avoir délaissé ses études universitaires (deuxième année de « fac »)
pour son projet sportif (participer à des compétitions de haut niveau), il
s’est rendu compte que celui-ci n’avait que peu de chances d’aboutir avec les
conditions de pratique actuelles.
A l’issue de son quart de finale du skiff
individuel, disputé et perdu à l'"Estadio Lagoa",
Sid Ali Boudina, premier rameur de l’histoire sportive algérienne à avoir atteint les quarts de finale olympiques pour sa première participation aux Jeux, a décidé de tourner la page et penser à son avenir : « Je vais certainement arrêter après les prochains championnats d’Afrique, c’est triste mais c’est comme ça. J’ai vraiment envie de faire le haut niveau mais les conditions ne me le permettent pas actuellement, donc je veux arrêter et penser à autre chose, notamment mon avenir ».
Sid Ali Boudina, premier rameur de l’histoire sportive algérienne à avoir atteint les quarts de finale olympiques pour sa première participation aux Jeux, a décidé de tourner la page et penser à son avenir : « Je vais certainement arrêter après les prochains championnats d’Afrique, c’est triste mais c’est comme ça. J’ai vraiment envie de faire le haut niveau mais les conditions ne me le permettent pas actuellement, donc je veux arrêter et penser à autre chose, notamment mon avenir ».
Sid Ali est conscient qu’il
est dans la fleur de l’âge sportif. Il affirme au journaliste de l’APS que 26
ans, « c’est l’âge idéal pour progresser le plus dans cette
discipline ». Mais, ajoute-t-il, avec une pointe de regret : « je
n’ai plus 20 ans ». Un propos lourd de sens puisqu’il
« faut penser à un moment donné à son avenir ».
La décision est, si l’on peut
dire, collégiale ou du moins elle a été prise dans ce qui pourrait, à s’y
méprendre, ressembler à un semblant de conseil de famille. C’est certain de
l’approbation familiale qu’il dit : « mes parents sont d'accord
avec ma décision d’arrêter la compétition parce qu’ils ont peur pour mon
avenir ». Voilà des parents sensés qui ont accompagné leur enfant
aussi loin, aussi longtemps qu’ils l’ont pu et qui ne veulent pas le laisser
s’empêtrer dans une situation préjudiciable comme l’ont été tant de champions,
de médaillés bernés par des promesses sans lendemain. Ses parents craignent la
précarité sociale que mettent en avant des judokas et des boxeurs. La précarité
des lendemains incertains.
Cependant, cette décision surprenante
ne l’ait pas autant que l’on voudrait nous le faire croire. En effet, avant le
déplacement à Rio, il s’était entretenu avec les responsables de la fédération
(au sujet desquels il dit qu’ils l’ont beaucoup aidé en particulier en
l’autorisant à passer une année à s’entraîner en France, à Toulouse, une
explication plausible et réaliste à l’année universitaire sabbatique) et qu’ils
auraient convenu d’en reparler à nouveau après les jeux.
Sid Ali croit en lui. Il se serait bien vu
conquérir une médaille aux championnats du monde. Mais, il a conscience aussi
que la politique « entreprise (…) est beaucoup plus dirigée vers les
compétitions continentales et régionales (Afrique et arabe) » et
que pour lui, dont les ambitions sont plus élevés que ces objectifs, il sera
très difficile d’obtenir les conditions lui permettant d’évoluer au niveau
désiré. Ses objectifs, ses ambitions ne sont pas en phase avec ceux des
instances sportives nationales. Dans de telles conditions autant se retirer en
beauté d’abord en se classant parmi les 18 meilleurs aux JO puis avec un titre
africain.
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