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e tous temps, et avec plus d’acuité lorsque la crise est présente et
bouscule les habitudes routinières qui se sont installées, le quatrième élément
du paysage sportif, que nous n’avons pas encore désigné, est interpellé de tous
côtés, par de multiples voix, souvent chicanières et confuses, afin qu’il
prenne parti pour l’une des factions en confrontation, pour l’un des prétendants
à une fraction supplémentaire d’autorité et à l’imposition d’une volonté non
partagée. Les dirigeants des clubs sportifs, quelle que soit la forme juridique
adoptée, associations ou société commerciales, amateurs ou professionnelles,
les placent au rang de sauveurs, d’unique et ultime solution à leurs
inconséquences, à leurs impuissances.
Ils sont ceux que les hommes politiques, dans les circonvolutions
langagières qui sont les leurs, ajoutant au trouble généralisé, appellent le
peuple, la référence ultime intervenant en dernière instance. Ce « peuple »
que la presse-people-foot (algéroise et leurs correspondants sous d’autres
cieux) invite indirectement à soutenir les dirigeants désemparés ou à se
positionner en arbitres. Une masse indéfinie renvoyant aux harangues populistes
d’hier adressées à des foules massées au pied de la divinité sportive adorée.
Un mot qui met en première ligne la force populaire que l’on appelle en
soutien, dont on sait qu’elle est capable d’édifier des barricades ou de les
abattre, selon les situations. Une puissance que l’on redoute, dont on dit
qu’elle a voix au chapitre alors qu’il n’en est rien, des citoyens sans droit
de vote. Ni électeur, ni éligible.
Ce sont les supporters dont les surnoms « Chenaoua »
(Chinois) pour ceux qui ne vivent que pour le MC Alger, « Sanafirs »
(Schtroumpfs) pour les adorateurs de l’équipe du CS Constantine ou les « Crabes »,
accompagnateurs du MO Bejaïa renvoient à la multitude, à une taille réduite et
à l’agitation frénétique qui seraient la caractéristique de la jeunesse. Ce sont eux qui sont les composants des
marches, sit-in et autres actions populaires qui, selon la volonté des déclamateurs,
seront soit révolutionnaires soit partisanes de la préservation du statu quo.
Dans presque toutes les dissensions, entre sociétaires, entre associés, entre
sociétaires et associés, leur arbitrage est sollicité. Bien entendu, lorsque la phase extrême est
dépassée, ils retourneront à la place de majorité silencieuse qui leur est
dévolue, dont la voix est inaudible car quasiment inexistante.
Dans la définition juridique des sociétés sportives par actions, il
n’est fait aucune place aux supporters. Si ce n’est marginalement lorsqu’il est
question de ressources et de billetterie, de droits d’entrée aux spectacles. Ce
statut de spectateurs évacue adroitement le droit, accordé par les discours
partisans, à peser sur la prise décision, sur la gouvernance de la SSPA. Les
supporters, les spectateurs n’ont quasiment aucun droit dans le cadre juridique
organisant le fonctionnement des SSPA et des associations sportives.
Tandis que le sport professionnel, symbolisé par la SSPA dans la forme
retenue par les pouvoirs publics ne l’autorisant pas à faire appel à l’épargne
publique, ne peut pas admettre en son sein les supporters car ceux-ci ne
disposent pas du statut d’associés, l’association sportive amateur lui concède
une place peu représentative de son importance quantitative. Le comité des
supporters, le regroupement juridiquement formalisé des amoureux de
l’association, fait certes partie de l’assemblée générale du club sportif mais
n’y est représenté que par la seule voix délibérative de son président.
Une lecture attentive de l’article 13 du décret exécutif 15.74 montre
que seul UN comité de supporters est admis à en faire partie. Celui-ci les
représente tous sans distinction de mouvance, sans considération pour les
différences qui font qu’ils se distinguent en groupes ou groupuscules. On ne
sait trop s’il s’agit d’un résidu de la pensée unique unissant dans un
conglomérat des factions rivales ou une perception centralisatrice d’une vision
tendant à noyer l’opinion des masses populaires.
Pourtant les supporters, en dehors du cadre délibératif et de leurs
statuts dans la société sportive, ont un rôle essentiel dans la survie du club
dépendant de leur apport financier aux guichets devant lesquels ils
s’agglutinent par milliers et dizaines de milliers.
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