mercredi 7 mars 2018

Ali Saidi Sief (6), A la conquête de la gloire


Hassiba Boulmerka est alors un des symboles du sport soutenu par l’Etat. Après sa finale des JO de  Barcelone, elle sera la version algérienne (popularisée par les médias et les « replays » interminables de la télévision Unique) de la « Marianne » de Delacroix, celle que les amoureux des arts picturaux perçoivent entraînant les armées républicano-révolutionnaires françaises à l’assaut des armées royalistes et impériales coalisées. L’ennemi étant ici les groupes terroristes islamistes.
 Sans contestation, elle devint le fleuron sportif de la politique du « tout Etat » sécuritaire, le porte-drapeau  d’un emblème national qui est de moins en moins représentatif d’une Histoire vaillante, d’une Algérie dénigrée par tous y compris ses propres citoyens attérés.
Au contraire de Hassiba Boulmerka, restée dans les girons fédéral et national,  Noureddine Morceli devint le représentant d’une perception philosophique tranchant avec un passé perdurant, avec les principes d’une politique sportive, en place depuis le milieu des années 1970, qui bientôt, après avoir atteint son apogée, se mettra en position géostationnaire, avant de faire connaissance avec la gravité terrestre et chuter comme la pomme de Newton.
Un amer retour à la réalité qui conduisit progressivement vers ce présent dans lequel s’associent les méfaits du népotisme, de l’incompétence, de la déprédation et de la prédation pour s’enfoncer dans les affres de l’endettement.
Le processus de réussite de Morceli (il faut l’admettre en dépit des discours tenus par les partisans d’un récit réécrit à l’aune du révisionnisme sportif) appartint à une vision alors naissante, minoritaire et tenue en laisse, celle du « compter sur soi », qui se met en place.
Cette vision s’oppose à la posture du « tout assistanat » qui fait fureur dans l’ensemble de la société algérienne. Les sportifs ne pouvaient donc en être exempts. Bien au contraire, ils en étaient les meilleurs représentants, ceux qui la symbolisaient le mieux.  
Morceli fut aussi, à sa manière, un de ces pionniers de la conquête du « Nouveau Monde », les Conquistadores en quête de l’Eldorado. Une conquête qui aura pour remake la « Ruée vers l’or » qui fit que le Far West, repoussant toujours plus loin, vers l’Ouest, en territoires amérindiens, les frontières connues, cessa son avancée en arrivant sur les rives  de l’Océan Pacifique.
Pour Noureddine, c’est à quelques encablures des rivages de  cet Océan, à une centaine de kilomètres de Los Angeles, la « Ville des Anges », que débuta réellement l’aventure sportive et son ascension. Il s’est lancé dans une aventure qu’il doit affronter seul, assuré du minimum.
Son exil triomphateur aux Amériques sera, plus tard (après 1991), récupéré essentiellement par ses proches qui formeront une sorte de cour, dans ce qui sera « le groupe Brahmia »ou aussi appelé « groupe Mouloudia ».
La puissance politique, administrative avide de ces exploits indispensables pour l’écriture du récit national historique de l’athlétisme idyllique pris aussi sa part. Dès les lendemains heureux des championnats du monde de Tokyo, il fut inséré dans le giron de la compagnie nationale pétrolière que faillit rejoindre Hassiba Boulmerka.
Il est à remarquer que, en dépit des multiples appels du pied qui lui ont été faits pour rejoindre les rangs, Noureddine Morceli conserva une indépendance intellectuelle et idéologique et surtout une attitude de non-implication et de non-immixtion dans les affaires souvent troubles qui ont agité le mouvement sportif. Cependant, l’enfant d’une fratrie nombreuse, sans doute en contrepartie des divers avantages sociaux (primes, logement, statut de conseiller des sports attribué aux deux champions du monde par décret dérogatoire) octroyés par les représentants de l’Etat, laissa utiliser son image de champion.
A cette époque de gloire naissante, sans en faire part ouvertement, Noureddine était déjà agacé par les exhibitions oratoires et posturales de son manager, Amar Brahmia.  

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