Notre première rencontre avec Amar Bouras eut lieu dans les
mêmes circonstances que notre première rencontre avec Ahmed Mahour Bacha. Une
interview aux championnats d’Algérie « Open »
d’athlétisme. Ce week-end-là, à quelques heures d’intervalle (Bouras précédant
Mahour Bacha au parloir), je fus en présence de deux figures de l’athlétisme
national (ou plus exactement de deux entraîneurs nationaux) appartenant à la
« nouvelle vague » d’entraîneurs, ceux qui sortirent diplômés
de l’ISTS. Deux entraîneurs tranchant par leur profil avec les anciens dont je
connaissais beaucoup de représentants
pour les côtoyer chaque week-end.
Ce jour-là, dans les tribunes du stade du 17 juin, donc à
domicile, dans ma ville d’adoption, j’avais sous les yeux les acteurs (en
athlétisme) du débat polémique entre les entraîneurs classés alors en deux catégories
bien distinctes : les entraîneurs dits « empiriques »
et les entraineurs relevant des « scientifiques ».
Un débat aujourd’hui désuet puisque les « scientifiques »
ont pris l’avantage avec les résultats que l’on connait.
Empruntant le discours d’aujourd’hui portant sur le
développement des personnes, nous dirons que cela fut l’opposition entre
d’anciens athlètes ayant bénéficié d’une « formation qualifiante »
et d’autres anciens athlètes (plus jeunes, la nouvelle génération de l’époque) ayant
suivi une « formation diplômante ». Une argutie
discursive pour différencier les entraîneurs ayant suivi une formation
accélérée et alternée (les entraîneurs des 1er, 2ème et 3ème
degrés) ou une formation d’enseignant d’EPS (professeurs d’enseignement moyen
et professeur d’enseignement secondaire) et les entraîneurs ayant intégré un
cursus de formation de moyenne et longue durée dans les ITS et à l’ISTS, des
établissements de formation de cadres du sports placés sous tutelle du
ministère de la jeunesse et des sports. Une sorte aussi de conflit
générationnel teinté de corporatisme qui
se cristallisera vers 1990 avec l’association algérienne des cadres du sport
(AACS).
Nous observerons qu’aujourd’hui le débat (sur les réseaux sociaux)
se situe au cœur même de la confrérie des « scientifiques »,
entre les anciens athlètes et ceux qui n’ont pas de passé sportif, entre les
pratiquants d’un certain niveau et les autres, dont certains occupent des
postes de responsabilité au sein des instances fédérales. Un autre conflit
générationnel entre les détenteurs d’une attestation d’athlète validée par un
palmarès (serait-il national) et d’autres inconnus dans le paysage sportif. Les
critiques portées (par exemple) à l’encontre du DTN de la FAA se situent à ce
niveau. Avec en arrière-plan, la pensée d’une incompétence à laquelle s’ajoute
d’autres pouvant relever de la complaisance.
Ces attestations ont toujours été au centre de polémiques.
En particulier, celles délivrées pour l’obtention d’un visa Schengen à des
personnes qui n’y ouvrent pas droit (souvent à l’instigation de cadres
permanents de la FAA ou de membres influents du bureau fédéral) et le refus
d’établissement par la DTN à des athlètes (Ramzi Abdenouz) pour qui c’est une
nécessité dans le but de participer à des compétitions en Europe en l’absence
d’un programme de compétitions relevées susceptibles d’élever le niveau de
performance des athlètes. Des attestations (souvent délivrées par des ligues
mais aussi la fédération) qui seraient aussi utilisées à d’autres fins dont
celle d’intégrer des formations d’éducateurs sportifs pouvant permettre ensuite
de s’inscrire STAPS, en masters et même de tenter de poursuivre des études de
doctorat.
Dans le landernau de l’athlétisme constantinois, au moment
où nous y sommes entrés, (au début de la saison 83-84) Amar Bouras et Tewfik
( ?) Bousrief (un bon coureur de
3 000 steeple) étaient considérés par les anciens (Benmissi, Grabsi,
Labed, Benhabyles, Boukraa and co), pas jaloux pour deux sous, comme
les futures perles de l’athlétisme local. Leurs statuts, leurs histoires
personnelles (leurs passés d’athlètes, leurs palmarès en tant qu’entraîneurs
d’athlètes de niveau continental) leur permettaient de s’élever au-dessus d’un
débat qui pour eux n’avaient pas l’intérêt ou l’acuité qu’il pouvait avoir en
d’autres lieux. De plus, ils avaient été leurs entraineurs. A ce moment-là, le
fils ne pouvait trucider le père.
Le retour de Bouras à Constantine (après ses années d’études
à l’ISTS) ne fut certainement pas à la hauteur de ses espérances. Lors des
compétitions (le stade du 17 juin était alors animé chaque weekend par une
compétition), nous n’avons pas le souvenir que son nom ait été évoqué. Ni parmi
les athlètes ayant marqué l’histoire de l’athlétisme local, ni parmi les
entraineurs en devenir. C’est à cette époque qu’émergèrent les Azzedine Talhi
(entraîneur de Triki), Rachid Benzegoutta (actuel DOS de la ligue de
Constantine), Mounir Alloui (enseignant à l’université de Batna), Bachir
Messikh (entraîneur de Skander Athmani et Souhir Bouali), Noureddine Tadjine (en
poste à Alger) cumulant la double casquette d’athlètes membres des équipes
nationales et étudiants soit à l’ITS de Constantine soit à l’ISTS d’’Alger.
Le passage d’Amar Bouras à Constantine, à ce que nous avons
pu comprendre (à partir des années 89 et 90) fut bref et insatisfaisant pour
tous : athlètes, entraîneurs et l’intéressé lui-même. Bouras repartit pour
Alger.
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