samedi 3 septembre 2016

Polémiques (5), La migration sportive

L’après Annaba et le retour de Séoul ont modifié le statut de Hassiba. La jeune athlète (20 ans) prend conscience de la place de premier plan qu’elle occupe dans la sphère athlétique algérienne, de ce que le sport peut lui apporter. Pour leur part, les dirigeants sportifs sont dans l’attente de la « nouvelle Sakina Boutamine », la référence contemporaine algérienne en course de demi-fond. Une double championne d’Afrique du 800-1500 qui, pour des raisons qui nous sont inconnues et que n’avons pas cherché à élucider, ne put participer aux jeux olympiques de 1980 (Moscou).
Quelques années plus tard (après les championnats du monde Tokyo et les jeux olympiques de Barcelone), les autorités politiques, les pouvoirs publics auront besoin d’un symbole rassembleur des forces progressistes. Hassiba Boulmerka la sportive tiendra avec bonheur ce rôle d’illustration de la lutte populaire contre les forces obscurantistes, l’étendard de l’ « Algérie debout », de l’ « Algérie qui gagne ».
L’interview qu’elle nous accorda fut certainement le déclic. Puisque, c’est dans les semaines qui suivirent qu’elle a disparu de nos radars. Un nouveau « triangle des Bermudes » était apparu du côté du Stade du 17 juin. Le calme plat. Le silence !
A nos questions posées quasiment chaque week-end, une réponse stéréotypée de l’ensemble des membres de « la famille athlétique » constantinoise : elle est à Alger !  Pendant longtemps (en l’absence d’informations qui n’existaient certainement que du côté d’Abboud Labed, l’entraîneur évincé, spolié pour la seconde fois des efforts consentis pour mener d’abord Sakina Boutamine puis Hassiba Boulmerka au plus haut niveau, qui curieusement n’en pas parlé) nous avons cru qu’elle était en regroupement permanent des équipes nationales. Tout militait pour cette option. Les meilleurs athlètes de cross et de demi-fond (elle en faisait partie) étaient souvent regroupés pour les échéances sportives hivernales (championnats de cross-country  maghrébin, arabe, planétaire). Elle n’était au cœur d’aucune discussion. La routine quoi.
En fait, Hassiba était partie pour ne plus revenir. Ce fut au printemps que nous apprîmes la vérité. Ou plus exactement des bribes de vérité. Que Hassiba avait joué une « carte gagnante ». Celle détenue par Amar Bouras devenu, par  un tour de main digne des plus grands prestidigitateurs, entraîneur national de demi-fond alors qu’il n’avait aucune compétence particulière. Comparativement s’entend au profil d’autres entraîneurs, en permanence sur le parcours dit « du Golf de Delly Ibrahim » et au stade annexe du stade du 5 juillet (celui qui deviendra le Sato) dont les athlètes aux résultats internationaux probants garnissaient les rangs des équipes nationales. Si ce n’est sa place dans la mécanique fédérale qui s’esquissait alors autour des diplômés de l’ISTS. Des entraîneurs, comme on a bien daigné nous le rappeler, étaient formés pour le haut (le très haut niveau) niveau de performance, la super-élite du mouvement sportif algérien. Une « caste » qui a siphonné la plus grosse partie des moyens mis à la disposition de la fédération.
La migration sportive fait partie des mœurs. Elle n’a rien de scandaleux. C’est un phénomène social qui accompagne le développement. Nous dirons qu’en Algérie la migration sportive est un sous-produit de l’exode rural qu’il est possible d’étudier à travers la superposition de plusieurs cartes : démographique, scolaire, sportive et administrative.
Les découpages administratifs successifs ont changé (déjà dans les dernières années de l’époque coloniale) le rang des cités. Certaines (nous restons dans le périmètre de l’ex-département français de Constantine) sont devenues des chefs de lieu de préfectures (puis de wilaya) comme Sétif, Annaba, Batna (ce seront les premières ligues de wilayas d’athlétisme promues ensuite, au nom du « droit » de la ligue-mère qui serait une forme de « légitimité historique », à celui de ligue régionale) qui donneront par la suite, au fil des découpage administratifs, naissance aux actuelles 48 wilayas.
Sur cette carte administrative, on peut apposer une carte scolaire dans laquelle on entrevoit une hiérarchisation des circonscriptions administratives et des établissements scolaires avec au niveau des communes les écoles primaires, à celui des daïras les collèges et enfin au niveau du chef-lieu de de la wilaya les lycées tandis que les premières universités et centres universitaires sont installés (progressivement) sur le territoire des wilayas originelles (celles qui prirent le relais des préfectures françaises) puis des wilayas nouvellement nées.

En ce temps où l’EPS et le sport scolaire constituent (par une décision politique mise en place par le courant progressiste de la société. N’oublions pas que nous situons temporellement dans la période antérieure à 1990 qui vit l’arrivée du multipartisme et du modèle économique libéral se substituant à une organisation sociale que le pays a connu sous l’intitulé de la « Réforme sportive ») l’assise du mouvement sportif national.

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