"El Maratoune". Voila ce qu’est la course de route de Constantine que
l’on affublé pompeusement du qualificatif de semi-marathon alors que sa
distance n’effleure que les 15 kilomètres au lieu des 21 kilomètres et une
centaine de mètres que prévoit la règlementation internationale. Une course qui
s’est mise à la mode du « 2 en 1 » par la fusion de deux courses qui
chacune avait son charme (la course entre les ponts et le "semi-marathon"Abdelhamid Benbadis) et la disparition du plus ancien et du plus emblématique
(₺"e Benbadis").
La langue dialectale, "el Derdja" que des universitaires s’efforcent
de réhabiliter et de promouvoir face à l’impérialisme de la langue enseignée
dans les établissements scolaires, est savoureuse, porteuse de la richesse
populaire. "El maratoune" a suscité nombre de réflexions ironiques tout le long
du parcours de la course. Des moqueries et des remarques pleines du bon sens
populaire que les officiels n’ont pu entendre dans l’espace policé qui leur
était réservé à l’arrivée de la course.
Le petit peuple, s’arrêtant un instant, plus ou moins long, pour
regarder passer les coureurs, a émis des observations édifiantes qui démontrent
que le populaire n’est pas dupe. « "Maratoune"? Ils viennent du
centre ville, ils retournent au centre ville » pour caractériser la
brièveté de la course conçue comme une seule et unique boucle.
« Chouf, le parcours ! Ils leur ont mis une côte qu’une
voiture ne peut monter qu’en deuxième.
Ilveulent les tuer ! ».
Jeunes et vieux, tous ont eu la dent dure pour ces organisateurs de
….. "pacotille" pour reprendre une expression trop souvent entendue.
L’expression populaire en dialectal est encore plus expressive et n’est pas
rendue par notre traduction.
Sans être des connaisseurs indiscutables de la course à pied, sur le
parvis de la mosquée Emir Abdelkader surplombant une partie de la course (près
de 500 mètres de pente), des témoins de mariages religieux qui fleurissent avec
le retour des beaux jours, passionnés par Internet et les télévisions
satellitaires, attendant la célébration des cérémonies, ont eu des commentaires à faire rougir de
honte "les techniciens" bon teint et bien d’hommes de culture. Des propos qui
invalident tous les discours sur… l’inculture populaire.
Certains ont fait des rapprochements avec les "courses de montagne".
Un autre revenant d’un voyage à Lyon (France) raconta qu’il avait assisté à une
course dans les rues de la ville qui ne s’appelait pas "semi-marathon" mais "Lyon urban trail" qui serait justifié
par les successions de pentes et de descentes affrontées par les coureurs.
Toujours sur le même lieu, le changement de nom a fait débat. Nombreux
ont été ceux qui ont lié la débaptisation de la course à un autre événement
s’étant déroulé quelques jours plus tôt : le déboulonnage de la statue de
l’imam Benbadis offerte par un promoteur étranger à la ville de Constantine à
l’occasion de la manifestation culturelle « Constantine, capitale 2015 de
la culture arabe ».
L’un deux venu d’El Eulma, capitale du commerce, ayant beaucoup voyagé
pour ses affaires, dans les pays du bassin méditerranéen, dit avoir vu une
statue inesthétique de Christophe Colomb installée au port de Lisbonne
regardant vers l’Ouest, l’Océan Atlantique, vers l’Amérique centrale et les
Caraïbes. Un autre monde qu’il découvrait pendant que les musulmans débutaient
leur reflux d’Andalousie et que les Barberousse régentaient Alger. « Ils
n’ont pas cherché la ressemblance mais la symbolique », affirma-t-il.
« Colomb représente, quoiqu’on en dise, la découverte de l’Amérique. C’est
ce que les Portugais ont retenu. Pas que la statue est moche ou
inexpressive ! ».
Un autre, à l’accent caractéristique des frontières orientales du pays
numide où subsisterait encore ce qu’un homme politique avait qualifié
d’ « archaïsmes sociétaux », commence par un « Loukane fi
bledna… » pour terminer par « on n’aurait jamais retiré la stèle
d’une personnalité locale, d’une personne représentative de la localité ».
C’est du pays chaoui qu’est venu le coup de grâce : « l’imam
Ibn Badis, avait placé l’islamité et l’arabité avant l’amazighité. Il a placé,
dans son triptyque, l’authenticité des racines de la population algérienne
après les apports extérieurs. Voila ce qu’il advient lorsque on oublie ses
origines. On commence à effacer son existence. On enlève sa statue à peine
érigée et on retire son nom à un non-événement sportif».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire