dimanche 26 avril 2015

Les franco-algériens, Rihet el bled


                                                                                                                              
Les supporters algériens couvent de leurs attentions énamourées les joueurs de football ramenés d’horizons divers. De jeunes joueurs, la vingtaine à peine dépassée, ayant encore tout à apprendre pour devenir de grands joueurs et que l’on incorpore dans les sélections appelées à disputer les plus grands tournois qui sont organisés sur le continent (Coupe d’Afrique des Nations)ou sur la planète (Coupe du monde).  
La sélection de ces joueurs talentueux, mais manquant encore de maturité, fait l’objet de débats médiatiques houleux autour de ces franco-algériens ou autres binationaux (M’Bolhi, Taïder, Cadamuro) qui ne peuvent se permettre de réfléchir trop longuement sur la décision à prendre (celle de choisir l’équipe nationale avec laquelle il jouera alors que son cœur balance entre les deux rendant cornélien un choix… attendue par tous). Surtout, lorsque la presse se met à battre le tambour. Ils n’ont pas le droit de décevoir…les millions de supporters qui, en d’autres circonstances plus normales, celles faisant partie de la vie quotidienne, n’auraient pas la même attitude. Il ne faut pas faire fuir la fiancée surtout lorsqu’elle est belle.
A des niveaux différents bien sur. Surtout, lorsque le joueur réfléchit à ce qui l’attend de l’autre côté de la mer et ne veut pas se lancer dans une aventure dont il connait (en partie) les risques. Ceux dont il a eu à pâtir lors des vacances scolaires pendant laquelle la langue qu’il parle, son accent, ses habitudes, ses attitudes sont l’objet de…commentaires (de la part des cousins et cousines, oncles et tantes et camarades de jeu, etc.) où l’étrangeté, la différence est notablement marquée et remarquée. C’est là que se trouve le substrat de la prétendue polémique entre les joueurs locaux et les joueurs professionnels auquel se greffe la jalousie de l’Autre qui vient prendre une place qui nous est due parce qu’il n’est pas comme nous et de chez nous.
Il est vrai que le statut de joueur de l’équipe nationale en fait un être à part. Le fait qu’il évolue dans un club de bonne notoriété européenne en fait une starlette à laquelle on fait les yeux doux, que l’on courtise, et dont on satisfait les moindres caprices…. en attendant qu’elle soit enchaînée, pieds et mains liées ….par les liens de l’union, de la lettre d’engagement à signer si « on » a joué en équipe jeunes ou de la première sélection irrévocable en match officiel. A ce moment-là, on lui fera sentir à cette…..canaille de quel bois on se chauffe, en lui sortant tous les petits défauts (ou ceux que l’on regarde comme tel) d’un petit jeune venu…d’ailleurs, d’un autre univers, d’une autre culture.
Si le choix de revêtir la tunique algérienne est considéré comme allant de soi, le choix inverse est peu apprécié. Sahnoun, Meriem, Zidane, Benzema, Nasri (et dans quelques temps Fekir lorsqu’il aura joué ses premiers matchs avec l’équipe de France), bien qu’ils soient considérés comme de bons joueurs voire d’excellents joueurs, souffrent d’une tare indélébile, celle de n’avoir pas revêtu la runique des Fennecs. Ils sont en manque de patriotisme.
Le lien avec la mère-patrie ou du moins celle de leurs parents (ou de leurs ancêtres) est distendue, semble-t-il. Pourtant il existe fortement. Plus fortement qu’on ne le croit. Mais, jamais dit. D’ailleurs même si la proximité avec la terre ancestrale est avouée, elle n’est jamais crue. Du moins par les gardiens de ce temple qui n’existe que dans leurs lubies et n’attire pratiquement pas de fidèles, si ce n’est des courtisans prosélytes. Pour eux, le choix de l’équipe de France est plus que significatif de la dérive patriotique.

C’est lorsque le joueur n’est plus en activité, que les micros et les caméras se sont détournés, que remontent à la surface des anecdotes racontées par des personnes étrangères à cette problématique. La dernière a été narrée récemment par un grand entraineur italien de renommée internationale, Marcello Lippi. Celui-ci répond (au journaliste algérien qui veut savoir pourquoi il a cité Zinedine Zidane parmi les joueurs algériens alors que ce dernier a joué pour l’équipe de France avec laquelle il a remporté un titre de vainqueur de la Coupe du monde) qu’il avait, du temps où Zidane jouait à la Juventus de Turin dont il était alors l’entraineur, vu le joueur (déjà renommé internationalement) jouer, à une heure très tardive, dans une rue de Turin. Interpellé par son coach, Zizou eut une réponse à laquelle Lippi ne s’attendait certainement pas. Lippi dit « il me répond : ce sont mes amis de mon pays l’Algérie ». Tout cela, dans une ville du Sud de l’Italie, à l’heure où les gens honnêtes sont sous la couette et les joueurs professionnels récupèrent, Zidane joue au ballon, à la lumière des lampadaires avec des inconnus venus de son pays apportant Rihet El bled, l’odeur de son pays où il n’est pas né et n’a pas vécu.      

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