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abah Madjer, l‘homme, le joueur est connu depuis des lustres. Son nom
a franchi les frontières pour avoir réalisé quelques unes des actions
footballistiques qui marquent les esprits de ceux qui ont pu y assister en « live »,
assis dans les tribunes des stades ou confortablement installé devant un écran
de télévision. Il fit partie du commando de joueurs locaux qui n’était alors
qu’un groupe de joueurs essentiellement formés de joueurs préparés à la performance sportive sur les
terrains vagues et les terrains d’Algérie renforcés par une petite poignée de
leurs pairs repérées par les structures de l’omniprésente organisation de masse
ralliant la majorité des nationaux résidents à l’étranger, l’Amicale des
Algériens en Europe. En ce temps-là, différencier les joueurs par leur
provenance n’était pas significatif et n’avait pas l’importance idéologique qu’on
lui accorde aujourd’hui dans la presse sportive. Il est vrai, qu’alors, à une
époque où le socialisme spécifique était dominant et les journaux relevaient
d’entreprises publiques que l’on appellera la presse gouvernementale, une
décennie plus tard, avec le changement de perspectives politico-économiques et
la venue de l’"aventure
intellectuelle", était
numériquement réduite à sa plus simple expression.
Après l’exploit collectif de Gijón consistant, à l’occasion du premier
match de l’E.N en phase finale de la Coupe du monde de football, à vaincre l’"ogre allemand", Rabah Madjer, joueur formé en Algérie,
membre de toutes les équipes nationales depuis les catégories jeunes, frappa,
quelques années plus tard, l’imagination mondiale avec un geste technique qui
porte son nom. Toujours face à une équipe allemande, en finale de la Ligue des
champions.
Sélectionneur national
évincé de son poste, consultant de haut niveau possédant un excellent sens de
la communication orale, Rabah Madjer fait partie de ceux que nous avons dénommé,
ici même, les "intermittents du football", ces anciens joueurs, ces
entraîneurs, méprisés par les responsables de clubs, qui ne peuvent jamais
menés un projet sportif à son terme car en butte à leur instabilité
émotionnelle chronique et à celle des
supporters. Repris au plus haut niveau de la maison fafienne, l’expression -
renvoyant initialement aux "intermittents du spectacle", ces
corps de métiers (réalisateurs, assistants, éclairagistes, preneurs de son,
costumiers, maquilleuses, etc.) sans lesquels un spectacle (films, séries
télévisés, pièces de théâtre, galas, etc.) ne peut être et encore moins réussi,
bien que leur statut soit semblable dans la précarité à celui des entraîneurs, des médecins, des
kinés et des gardes matériels – par une dérive sémantique inappropriée et
indécente frise la moquerie déplacée et l’indigence intellectuelle surfant une
victoire inespérée. Mais, il n’en demeure pas moins qu’un "intermittent", comme peut
l’être Madjer, est le révélateur d’une réalité assombrie par l’argent et la
récupération facile de l’effort financier et intellectuel de ces autres qui
aujourd’hui (quand les revenus de la rente pétrolière diminuent) comme hier ont
beau jeu de déclarer « nous n’avons pas de pétrole mais nous avons
des idées ».
Madjer, pur produit de la formation
algérienne de joueurs, auréolée d’une gloire qu’on ne peut lui confisquer même
si on l’écarte de la postulation à la présidence de la FAF, est un ardent
défenseur de ces joueurs locaux qui ont quasiment disparu de l’équipe
nationale, réduits seulement à des strapontins (équipe olympique, sélection
nationale militaire) que la réglementation internationale où les nécessités
géographiques leur concèdent. Et ce sont justement ces deux sélections qui
prouvent que le talent existe mais n’est pas employé à bon escient. La
philosophie du gain rapide, du consumérisme à l’algérienne fondé sur
l’importation, du prêt à jouer, est passée par là.
Comme Rachid Mekhloufi, un
autre grand nom du football algérien, grand footballeur parmi les grands de son
époque, dans un monde où l’indigène n’avait pas sa place, qui fut son maître en
football, Rabah Madjer à la crinière grisée, dans une approche qui se voudrait
(selon certains) conservatrice et rétrograde, sans écarter les Franco-Algériens
méritants, axe sa pensée et son raisonnement sur "les locaux", ce que d’aucuns
nommeraient le développement du produit national.
Invité sur le plateau d’une
télévision nationale privée satellitaire, il eut une remarque édifiante en
observant, à propos de la diffusion d’un reportage documentaire consacré (par
une télévision belge) à un jeune joueur, évoluant dans le championnat de ce
royaume, pressenti pour renforcer les rangs des "Verts", qu’il aurait été
préférable de médiatiser les jeunes oubliés de tous. L’animateur ne sut bien
évidemment quoi répondre.
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