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orsque Mo Farah arrive à Pékin où se disputent les championnats
d’athlétisme 2015, il manque de cette sérénité qui lui fut coutumière. Beaucoup
de choses ont été dites à propos de dopage. Bien qu’il ne soit pas visé
directement par les journalistes, les agences américaines et britanniques de
lutte contre le dopage, le coureur de 5 000 et 10 000, favori numéro
un de ces deux courses devant ses rivaux d’Afrique de l’Ouest (Kenya, Ethiopie,
Erythrée), est compromis par les accusations à peine voilées qui sont portées
contre son entraîneur (Alberto Salazar) et son camarade d’entraînement (Galen
Rupp).
Le 26 août, après une qualification qui ne fut pour lui qu’une
formalité, il apparait (selon les journalistes présents sur place) détendu,
souriant et un brin plaisantin. Le journaliste du quotidien « Le
Monde » note que « dans les travées du stade
olympique de Pékin, Mo Farah, lunettes de soleil remontées sur le front,
s’amuse avec les médias anglophones » et qu’il « affiche
ostensiblement sa décontraction ».
Les journalistes britanniques sont encore plus surpris que le journaliste
français. L’un d’eux, journaliste au « Telegraph »,
assure qu’il ne l’avait jamais vu « aussi heureux cette année
qu’aujourd’hui ». Après avoir exprimé sa surprise et indiqué que
Mo Farah « était comme ça les années précédentes, il rigolait tout
le temps », il note que la médaille d’or remportée quatre jours plus tôt sur le
10 000 m « a changé son attitude ».
Le journaliste britannique estima alors qu’au cours des mois ayant
précédé la compétition, Mo Farah ne savait pas qu’elle devait être son attitude
vis-à-vis des représentants des médias. L’explication est peut être simpliste
mais lisons-là : « il ne savait pas trop quoi dire, il ne
savait pas comment ça serait interprété. Comme il a réalisé qu’il était à
nouveau sur les “unes” pour de bonnes raisons, après l’avoir été pour de mauvaises,
il est heureux à nouveau». Les « mauvaises raisons »
étaient celles qui étaient liées aux soupçons de dopage.
En finale du 10 000 m, Mo Farah s’est imposé dans le dernier tour
sans grande difficulté. Malgré les trois Kenyans engagés dans une course
d’équipe, faisant tout pour maintenir un train d’enfer, il a placé une de ses
accélérations dont il a le secret, obligeant ses adversaires à céder.
En zone mixte, après un tour d’honneur enroulé dans l’ « Union
Jack », devant des tribunes presque désertées, Mo Farah évoque sa
sixième médaille d’or consécutive dans une des grandes compétitions (Jeux
olympiques et championnats du monde) en
déclarant que « cette victoire veut dire beaucoup pour moi, ces dernières
semaines n’ont pas été faciles » avant de poursuivre « J’ai
laissé ma course parler pour moi». Le double champion olympique ne se
sentait pas plus stressé que d’habitude. Aux journalistes recueillant ses
impressions, il déclara, comme pour ôter les doutes pouvant leur venir à
l’esprit, « de toute façon, je
n’aurai jamais autant de pression que pour les Jeux de Londres, où toute une
nation m’attendait». Comprendre que cela fut plus dur à Londres qu’à
Pékin. Malgré les péripéties du semestre qui a précédé la compétition chinoise.
Héros au Royaume-Uni, après son double sacre aux JO de 2012, son image
auprès du public avait connu une dégradation certaine depuis six mois. Le
journaliste du Telegraph remarque, alors qu’une seconde médaille d’or
est sérieusement engagée, « le grand public ne croit plus en Mo Farah, à
cause de ce qui a été écrit dans la presse. Il n’y a pas de preuves contre lui,
mais les gens n’y croient plus. C’est triste».
Depuis le début de l’année 2015, Mo Farah est confronté à une
succession d’affaires embarrassantes. En février, les journaux britanniques ont
révélé qu’il avait effectué un stage d’entraînement à Sulthula (la base
d’entrainement d’entraînement d’Aden Jama en Ethiopie) aux côtés d’Hamza
Driouch. Nous avons vu que cet athlète
qatari d’origine marocaine a été convaincu de dopage (sur la base d’anomalies
sur son PBA) et suspendu au moment du stage. Les explications de la fédération
britannique, de l’agent de Mo Farah et de Hamza Driouch, confuses et
contradictoires, n’ont pas dissipé ce premier malaise.
En juin 2015, à quelques semaines des championnats du monde de Pékin, la
BBC a révélé qu’Alberto Salazar (que Farah a rejoint en 2011) était au cœur
d’une enquête de l’agence antidopage américaine. Quelques jours plus tard, le Daily
Mail a fait ses gros titres sur le fait que Mo Farah ait raté deux
contrôles antidopage (passés inaperçus) en 2010 et 2011.
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