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éros du Royaume Uni, depuis son double sacre olympique (5 000 et
10 000 mètres) « at home », dans la capitale de Grande Bretagne et du
Commonwealth, Mo Farah était, jusqu’au début de l’année 2011, un bon coureur de
niveau mondial de demi-fond long. Rien ne le distinguait de ses pairs de cette
Corne d’Afrique dont il est lui aussi natif si ce n’est qu’il porte le maillot
du pays qui l’a accueilli dans sa jeunesse.
En rejoignant le Nike Oregon Project, Mo Farah a franchi un nouveau
cap. Les performances qu’il réalisa à partir du mois de février sont expliquées par les
techniques d’entraînement moderne (dont on sait très peu de choses) et des
moyens qui lui sont offert par
l’équipementier Nike et bien sur la collaboration avec cet Alberto Salazar qui
révolutionna le marathon vingt ans plus tôt.
Dans ces explications, nous percevrons une vision réductrice sur
l’athlétisme de cette région d’Afrique fournissant - années après années, de
cycles olympiques en cycles olympiques - de grands champions se succédant,
comme les vagues déferlant les unes à la suite des autres sur une plage. Depuis Abebe Bikila (en 1960 et 1964) puis
Kipchogue Keino, Naftali Temu, Mamo Wolde (en 1968) et ensuite leurs successeurs
(aussi bien Kenyans qu’Ethiopiens ou encore Somaliens ou Djiboutiens), des
Africains se sont hissés sur les podiums des courses de demi-fond d’abord aux
jeux olympiques, lorsque ceux-ci étaient l’unique compétition sportive à
l’échelle planétaire, puis plus tard aux championnats du monde d’athlétisme.
Pour expliquer ces résultats, tous les arguments susceptibles de
traverser l’esprit ont été présentés. L’altitude, les conditions de vie
sociale, l’alimentation, le morphotype, la biologie, la biomécanique, etc..
Toutes les pistes ont été explorées. Y compris les plus « sottes et
grenues ».
On oublie que la pratique sportive normalisée, codifiée par des
instances sportives (IAAF, CIO) est un produit culturel arrivé, dans la forme
qu’on lui connait présentement, dans les bagages des colonialismes européens
(français, britannique, allemand, espagnol, portugais, italien, belge) puis des
influences idéologiques américaines et soviétiques qui marquèrent fortement les
nations africaines à partir des indépendances (1960) à travers les programmes
de scolarisation, de soutien aux pays non alignés ou d’aide au développement.
Peu importe la forme revêtue,
il s’agissait de faire pencher le fléau de la balance vers l’une des deux idéologies
dominantes : le libéralisme ou le communisme. Le « non
alignement », né à la conférence de Bandoeng, créant une voie
nouvelle, tenta autant que possible de tenir à l’écart des deux grands courants
idéologiques les Etats-Nations en gestation d’Afrique et d’Asie, les pays qui
formèrent le Tiers-Monde avant de devenir les pays en voie de développement.
Au recouvrement de leurs souverainetés nationales, ces nouvelles
nations firent appel aux « pays frères » de l’Europe de
l’Est ou aux anciennes puissances dominantes occidentales, à la coopération
technique. Une observation très superficielle montre que les aires d’influence
de la période coloniale ont perduré. Dans cette « Corne de l’Afrique »
qui nous intéresse ici les Britanniques et les Italiens sont en territoire
culturellement et sociologiquement conquis. Derrière chaque champion (ou
groupes de champion) on retrouve un pasteur, un médecin, un enseignant originaire
de ces deux pays.
Pour clore cette parenthèse, nous dirons que la réussite des coureurs
africains est le résultat de de la communion des talents naturels (y compris
les paramètres qui renvoient aux fondamentaux de la pensée colonialiste) et des
conditions sociales (l’ascenseur social) d’une part et des techniques et
technologies empruntées à l’Eurasie et à l’Amérique du Nord sans occulter les
dérives et autres dérapages provoqués par la course aux médailles dont le
dopage. Le nombre d’athlètes de cette région du continent noir concernés par ce
fléau pousse à se demander quelquefois si ces athlètes ne seraient pas les
cobayes de pratiques expérimentales à l’échelle humaine. Des sortes de testeurs
de produits pharmaceutiques comme il existe des testeurs de chaussures. Ils
sont les acteurs de la globalisation.
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