mardi 21 juin 2016

Dans le rétro (11), Déclarations contradictoires du père et de la fille

Q
uoiqu’on en dise et quoiqu’on puisse rétrospectivement en penser, la rupture (houleuse ou amiable, quel que soit le qualificatif accordé à cette séparation) entre Zahra Bouras et Ahmed Mahour Bacha fait partie (de notre point de vue) des micro-faits routiniers, du même genre que ceux qui alimentent quotidiennement la vie sportive passionnée mais peu passionnante du côté du stade du 5 juillet. Seuls les protagonistes des débats illusoires (et encore !) lui donnent une acuité particulière.
Il est à retenir qu’au moment où les alentours du Sato bruissent, les Bouras et Mahour Bacha n’intéressent pas particulièrement le grand public. Bien qu’Amar Bouras révèle que «l'objectif de Zehra est toujours le même, c'est-à-dire atteindre la finale du 800m des prochains Jeux olympiques de Londres », il n’y a rien qui vraiment motive les lecteurs. Une place de finaliste ne pèse pas face à des médailles aux championnats du monde et aux jeux olympiques. Des médailles qui ne sont pourtant que des accidents de l’histoire d’une décennie qui voit le pays en danger de disparition.
L’athlétisme n’est pas médiatiquement porteur en l’absence de résultats de portée internationale. Les Boulmerka, Morceli, Saidi Sief, Saïd Guerni, Benida-Merah, Hamma ayant naturellement déserté les pistes, n’animent plus l’actualité athlétique et n’ont pas été supplanté dans la mémoire du grand public gavé de succès. Pourtant, des athlètes de demi-fond d’un bon niveau international sont là en attente de gloire, se font remarquer dans les grands meetings. Quant à Toufik Makhloufi, il est encore un illustre inconnu y compris au sein de la fédération.
L’athlétisme algérien (ne l’oublions pas) est un univers, un microcosme représentatif de la société humaine. On y est, comme partout ailleurs, friand de ce genre d’histoires croustillantes colportées par les commères des stades. Amar Bouras et Ahmed Mahour Bacha, depuis quelques années, sont retournés se fondre dans la masse. Ils reviennent (du moins Amar Bouras) sur le devant de la scène. Mahour Bacha lui, depuis quelques années, prend tous les coups.
Dans une précédente chronique (n°349. Dans le rétro (4), Zahra au fond du trou), nous avons rapporté la substance de la déclaration de Zahra Bouras. Celle où elle nous montre une force de caractère incroyable pour une athlète aux apparences fragiles. Elle déclara, moins de deux mois après que l’on (son père) lui ait annoncé sa suspension, qu’elle était restée sans réaction pendant trois heures, enfermée dans sa chambre, attendant le retour de l’entraînement des autres athlètes de l’équipe nationale se préparant à disputer les championnats d’Afrique. Elle ne voulait pas qu’ils apprennent la mauvaise nouvelle (sa suspension pour dopage) par d’autres. Des athlètes et des entraîneurs algériens présents sur place à Porto Novo (Bénin) elle dit qu’ils l’ont soutenu, qu’« ils ont tout fait pour que je ne sombre pas ». Son père en étant incapable car il « était ravagé par la douleur ». Pouvait-il en être autrement quand, dans le prolongement du mythe introduit dans la littérature par les bandes dessinées de Goscinny et Uderzo (Astérix), le ciel lui était tombé sur la tête. A moins que ce ne fût le menhir qu’Obélix (tombé dans la marmite de potion magique) envoya sur la tête du druide Panoramix.
Dès leur retour à Alger, moins d’une semaine plus tard, dans les colonnes d’un titre qui aujourd’hui n’a plus bonne presse à la fédération, reprenant ses esprits, il annoncera d’abord que sa fille et Larbi Bourraâda ont déposé plainte contre X. Il affirmera ensuite sans sourciller que Zahra a bénéficié du soutien de ses proches depuis le premier instant. « Au moment de l’annonce, je suis resté presque deux heures avec Zahra pour essayer de la calmer, mais c’était vraiment difficile car elle était choquée par la nouvelle ».

Avec la mémoire, l’être humain dispose d’une faculté qui facilite l’oubli des mauvais moments et enjolive les bons. Chez les Bouras, elle est apparemment encore plus sélective que chez le commun des mortels. Il semblerait que la victime (Zahra) et le témoin (Amar) n’ont pas vécu exactement le même événement. Du moins, ils ne le racontent pas de la même manière. Au point de ne pas pouvoir discerner qui des deux est le plus solide mentalement. Pour la défense d’Amar, nous dirons qu’ayant appris l’information dans le taxi qui les conduisaient au stade et n’ayant annoncé à sa fille qu’après qu’elle eut achevé son échauffement, il avait eu le temps de digérer la mauvaise nouvelle et de trouver la formule pour lui en faire part. Et qu’ensuite, il se laissa emporter par son affliction. Avant de retrouver ses esprits. Plus tard, à Alger. Lorsqu’il entra dans l’arène des polémiques.

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