Lorsque les citoyens sont excédés par les dysfonctionnements de la
société. Lorsque leurs espoirs les plus forts sont déçus, ils n’ont, ces
dernières années - une période indéfinie que l’on pourrait toutefois datée sans
utiliser le carbone 14 à la fin du parti unique et des événements qui ont
marqué, douloureusement dans les chairs de beaucoup de jeunes et de citoyens de
tous âges, cette transformation de la société civile - qu’une échappatoire! Marcher
sans fin en criant des slogans fustigeant le système en place pris dans toutes
ses formes, politique, administratif, économique et depuis quelques temps le
système …sportif.
Le mimétisme est frappant. Le sport (mais en réalité cette
terminologie linguistique extensive et
englobante se réduit finalement qu’au football, les autres disciplines malgré
les exploits internationaux de leurs pratiquants, de leurs leaders ne sont que
des facettes peu ou mal aimées et marginales de ce volet de la vie sociale)
reproduit, dans sa contestation des systèmes
locaux de la gestion sportive, les gestes de la société dans laquelle il
évolue.
La ₺grande marche₺ des supporters de la JSK en est
la démonstration. Des centaines, des milliers de fans (les estimations
divergent comme toujours dans ce genre de manifestations) de l’équipe symbole
d’une région et d’un mode de vie ont marché dans les rues de la ville, fief
d’une vision du monde, d’une approche sociétale en déphasage par rapport aux
strates dominantes de la société. L’appel à marcher est venu d’un groupe
autoproclamé « comité de sauvegarde » qui renvoie à d’autres
référents. Cette structure informelle, représentative d’une caste socialement
définie (anciens joueurs, anciens entraineurs, anciens dirigeants), s’est
érigée en leaders d’opinion et…d’opposition à une autre caste bien ancrée dans
le terreau local. En fait, les deux groupes sociaux le sont aussi profondément
l’un que l’autre. La différence se situant dans le positionnement actuel par
rapport à la détention du pouvoir de décision au sein d’une structure sportive
élevée à un niveau emblématique, comme le furent les clubs ₺autochtones₺ par rapport au système colonial.
L’actuel président de la SSPA, « Moh » Cherif Hannachi se
présente indubitablement en tant que symbole hautement représentatif d’un
système sportif s’appuyant fortement sur une légitimité historique fondée sur
une présidence d’une vingtaine d’années du club kabyle qui l’installe comme
pion incontournable et indéboulonnable de la vie du club dans ses deux
existences (amateur et professionnel) et d’une légitimité juridique et légale
que lui confère les statuts d’une société commerciale - imperméable (en toute
logique) au frissonnements populistes - en phase avec le fonctionnement actuel
et moderniste de la société algérienne et du mouvement sportif.
Le ₺comité de
sauvegarde₺, groupement informel à,
linguistiquement parlant, résonnance révolutionnaire, s’inscrit dans une
mouvance idéologique, beaucoup plus ancienne, plus en phase avec les traditions
de la région. Une forme de démocratie qui n’est ni une ₺démocratie populaire₺,
au sens aujourd’hui vieilli du terme, ni une démocratie ₺élective₺. Il s’agit
de la forme méditerranéenne des ₺agoras₺, des ₺forums₺ et des ₺djamaa₺, une
forme d’organisation sociale - elle aussi hiérarchisée en familles, villages,
clans, tribus, fédérations - où prédominent les ₺sages₺, les patriarches, (un
système patriarcal et gérontocratique) donc des hommes murs, au vécu et aux
connaissances de l’univers affirmés, aptes selon les coutumes millénaires à
conduire les groupements humains.
Simplement, dans ce cas
précis, l’appartenance spatiale de référence n’est pas réduite à un
village : les marcheurs sont venus de toute la région. Nous sommes
confrontés, dans l’analyse du phénomène, à une communauté humaine plus étendue
géographiquement mue par un centre d’intérêt particulier unificateur, la
passion pour un sport et une équipe, créant un sentiment de proximité, effaçant
à la fois les distances et les divergences idéologiques subjectives, sublimant
l’appartenance identitaire…sportive qui devient le trait d’union entre
les….factieux ou du moins ceux perçus comme tels.
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