dimanche 12 juillet 2015

Marche des supporters, Ce foot qui fait marcher les sportifs du vendredi

                                                                                                                                                

Lorsque les citoyens sont excédés par les dysfonctionnements de la société. Lorsque leurs espoirs les plus forts sont déçus, ils n’ont, ces dernières années - une période indéfinie que l’on pourrait toutefois datée sans utiliser le carbone 14 à la fin du parti unique et des événements qui ont marqué, douloureusement dans les chairs de beaucoup de jeunes et de citoyens de tous âges, cette transformation de la société civile - qu’une échappatoire! Marcher sans fin en criant des slogans fustigeant le système en place pris dans toutes ses formes, politique, administratif, économique et depuis quelques temps le système …sportif.
Le mimétisme est frappant. Le sport (mais en réalité cette terminologie  linguistique extensive et englobante se réduit finalement qu’au football, les autres disciplines malgré les exploits internationaux de leurs pratiquants, de leurs leaders ne sont que des facettes peu ou mal aimées et marginales de ce volet de la vie sociale) reproduit, dans sa contestation des  systèmes locaux de la gestion sportive, les gestes de la société dans laquelle il évolue.
La ₺grande marche₺ des supporters de la JSK en est la démonstration. Des centaines, des milliers de fans (les estimations divergent comme toujours dans ce genre de manifestations) de l’équipe symbole d’une région et d’un mode de vie ont marché dans les rues de la ville, fief d’une vision du monde, d’une approche sociétale en déphasage par rapport aux strates dominantes de la société. L’appel à marcher est venu d’un groupe autoproclamé « comité de sauvegarde » qui renvoie à d’autres référents. Cette structure informelle, représentative d’une caste socialement définie (anciens joueurs, anciens entraineurs, anciens dirigeants), s’est érigée en leaders d’opinion et…d’opposition à une autre caste bien ancrée dans le terreau local. En fait, les deux groupes sociaux le sont aussi profondément l’un que l’autre. La différence se situant dans le positionnement actuel par rapport à la détention du pouvoir de décision au sein d’une structure sportive élevée à un niveau emblématique, comme le furent les clubs ₺autochtones₺ par rapport au système colonial.
L’actuel président de la SSPA, « Moh » Cherif Hannachi se présente indubitablement en tant que symbole hautement représentatif d’un système sportif s’appuyant fortement sur une légitimité historique fondée sur une présidence d’une vingtaine d’années du club kabyle qui l’installe comme pion incontournable et indéboulonnable de la vie du club dans ses deux existences (amateur et professionnel) et d’une légitimité juridique et légale que lui confère les statuts d’une société commerciale - imperméable (en toute logique) au frissonnements populistes - en phase avec le fonctionnement actuel et moderniste de la société algérienne et du mouvement sportif.
Le ₺comité de sauvegarde₺, groupement informel à, linguistiquement parlant, résonnance révolutionnaire, s’inscrit dans une mouvance idéologique, beaucoup plus ancienne, plus en phase avec les traditions de la région. Une forme de démocratie qui n’est ni une ₺démocratie populaire₺, au sens aujourd’hui vieilli du terme, ni une démocratie ₺élective₺. Il s’agit de la forme méditerranéenne des ₺agoras₺, des ₺forums₺ et des ₺djamaa₺, une forme d’organisation sociale - elle aussi hiérarchisée en familles, villages, clans, tribus, fédérations - où prédominent les ₺sages₺, les patriarches, (un système patriarcal et gérontocratique) donc des hommes murs, au vécu et aux connaissances de l’univers affirmés, aptes selon les coutumes millénaires à conduire les groupements humains.
Simplement, dans ce cas précis, l’appartenance spatiale de référence n’est pas réduite à un village : les marcheurs sont venus de toute la région. Nous sommes confrontés, dans l’analyse du phénomène, à une communauté humaine plus étendue géographiquement mue par un centre d’intérêt particulier unificateur, la passion pour un sport et une équipe, créant un sentiment de proximité, effaçant à la fois les distances et les divergences idéologiques subjectives, sublimant l’appartenance identitaire…sportive qui devient le trait d’union entre les….factieux ou du moins ceux perçus comme tels.    

   

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